Le premier long-métrage solo d'Omar Zúñiga Hidalgo nous transporte dans un Chili contemporain où bourgeonne une belle histoire d'amour entre un pêcheur et un homme de passage.
Si vous avez un faible pour les drames gays dans un contexte rural – à la Brokeback Mountain ou Seule la terre –, voici un nouveau film à se mettre sous la dent. Los Fuertes, le premier long-métrage du réalisateur chilien Omar Zúñiga Hidalgo, sort au cinéma ce mercredi 4 mai. Conçu dans le sillage de son court San Cristóbal sorti en 2015, il explore à nouveau le même tandem de personnages : Lucas et Antonio, deux trentenaires qui trompent leurs solitudes en nouant une idylle secrète mais intense, et mettant en péril leur indépendance.
Avec un village portuaire du Chili en toile de fond, Los Fuertes – "les forts" en espagnol – se focalise dans un premier temps sur Lucas (Samuel González). Tandis qu'il s'apprête à prendre un nouveau départ au Canada, le grand brun fait escale plusieurs jours chez sa sœur, loin de l'effervescence citadine. À sa grande surprise, il fait la rencontre fortuite d'Antonio, un maître d'équipage sur un bateau de pêche local. Dès le premier regard échangé, une tension s'installe et se mue, petit à petit, en désir irrépressible. Un élan qui les poussera à questionner leur quotidien, leurs aspirations et bien plus encore – au risque de faire des choix regrettables.
Pas de honte gay
Pour son solo inaugural – Omar Zúñiga Hidalgo avait participé à un film collectif, The Color of Time, en 2012 –, le cinéaste opte pour la sincérité servie par la simplicité. Le film ne tombe jamais dans les artifices ou la surenchère dramatique. Au contraire, les enjeux narratifs sont à échelle humaine, alors que Lucas et Antonio tentent de dompter l'amour qui naît entre eux tout en jonglant avec les pressions extérieures qui les guettent.
En dépit des embûches qui viennent gentiment ébranler la relation florissante entre ses deux protagonistes, Los Fuertes ne démord pas d'un optimisme têtu. "Je voulais que ce soit festif, romantique et passionné mais aussi rester le plus loin possible des éléments de honte, de regret ou de douleur que l'on retrouve souvent dans les films gays, explique le réalisateur. Je pense que je voulais aussi challenger les idées préconçues qu'ont les gens à propos des villages et du personnage queer de province."
Un parti pris efficace car le film sait dépeindre son époque. Il était en effet évident pour Omar Zúñiga Hidalgo que son long-métrage devait se faire le reflet du Chili moderne, à la croisée des chemins alors que les conditions de vie pour les personnes LGBTQI+ sont doucement en train d'évoluer (le mariage pour tous a été adopté le 10 mars dernier). "Ici, un homme gay peut être soutenu par sa famille mais subir l'hostilité des inconnus dans la rue, détaille-il. Je tenais à trouver un équilibre entre donner de l'espoir aux personnes queers tout en restant vraiment fidèle à la réalité du Chili d'aujourd'hui."
Du sexe sans compromis
On retiendra également de Los Fuertes ses scènes d'intimité particulièrement sensibles. Plutôt explicites tout en restant poétiques, elles dépeignent avec acuité le sexe gay sans jamais le mystifier. Faisant en outre fi de toute étiquette actif/passif pour mettre l'accent sur la passion presque animale qui dévore Lucas et Antonio : une dimension progressiste réfléchie par le réalisateur.
"Je voulais qu'on ressente que ces notions étaient totalement dépassées, appuie Omar Zúñiga Hidalgo. Je voulais dépeindre des scènes de sexe qui célèbrent leur amour et leur passion d'une façon qui soit éhontée et suscite du plaisir. Je ne voulais pas que de la honte, de la douleur ou du traumatisme rentrent en compte. Je déteste aussi les films où on assiste à leurs ébats par la fenêtre et on ne voit pas ce qui se passe. C'était important pour moi d'être entièrement présent et de montrer ces expériences sexuelles d'une manière qu'on voit encore trop peu au cinéma."
Une volonté de ne pas tricher qui s'applique jusqu'à la fin du film. "Je me dis que le dénouement est cohérent avec l'histoire que j'ai voulu raconter, conclut le cinéaste chilien. Je voulais explorer une fin qui sonne davantage vraie et à laquelle le public puisse s'identifier." Mission accomplie : le film est une belle et complexe romance entre deux hommes, ni larmoyante, ni déconnectée du réel.
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Crédit photo : Optimate Distribution