Alors que s'ouvre ce jeudi 10 juillet, sur France 2 et france.tv, la première saison All Stars de Drag Race France, Xavier, un lecteur de têtu·, a tenu à adresser cette lettre ouverte à l'iconique animatrice de l'émission, la queen Nicky Doll.
Chère Nicky,
Il y a quelques jours, dans le salon de mon beau-père, la télé était allumée sur un match de foot, ou peut-être du rugby… peu importe ! À la pause pub, un spot surgit. Couleurs éclatantes, perruques, tenues sublimes : Drag Race France All Stars annoncé sur France 2. En prime time. Sur une chaîne publique.
Mon beau-père, accoudé à la table basse, a grogné dans sa barbe. Rien de frontal, juste un "pfff" désapprobateur, un froncement de sourcils qui voulait tout dire.
Mais moi, j’ai souri. Parce qu’en 30 secondes, toi et les queens étiez entrées dans son monde, sans demander la permission. Et ça, c’est déjà une victoire.
Je suis rentré en France en 2023 après seize ans à Londres. C’est là-bas que j’ai appris à respirer, à aimer librement, à me marier, à fonder une famille avec mon mari. Là-bas, j’ai guéri, un peu, des blessures de mon adolescence passée en province.
Quand j’étais enfant, les personnes LGBTQ+ à la télé étaient rares, caricaturales ou tragiques. Soit des victimes du sida, soit des objets de moquerie. Jamais des héros. Jamais des artistes. Jamais des modèles. Alors pour exister, il fallait partir. Moi, c’était Londres en 2007. Parce que rester, c’était étouffer. Voire sombrer… ou pire.
Alors voir aujourd’hui Drag Race France sur le service public, ce n’est pas juste du divertissement. C’est une revanche sur l’invisibilité. C’est un espoir transmis à celles et ceux qui grandissent encore aujourd’hui dans des endroits où "pédé" reste une insulte quotidienne, et où le coming out est un acte de courage, voire de survie.
Ce que tu as réussi avec Drag Race France est immense. Tu as su reprendre l’ADN du format original tout en l’ancrant profondément dans notre culture française et dans nos réalités. Ici, on parle de province, de racisme, de religion, de VIH, de famille, de transidentité, de rejet, mais aussi de beauté, de culture, de fierté, et d’art queer dans toute sa splendeur.
Tu n’as pas seulement monté une émission : tu as créé un espace de soin, d’écoute, de feu et de joie.
Et tu l’as fait alors même que le climat devient de plus en plus hostile. Alors que Trump revient à l’assaut des droits LGBTQ+, que J.K. Rowling fait la tournée des plateaux pour nier l’existence des personnes trans, et que même ici, en France, les agressions homophobes ne cessent d’augmenter. Il faut du courage pour rester debout dans ce contexte. Il en faut encore plus pour continuer à porter des perruques, des talons, des plumes et des valeurs d’amour au milieu du cynisme.
Je sais que tu as été attaquée. Je sais que tu as reçu des menaces, notamment après ton passage remarqué à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris. Et pourtant, tu continues. Tu vas sur les plateaux, tu parles, tu expliques, tu éduques, tu refuses de t’excuser d’exister. Tu es là, lumineuse, forte, drôle, sensible.
Et à travers toi, des milliers de jeunes se voient enfin représenté·es autrement que dans la douleur. À travers toi, des beau-pères grognent dans leur barbe.
Et moi, je souris.
Merci pour ça. Merci pour cette lumière dans mon salon.
Merci pour celle que tu allumes dans tant d’autres foyers, parfois hostiles, parfois aimants, souvent entre les deux.
Et merci de nous rappeler, semaine après semaine, que notre existence mérite plus que la tolérance : elle mérite la célébration.
Avec toute ma gratitude,
Un papa, un mari, un ancien ado invisible.
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Crédit photo : Stefanos Kyriazis / NurPhoto via AFP
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