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MagazineDossier spécial : il faut qu'on parle du chemsex

Par Mathias Chaillot le 13/10/2022
chemsex

Cumulant la drogue et le sexe, le chemsex s’est répandu dans la communauté gay, comblant parfois le mal-être d’une époque difficile. Alors oui, le cul sous produits peut être cool. Mais beaucoup trop d’entre nous restent sur le carreau. Dans le magazine têtu· de cet automne, nous consacrons 30 pages à l'analyse du phénomène et à des conseils de réduction des risques.

Par Mathias Chaillot et Thomas Vampouille
Illustration : Clément Louis

Vincent*, pétillant garçon de 34 ans qui n’a jamais vraiment eu de problèmes avec le sexe, les mecs ou la drogue, débarque un soir dans une partouze où on lui propose du GBL, produit euphorisant aux forts effets secondaires. Au cours de la soirée, il fait un “monumental G-hole” (perte de conscience liée à une surdose), mais se souvient tout de même d’une chose : “Je n’ai jamais autant pris mon pied.” Puis, après une rupture, la déprime s’installe, les plans s’accélèrent, les prises de produits aussi, et les descentes s’aggravent. “Une expérience infinie de la tristesse”, résume-t-il avec le recul. Se voyant glisser assez rapidement dans l’addiction, il s’impose un garde-fou : une seule session chemsex (contraction de “chemical sex” en anglais) par mois, maximum. Mais depuis sa première expérience, ses plans sans produits psychoactifs font l’objet d’angoisses nouvelles : “Avec la drogue, je peux passer huit heures à quatre pattes ; aujourd’hui, sans prod, je ne sais même pas si je vais réussir à tenir cinq minutes.” Il sait que, désormais, il lui faut apprendre à composer avec deux parties de soi, “celui qui veut rester raisonnable, et celui qui se chauffe dès qu’on lui propose un peu de chems”.

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Comment Vincent, à l’origine plutôt méfiant avec les drogues, a-t-il rejoint les 13 à 14% d’hommes gays et bi qui disent pratiquer le chemsex ? Si chaque parcours est unique, ce phénomène est celui d’une époque, le fruit de facteurs sociaux, communautaires, technologiques et chimiques dont la conjugaison a des conséquences potentiellement dangereuses, voire dramatiques. Les autorités sanitaires seraient d’ailleurs bien inspirées d’établir un bilan sérieux du nombre de victimes....