À un an des élections municipales de 2026, et alors que sa ville s'apprête à accueillir ce mois de juillet les EuroGames 2025, festival européen du sport inclusif et de la diversité, le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, revient auprès de têtu· sur le rôle des municipalités dans la lutte contre les LGBTphobies.
Fin juillet, la ville de Lyon accueille les EuroGames, une compétition multisports européenne réunissant des clubs LGBTQI+ de toute l'Europe. L'occasion, par ailleurs à un an des prochaines élections municipales, de questionner le bilan du maire de la troisième ville de France, l'écologiste Grégory Doucet, 51 ans, en fonction depuis 2020.
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- Du 23 au 26 juillet, Lyon accueille les EuroGames 2025, ensemble de compétitions sportives qui promeuvent l'inclusion des personnes LGBTQI+ dans le sport. Que représente pour vous cet événement ?
Cette compétition revêt une signification politique en affirmant Lyon comme une ville de l'égalité, ce qu'on reconnaît et qu'on affirme de manière joyeuse ensemble, avec une dimension internationale. C'est la traduction concrète de notre démarche politique que nous souhaitons porter au-delà de nos frontières. En allant chercher le drapeau des EuroGames à Vienne, en Autriche, puis en le donnant à Cardiff, au Royaume-Uni, pour l'édition suivante prévue en 2027, nous formons un ensemble de villes européennes qui s'engagent en faveur des personnes LGBTQI+, car les villes ont été motrices dans l'avancée des droits LGBTQI+.
- Le maire écologiste de Budapest, Gergely Karácsony, a récemment défié le pouvoir autoritaire du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, qui prétendait interdire la Pride 2025 dans la capitale. Qu'est-ce que vous inspire cette séquence ?
J'ai soutenu la Pride de Budapest, sans pouvoir m'y rendre pour des questions d'agenda. Gergely Karácsonya a d'ailleurs reçu beaucoup de soutien de la part d'autres maires écolos qui se sont déplacés, et m'a personnellement raconté son quotidien face à un Premier ministre brutal et abominable, qui coupe notamment des financements dédiés à la capitale. Heureusement, Lyon n’est pas dans la même situation mais nous sommes une vigie. Par exemple, les maires sont aux premières loges pour voir la résurgence puissante des réactionnaires, c'est pour cela que j'ai demandé au ministre de l'Intérieur la dissolution des Remparts [un groupuscule d'extrême droite issu de Génération identitaire et dissout en conseil des ministres en juin 2024].
"C'est notre rôle de former la police municipale pour qu'elle soit l'alliée des personnes LGTBQI+."
- Qu'est-ce qu’une politique pro-LGBT à l'échelle municipale ?
Une municipalité pro-LGBT, ce sont des solutions très concrètes, par exemple la formation de tous les personnels, ceux notamment de la police municipale, en adaptant les formulaires pour réduire les procédures qui stigmatisent. C'est aussi envoyer des signaux en prônant un message de respect pour les personnes LGBTQI+, par exemple en pavoisant la mairie du drapeau arc-en-ciel pendant tout le mois des Fiertés.
- Les atteintes LGBTphobes augmentent partout en France, particulièrement dans le Rhône et à Lyon. Pavoiser sa mairie, est-ce suffisant pour enrayer cette spirale ?
Mener des actions symboliques, comme les drapeaux ou bien en peignant des escaliers aux couleurs de l'arc-en-ciel, c'est important pour dire aux Lyonnais·es que les institutions sont de leur côté, et qu'il leur est possible d'aller les trouver pour demander du soutien. Dans de nombreux pays, on aimerait que les municipalités agissent ainsi. Et puis, au-delà du symbolique, c'est notre rôle de former la police municipale pour qu'elle soit l'alliée des personnes LGTBQI+.
Avec la préfecture, le ministère de la Justice, l'Académie de Lyon, la métropole et plusieurs associations, nous avons construit en 2023 un plan de lutte contre les LGBTphobies, avec 52 mesures qui vont de la distribution d'un vade-mecum à destination des chefs d'établissement scolaires à la formation des cadres des clubs sportifs amateurs, en passant par l'engagement à la subvention d'événements liés à la culture LGBTQI+… Ce plan a pu être ambitieux car tous les acteurs sont alignés avec un même objectif : aider la vie des personnes LGBTQI+.
- Lorsqu'il était ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait promis une cartographie des lieux des agressions LGBTphobes, prenant l’exemple d'une expérimentation à Lyon. Est-ce un outil utile à vos yeux ?
Nous savons déjà quels sont les points à surveiller à Lyon, et on travaille déjà avec les professionnels de la nuit pour être vigilants sur les sorties des établissements, car on sait que cela se joue là.
- Quelle doit être la stratégie de la gauche pour aborder les élections municipales de 2026 ?
Je suis à la tête d’une majorité au sein de laquelle l'écologie est la plus importante, mais où peuvent s’exprimer les différentes sensibilités de la gauche, avec quelques Insoumis, des élus des partis communiste et socialiste, de l'Après [parti transfuge d'anciens Insoumis qui ont quitté la ligne Mélenchon], et même du parti Pirate. Cette majorité représente une diversité d'opinions mais aussi une grande capacité d'action opérative qui peut faire gagner la gauche aux prochaines élections municipales.
- Comment expliquez-vous que cet arc-en-ciel des gauches fonctionne à l'échelle locale mais plus au plan national ?
Lorsqu'on est élu local, on cherche à faire avancer des dossiers : il y a un intérêt pratique à écouter largement les opinions politiques. Marine Tondelier, la première secrétaire de mon parti, Les Écologistes, est animée au niveau national du même esprit que le mien, en incarnant un lien entre les différentes sensibilités de la gauche.
- Pouvez-vous travailler avec des élus de La France insoumise qui ont par exemple voté en faveur de l'arrêt des zones à faibles émissions (ZFE), que vous avez ardemment défendues ?
À gauche, que ce soit à l'échelle nationale ou municipale, personne ne remet en cause le principe d'améliorer la qualité de l'air pour la santé publique, mais nous ne sommes pas d'accord sur les moyens pour atteindre cet objectif. À l'échelle de la ville, nous avons des outils de démocratie municipale qui permettent de trancher nos débats, ce qui manque peut-être à l'échelle nationale.
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Crédit photo : Jeff Pachoud / AFP