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cinéma"Les Affluents", portraits croisés de la jeunesse cambodgienne

Par Franck Finance-Madureira le 22/02/2022
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Pour son premier long-métrage, Jessé Miceli filme le Cambodge et raconte les bouleversements que le pays vit depuis quelques années. Il dessine dans Les Affluents le portrait sensible de trois jeunes hommes au début de leur vie d’adulte, qui tentent de s’en sortir en vendant des vêtements, en conduisant un taxi ou en se prostituant. Rencontre. 

Après des études de cinéma, Jessé Miceli travaille dans les coulisses, dans la production, dans la distribution, avec toujours en tête l’idée de faire des films. "Il y a dix ans, se souvient-il pour TÊTU, j’ai rencontré le Cambodge et c’est une histoire d’amour qui a duré. Sur place, je voyais la transformation très rapide de ce pays très jeune de par sa population, et la renaissance après les événements tragiques. C’était pour moi l’endroit et le moment idéal pour raconter une histoire, pour témoigner de ce moment-là et de la façon dont la jeunesse s’adapte à ces changements brusques." Là, il s’inspire de ce qu’il voit, de ce qu’il vit sur place et construit son récit, fait de trois portraits de jeunes hommes qui s’attaquent à la vie active dans la capitale cambodgienne, Phnom Pehn, en s’inspirant de rencontres faites sur place.

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"Je voulais proposer trois façons de monter à bord du train de la modernité qui est déjà parti à grande vitesse, de s’adapter à ce boom économique qui ne profite pas à tout le monde de la même façon. La société cambodgienne investit les jeunes de toute la charge de la famille, des parents, des grands-parents, donc ils quittent tôt la campagne pour la ville et doivent se débrouiller. La pression est énorme, les jeunes font office d’assurance retraite dans ce pays très pauvre. Je me suis inspiré des hasards de la vie pour créer ces personnages et trouver les acteurs non-professionnels qui pouvaient les incarner. Tout s’est fait par bouche à oreille car les structures manquent encore un peu pour organiser des castings comme chez nous. On a beaucoup travaillé pour qu’ils incarnent au mieux ces personnages".

Jeunesse et espoirs

Dans le film, le très jeune Songsa va travailler pour un commerçant de textiles, Phearum débute comme chauffeur de taxi et Thy, qui vient de fêter ses 20 ans et rêve d’une moto comme son grand frère, va découvrir les bars à strip-tease masculins et la faculté qu’il a de plaire à des hommes occidentaux plus âgés. 

"La prostitution est un vrai sujet et découle directement de cette vision ultracapitaliste qui a envahi le pays, explique Jessé Miceli. Tout devient à vendre et le corps devient un outil. C’est une réalité dans toute l’Asie du Sud-Est et cela m’intéressait de l’appréhender du côté masculin plutôt que du côté féminin. La société cambodgienne est encore très conservatrice, il y a une pression sociale extrêmement forte à créer une famille et à avoir des enfants très tôt. Mais dans le cadre intime, la liberté est plutôt grande et, par rapport à l’homosexualité en tant que telle, on ne ressent pas de climat de condamnation. De nombreux mecs mariés vont le soir dans les karaokés rencontrer des garçons. Les questions du mariage gay, par exemple, ne se pose pas encore à la société cambodgienne de façon forte mais il n’y pas non plus de répression ou d’interdiction".

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Les Affluents raconte à la fois le travail, sa nécessité, les conditions difficiles de la vie quotidienne dans la ville mais aussi les rêves qu’on s’y autorise et les nuits festives qu’une capitale procure. Un très beau film simple, respectueux de ses personnages, et qui restitue d’une belle façon la puissance des changements qui anime un pays et se concentre sur les attentes déçues comme les espoirs et de sa jeunesse. 

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Crédit photo : Local Films