Abo

séries"La santé mentale n'est plus un tabou" : rencontre avec Ayumi Roux de "Skam"

Par Florian Ques le 18/03/2022
Rencontre : Ayumi Roux (Maya) débriefe la saison 9 de "Skam France"

Présent dans Skam France depuis trois saisons, le personnage de Maya a davantage été mis en avant dans la belle et bouleversante saison 9 de la série, en streaming sur France.tv. Son interprète, l'actrice Ayumi Roux, débriefe avec têtu· son évolution.

Ce vendredi 18 mars, France.tv met en ligne l'ultime séquence de la saison 9 de sa série Skam France. Une nouvelle cuvée d'épisodes qui aura mis Maya, l'activiste écolo de la "Mif", à rude épreuve. Au fil de ces dernières semaines, la jeune femme a dû maintenir sa vie professionnelle et militante à flot malgré sa peine de cœur provoquée par sa rupture soudaine avec Lola. Pour décortiquer cet ascenseur émotionnel, quoi de mieux qu'une interview avec son interprète Ayumi Roux ? Pour têtu·, l'actrice âgée de 20 ans dévoile les coulisses d'une saison placée sous le signe de la mélancolie.

À lire aussi : De "Orange Is the New Black" à "Sex Education" : les séries changent le monde

Maya a enfin eu droit à sa saison de Skam France. Quelle a été ta première réaction quand tu as appris la direction qu'elle allait prendre au fil des épisodes ?

Ayumi Roux : J'étais assez surprise que ce soit centré sur Maya parce qu'elle avait déjà une place tout de même assez importante dans la saison 6. J'étais aussi surprise du thème du chagrin d'amour parce que je craignais que ça ne soit pas assez captivant, en comparaison avec les thématiques des saisons précédentes. D'ailleurs, en voyant les épisodes, je me dis qu'il y a des moments où on n'a peut-être pas suffisamment été dans le détail. J'ai l'impression que l'on n'a pas assez raconté et, en même temps, c'est très dur à raconter avec ce format-là où les personnages sont censés évoluer en temps réel. Mais c'est peut-être parce que je ne suis pas une professionnelle du chagrin d'amour (Rires).

Tu n'as jamais connu une telle phase dans ta vie ?

Pas du tout. Ce n'était que de l'interprétation. Je crois que je me suis surtout inspirée des autres séries ou films que j'ai pu regarder par rapport au chagrin d'amour. Au moins, maintenant, je suis entraînée (Rires). Mais c'est vrai que je n'ai encore jamais vécu ça, à moins que je sois dans le déni complet.

C'est une saison émotionnellement compliquée pour Maya, qui y passe par tout un tas d'émotions. C'était lourd quand les caméras ne tournaient plus ?

Pour le coup, je n'ai aucun problème pour dissocier. Quand il faut tourner et qu'on me dit "action", c'est parti. Mais quand on dit "couper", je peux reprendre la discussion que j'avais juste avant que ça tourne, comme si de rien n'était. Physiquement, c'est un peu mécanique. Malgré ce qu'on voit à l'écran, l'ambiance n'était jamais pesante, on faisait des blagues en permanence.

On réalise plus que jamais dans cette saison 9 que Maya a énormément de mal à parler de ce qu'elle ressent librement. C'est aussi ton cas ?

Plutôt, ouais. Je m'exprime beaucoup pour parler des autres, mais assez peu pour parler de moi (Rires).

"La santé mentale n'est plus un tabou" : rencontre avec Ayumi Roux de "Skam"
Crédit photo : France.tv Slash

Y a-t-il d'autres aspects de Maya dans lesquels tu te retrouves ? Peut-être son activisme environnemental ?

Carrément ! Si on me demandait de choisir, je suis activiste avant d'être actrice. Vu l'ère dans laquelle on vit, je me dis qu'on n'a pas trop le choix. Il y a une sorte d'état d'urgence qui nous oblige à avoir un certain sens des priorités. Pensons déjà à survivre, et on verra ensuite si on arrive à vivre : c'est un peu dans cet état d'esprit que je suis.

"Apparemment, je suis le premier personnage principal asiatique dans une série française."

On en a appris davantage sur la famille de Maya, sur sa grand-mère... Sur ses origines, en somme. Était-ce gratifiant pour toi de participer à une meilleure visibilité des personnes d'origine asiatique en France ?

J'ai participé à une interview groupée pour Télérama qui parlait justement de la représentation asiatique en France. Apparemment, je suis le premier personnage principal asiatique dans une série française. J'étais choquée et très triste de savoir que ce n'était que la première fois. Mais en vérité, je n'y pense pas beaucoup parce que ça va me mettre trop de pression sur les épaules.

Plus globalement, cette saison permet de parler d'émotions, de solitude, de bien-être psychologique... De santé mentale, en gros. Ta génération en parle de plus en plus librement, n'est-ce pas ?

Totalement ! J'ai même l'impression que c'est quelque chose qui prend de l'ampleur à l'international. La santé mentale est un sujet dont j'aime énormément parler. Ce n'est plus un tabou, c'est même devenu un sujet de discussion de tous les jours. Je trouve ça très bien, même si ce n'est évidemment pas le cas partout. Je pense qu'il y a d'abord un travail à effectuer sur soi avant de pouvoir parler librement de santé mentale. Je sais que je me suis posée beaucoup de questions et ça m'a emmenée très loin, parfois dans des pensées un peu sombres, mais je pense qu'on est toutes et tous passés par là, et c'est important qu'on s'encourage à en parler davantage.

"Banaliser l'existence des identités queers fait partie de notre devoir."

Tu te définis comme pansexuelle mais, bien que tu fasses partie de la communauté LGBTQI+, ressentais-tu une pression à l'idée d'incarner un personnage lesbien ?

Je n'ai pas ressenti cette pression dans un premier temps, parce que le fait que Maya soit lesbienne ne m'a pas forcément sauté aux yeux. J'ai eu une éducation très queer, dans le sens où ça a toujours très banal pour moi. Sur le tournage, je n'ai donc pas ressenti de responsabilité particulière. Puis quand la saison 6 est sortie, je commençais à voir des articles qui titraient sur le fait qu'elle contienne un couple lesbien. Je me suis alors dit "ah ouais, c'est ça que les gens retiennent", alors que la saison parlait de deuil, d'addiction... Mais les gens retiennent le couple lesbien. J'ai alors commencé à me renseigner et j'ai pris conscience qu'on avait très clairement une responsabilité de dingue sur Skam France vis-à-vis de ça. Banaliser l'existence des identités queers fait partie de notre devoir.

"La santé mentale n'est plus un tabou" : rencontre avec Ayumi Roux de "Skam"
Crédit photo : France.tv Slash

T'es-tu sentie bien accueillie par la communauté LGBTQI+ grâce à ce rôle ?

Complètement. En plus, j'ai pu rencontrer les fans récemment lors d'une convention, et ce n'est pas possible de propager autant d'amour, c'est fou ! Ces personnes m'ont donné beaucoup d'amour au fil des années. C'était incroyable de les rencontrer. J'ai presque envie de dire que c'est devenu la famille aujourd'hui.

Skam France marche beaucoup auprès des jeunes sur les réseaux sociaux, sur lesquels tu n'es pas du tout présente. Pourquoi ?

Je ne sais pas. J'ai déjà l'impression de me dévoiler beaucoup via mon métier d'actrice, donc je n'ai pas besoin d'en montrer davantage. Je pense que c'est une question de pudeur, en fait.

On ne t'a jamais poussée à être active sur les réseaux pour ta carrière ?

Si jamais il faut devenir influenceur pour exercer ce métier, ça ne m'intéresse pas (Rires). Non, en vérité, je vais être un peu radicale mais pour moi, être actrice reste un travail. Comme tout travail, ça peut être extraordinaire ou tout le contraire. Mais quoi qu'il arrive, quand le tournage est terminé, c'est fini pour moi. Ça ne doit pas trop déborder sur ma vie personnelle. Mais j'admire les actrices et acteurs qui arrivent à faire passer leur travail avant leur vie personnelle. Je ne pense pas que j'en serais capable.

Tu as décroché un petit rôle dans la série Emily in Paris. Le début d'une carrière internationale ?

C'est drôle, parce que tout le monde m'en a parlé ! Je savais que c'était une série qui marchait bien mais je ne pensais pas autant. Pour l'instant, j'essaie de faire d'autres choses que l'acting. J'essaie d'aller ailleurs, de faire des formations à droite, à gauche. J'ai 20 ans et je me dis que j'ai envie d'essayer d'autres trucs. Là, je prépare un CAP mécanique. Ça fait un an que je suis inscrite mais à cause des tournages, je n'avais pas pu commencer. Mais non, une carrière internationale n'est pas prévue. En tout cas, pas à ma connaissance (Rires).

À lire aussi : "Heartstopper" : la première bande-annonce de la prochaine série gay de Netflix

Crédit photo : France.tv Slash