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cinéma"Je suis enfin fier" : rencontre avec Husein, Mr Gay Syria du film "Un visa pour la liberté"

Par Florian Ques le 12/05/2022
"Un visa pour la liberté" au cinéma : l'histoire vraie et bouleversante de Mr Gay Syria

Pendant environ un an, la réalisatrice Ayse Toprak a suivi Husein, 24 ans, dans son quotidien tandis que ce jeune réfugié syrien homosexuel faisait son maximum pour obtenir un visa. Et, ainsi, participer à Mr Gay World.

C'est une de ces histoires que l'on n'entend jamais. Sorti en salles ce mercredi 11 mai, Un visa pour la liberté : Mr Gay Syria retrace le parcours véridique de Husein, âgé de 24 ans à l'heure du tournage. Syrien de naissance, réfugié en Turquie, il est aussi gay. Déterminé à fuir ces pays où l'homosexualité est invivable au grand jour, il saisit une opportunité qui se présente à lui : prendre part au concours Mr Gay World, afin sensibiliser le monde aux conditions de vie des LGBTQI+ dans son pays d'origine. Pour cela, un préalable à remplir : l'obtention d'un visa.

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Dans l'intimité de Mr Gay Syria

Pendant 1h30, la réalisatrice Ayse Toprak nous entraîne dans l'intimité de Husein, de ses journées de travail dans un salon de coiffure d'Istanbul à ses soirées passées à préparer le concours Mr Gay Syria, première étape avant d'espérer concourir à Mr Gay World. On y découvre ses amis, comme Wesam ou Omar, également gays, qui représentent un soutien sans faille sur lequel il peut compter tout au long du film. Un visa pour la liberté inclut des moments légers – comme quand le héros du documentaire et ses proches discutent sans tabou dans un bar underground – et d'autres plus délicats, reflétant le climat turc hostile.

"Je suis enfin fier" : rencontre avec Husein, Mr Gay Syria du film "Un visa pour la liberté"
Crédit photo : Outplay

Le film a été tourné entre 2016 et 2017. Cinq ans plus tard, Husein a fait du chemin. Lorsqu'on le rencontre un après-midi de mai, dans le 10e arrondissement de Paris accompagné de son fidèle acolyte Wesam, il est souriant. "Ma situation en général est plus stable", nous rassure-t-il. Le Syrien d'origine réside désormais à Marseille, après avoir vu sa demande d'asile acceptée le le 24 juillet 2018. "Je me sens mieux mais pas totalement libre", complète-t-il, évoquant l'environnement homophobe qu'il subit avec son petit ami au sein de la cité phocéenne.

En acceptant d'être visible devant l'objectif d'Ayse Toprak, Husein savait ce qu'il mettait en péril. Et ça n'a malheureusement pas loupé. "Tout le monde a su que je tournais ce film, que je le veuille ou non, explique-t-il. J'en étais arrivé au point où j'avais très peur de sortir de chez moi. J'ai été en dépression pendant un an. J'avais supplié la réalisatrice de ne pas sortir le film tant que j'étais en Turquie tellement je craignais tout le monde." À cette période, il pouvait cependant déjà compter sur son amant, un ancien client qu'il coiffait à Istanbul. "Il n'aimait pas trop tout ce qui était caméra", précise-t-il dans un sourire, comme pour justifier son absence de la trame du film.

Le positif, toujours le positif

Entraperçue dans le documentaire, l'ex-femme de Husein est repartie vivre en Syrie, emmenant leur fille avec elle. Bien qu'il ne puisse plus voir son enfant autant qu'il le souhaite, le Mr Gay Syria du film ne se plaint pas. "On a récemment décidé de tenter de faire un regroupement familial pour qu'elles viennent en France malgré le fait qu'on soit divorcés, détaille-t-il. Il n'y a pas un jour où on ne se parle pas. J'ai une excellente relation avec mon ex-femme et je suis heureux qu'elle ait réussi à m'accepter bien qu'elle soit très pieuse et pratiquante." Lorsqu'elle sera suffisamment mature, Husein compte bien montrer le film à sa fille : "Avec mon ex-femme, on parle déjà de lui dire mon homosexualité mais c'est encore trop tôt".

"Je suis enfin fier" : rencontre avec Husein, Mr Gay Syria du film "Un visa pour la liberté"
Crédit photo : Outplay

Alors qu'Un visa pour la liberté a fait la tournée des festivals internationaux ces dernières années, Husein ne regrette absolument pas d'y avoir participé. Au contraire, il le voit comme une bénédiction. "Ce que je retiens vraiment de ce film, c'est qu'il m'a aidé à m'accepter, conclut-il. Je n'ai plus peur qu'on dise que je suis gay, je ne crains plus les insultes homophobes, je n'en ai plus rien à faire. C'est très difficile pour quelqu'un de ma communauté religieuse ou ethnique de faire son coming out. J'ai pu le faire et je suis enfin fier de qui je suis."

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Crédit photo : Outplay