En mettant en scène des lesbiennes puissantes, Arcane, la série d'animation mystico-SF adaptée du jeu vidéo League of Legends et dont la saison 2 vient de se terminer sur Netflix, montre non seulement que le monde du gaming n'est plus imperméable à l'inclusion LGBT+, mais aussi qu'un récit queer peut tout aussi bien prétendre qu'un autre à l'universel.
Arcane, c'est déjà terminé. La série animée Netflix ancrée dans l'univers de League of Legends, l'un des jeux vidéos les plus joués au monde, vient d'achever sa deuxième et ultime saison. Et il n'en aura pas fallu plus pour passer de League of Legends à… League of Lesbiennes ! Si les premiers épisodes posaient les premières pierres d'une idylle gouine, la seconde saison transforme Piltover en cité saphique où pullulent des meufs badass armées jusqu'aux dents et prêtes à défendre leurs idéaux. Alors oui, on kiffe la réflexion philosophique sur les avancées scientifiques et l'humain augmenté. On aime aussi la lutte des classes et l'éternel combat entre les zonards de la basse ville et les privilégiés. Mais honnêtement, ce qu'on retiendra de la saison, ce sont les gouines qui se déchirent, se trahissent et se rabibochent à grands coups de reins.
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On ne va pas se mentir, la tension sexuelle qui ne tarde pas à émerger entre deux des personnages principaux, Vi et Caitlyn, a vite attisé notre curiosité. On comprend d'ailleurs très tôt que leur relation sera amenée à prendre de l'ampleur et à avoir un impact sur l'arc narratif. D'un côté, on a Vi, une combattante redoutable dont l'antagonisme avec sa sœur sous-tend l'intrigue de la première saison, et de l'autre Caitlyn, une militaire haut placée issue d'une famille influente. La première est une prolo anarchiste qui veut tout faire péter, la seconde une privilégiée psychorigide qui se bat pour le maintien de l'ordre existant. On pourrait croire à un Roméo et Juliette ambiance steam-punk, mais Arcane surpasse nos attentes par la profondeur et la nuance données à ses personnages. Ensemble, elles dépassent leurs préjugés et s'unissent autour de convictions communes.
Arcane subit la censure en Chine
Mais comme une hirondelle ne fait pas le printemps, un couple lesbien ne suffit pas pour faire d'Arcane une série gouine. D'autant que ces dernières années, la représentation lesbienne a déjà progressé dans l'animation. La Légende de Korra avait ouvert la voie discrètement il y a dix ans et, depuis, She-Ra et les Princesses au pouvoir en 2018, Hazbin Hotel en 2019 et Luz à Osville en 2020 – pour ne citer qu'elles – ont accouché de personnages queers bien plus affirmés. Arcane se démarque néanmoins avec son florilège de femmes toutes plus puissantes les unes que les autres : des femmes aux gros bras, des cheffes de guerre féroces, des femmes politiques de poigne, des inventeuses géniales, des grandes mages… Ce sont elles qui prennent les décisions majeures et remportent leurs combats, quand les hommes restent au second plan.
"Quand la communauté LGBTQI+ se met en avant, on l'accuse toujours de propagande", nous confiait le joueur pro de League of Legends Eika à la suite de son coming out, en décembre 2023. Lorsqu'elle approfondit la biographie de ses héros LGBT+ sans que cela influe sur l'expérience de jeu, la franchise de jeux vidéos développée par Riot Games est par ailleurs souvent accusée de représentation forcée ou de queerbating. La première adaptation de la franchise ne fait pas cette erreur, accordant une place centrale à la relation entre Vi et Caitlyn, dont le couple est un vecteur d'espoir, un pont entre deux mondes décrits comme irréconciliables. Les homophobes l'ont d'ailleurs bien compris : le gouvernement chinois a censuré toute trace de lesbianité de cette seconde saison, changeant carrément la fin de la série (attention, spoiler).
Dans la même veine, on pouvait craindre les réactions haineuses de fans masculinistes de League of Legends. Une vague d'homophobie avait ainsi accueilli l'arrivée dans le jeu du personnage de K'Sante, créé en collaboration avec le chanteur gay Lil Nas X. Mais Arcane – dont on salue au passage le studio français qui l'a créée, Fortiche Production – a bel et bien reçu le succès mérité. Et nous offre au passage une chose rare dans le monde de l'animé : une représentation de sexe lesbien (on vous la met en lien pour ne pas spoiler) qui prouve, s'il le fallait encore, qu'on peut être sensuel en s'épargnant l'habituel focus masculin sur les gros seins et les gros culs, et que la mise en scène d'un amour homo a la même puissance universelle que celle d'un couple hétéro. Espérons qu'une série du même acabit puisse un jour connaître le même triomphe en valorisant un couple de mecs !
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Crédit photo : Netflix