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musique"Freed from Desire" de Gala : le nouvel hymne des Bleus est avant tout… queer

Par Florian Ques le 09/12/2022
"Freed from Desire" : le nouvel hymne des Bleus est avant tout un hymne queer

Le hit de la chanteuse italienne Gala, qui date de 1996, connaît un nouveau souffle au Mondial 2022, notamment dans les vestiaires de l'équipe de France qui dispute ce samedi 10 décembre son match de quart de finale face à l’Angleterre. Ironie : cette chanson qui résonne aujourd'hui au Qatar est avant tout associée aux combats – et aux soirées – LGBTQI+.

Le 26 novembre, c'est sur les paroles entêtantes de "Freed From Desire", de Gala, que les Bleus célèbrent, extatiques, leur deuxième victoire en deux matchs de la Coupe du monde de football 2022. Rebelote le 4 décembre, cette fois-ci pour fêter leur ticket pour les quarts de finale après avoir imposé un net 3-1 à la Pologne. Olivier Giroud, Kilian Mbappé et leurs coéquipiers se chahutent alors dans les vestiaires au rythme de ce tube dance planétaire. Mais si cette chanson mémorable des années 90 partage une histoire avec le domaine sportif, en particulier avec celui du ballon rond, elle a surtout toujours été symbolique pour la communauté LGBTQI+ et pour les féministes.

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Ce n'est pas la première fois que "Freed From Desire" se mue en hymne footballistique. Au long des années 2010, une foultitude de fans européens utilisent la chanson et en détournent les paroles pour célébrer leurs représentants en crampons. Ainsi, lors de l'Euro 2016, les supporters nord-irlandais scandaient sur le même tempo "Will Grigg's on fire" afin d'encourager l'athlète du même nom. Cette année, pour le Mondial au Qatar, pas moins de trois pays – le Royaume-Uni, la Pologne et la Suisse – ont sélectionné le morceau de Gala comme "goal music", soit la musique qui retentit dans le stade quand un but est marqué. Un engouement pérenne pour une chanson intemporelle.

"Freedom and love…"

Mais si l'on explore la genèse de cette chanson, on comprend qu'elle n'avait guère vocation à devenir un hymne de footeux, encore moins dans un pays comme le Qatar… En 1996, quand l'Italienne Gala Rizzatto en écrit les paroles, elle vient d'arriver à New York, après avoir délaissé alors sa péninsule natale qu'elle considère comme machiste et peu propice à l'épanouissement des femmes. Pour elle, l'heure est au renouveau. "En m'exposant à tellement de réalités différentes, New York m'a inspirée, expliquera l'artiste à Trax dans une interview en 2021. Et j'ai compris une chose : le bonheur est rarement lié à la richesse. [...] La chanson parle de l'importance d'avoir des principes, des valeurs et des croyances fortes, par opposition à la valeur superficielle de l'argent, du pouvoir, du succès, de la célébrité..." Toute ressemblance avec la vie d'une star de football étant fortuite.

Lutter contre les systèmes établis, c'est ce que fait de mieux la communauté queer, et "Freed from Desire" – "libéré·e du désir" – s'y impose vite comme un hymne émancipateur : "La liberté et l'amour, ce qu'il recherche…" Logiquement, le hit de Gala se retrouve rapidement dans les hauts-parleurs des gay prides, tout comme dans ceux des cortèges féministes.

Gala, fidèle alliée des LGBT

En plus d'être une invitation à danser, le morceau épouse comme son interprète, fervente défenseuse des droits LGBTQI+, les valeurs de la communauté queer. En 1997, Gala dévoile son deuxième single, "Let a Boy Cry". Un titre en avance sur notre époque MeToo, où les hommes sont appelés à questionner leur masculinité, les paroles dessinant un monde meilleur dans lequel la sensibilité des garçons ne serait plus pointée du doigt. Dans le clip, on voit d'ailleurs deux jeunes mecs se tenir la main et se faire un bisou sur la joue, scène censurée par certaines chaînes de télévision à l'époque. Vingt ans plus tard, la chanteuse composera encore "Nameless Love", ballade écrite pour Favola, un film italien ayant pour protagoniste une personne trans.

"Dans ma vision du monde, être gay, lesbienne, bisexuel, trans, quelle que soit la manière dont vous vous définissez, ce n'est pas un problème. C'est quelque chose de naturel, c'est quelque chose de beau, c'est quelque chose de normal."

Gala

Dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre l'homophobie en 2013, Gala enregistrera une interview vidéo pour clarifier ses positions : "Dans ma vision du monde, être gay, lesbienne, bisexuel, trans, quelle que soit la manière dont vous vous définissez, ce n'est pas un problème. C'est quelque chose de naturel, c'est quelque chose de beau, c'est quelque chose de normal. Nous sommes tous différents. Nous devrions accepter nos différences et les célébrer."

Étonnant, donc, d'entendre aujourd'hui Gala résonner au Qatar, pays pratiquant l'homophobie d'État, et ce dans une compétition organisée par une Fifa à côté de la plaque concernant les droits LGBTQI+. L'ironie n'a pas même échappé au présentateur de CNews Pascal Praud, qui a relevé sur RTL : "Il se trouve que cette chanson est particulière parce qu'elle a souvent été chantée par les groupes LGBT. Donc, on se dit : est-ce que c'est une manière subtile pour les joueurs de l'équipe de France de faire passer un message ?" Quant à nous, on se dit plutôt qu'on ne cracherait pas sur un peu moins de subtilité dans le soutien, par l'ultra-populaire monde du foot en fête, aux droits humains

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Crédit photo : Wise Music Italy, capture d'écran YouTube