Abo

footballCoupe du monde au Qatar : carton rouge pour la Fifa

Par Tessa Lanney le 22/11/2022
Qatar,homophobie,Coupe du monde,football,Mondial,Josh Cavallo,FIFA,UEFA,One Love,brassard,inclusivité,interdiction,Boycott

Le coup d'envoi de la Coupe du monde de football 2022 a eu lieu ce dimanche 20 novembre au Qatar après des mois d'appels au boycott. Si plusieurs pays européens avaient décidé de porter un brassard en faveur de l’inclusivité, celui-ci a été interdit par la Fifa.

Tous les Josh Cavallo, Jake Daniels et Nicolas Pottier ne sauraient éteindre le brasier déclenché par la Coupe du monde de football au Qatar – qui pourtant a mis le paquet côté clim. L'appel au boycott de l'événement, prévu du 20 novembre au 18 décembre 2022, a été maintes fois relayé, et chacun aura compris les questions que pose cet événement concernant les droits humains. Au Qatar, l'homosexualité est illégale – pour les personnes musulmanes, elle est passible de la peine de mort –, selon l'article 285 du Code pénal basé sur la charia, et les condamnations pour relations sexuelles entre personnes de même sexe peuvent aller jusqu'à sept ans de prison. C'est pourquoi on attendait un geste des joueurs afin de soutenir la communauté LGBTQI+, geste qui a fini par prendre la forme du brassard "One Love". Mais après s'être retrouvé au coeur des débats et des polémiques, ce dernier s'est finalement vu interdire par la Fédération internationale de football (Fifa), instance organisatrice du Mondial.

À lire aussi : "Attribuer le Mondial au Qatar était une erreur", redit l'ex-président de la Fifa

Fin octobre, le rapport publié par l'ONG Humans Right Watch alertait sur les discriminations et les violences commises au Qatar à l'encontre de la communauté LGBTQI+. Mi-novembre, le Guardian apportait à son tour de nouvelles informations et révélait que les autorités qataries, dont on savait déjà qu'elles arrêtaient et torturaient les personnes LGBTQI+, les utilisent également comme appâts afin de capturer d'autres membres de la communauté. "Certaines personnes sont arrêtées, torturées puis recrutées comme agents des forces de police, affirme le Dr Nasser Mohamed, médecin qatari expatrié aux États-Unis. Il y a des individus de la communauté gay à qui l'on a promis d’échapper à la torture en échange de leur collaboration avec le département de sécurité préventive pour trouver des groupes de personnes LGBTQ+."

#BoycottQatar2022

Alors que le hashtag #BoycottQatar2022 prenait de plus en plus d'ampleur, l'Union des associations européennes de football (UEFA) créait au mois de septembre un brassard afin de transmettre un message en faveur de l'inclusion. Mais, premier couac de taille, le brassard "One love" ne reprenait même pas les couleurs du drapeau LGBTQI+, se contentant de réunir des bandes de couleur peu cohérentes dans un coeur entourant le chiffre "1", pour mettre l'accent sur l'union.

À lire aussi : Qatar 2022 : le brassard de l'inclusion… qui exclut les couleurs LGBTQI+

C'était déjà tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, puisque le Qatar s'était montré clair concernant sa répulsion à l'égard des couleurs de l'arc-en-ciel. "Vous voulez manifester votre point de vue sur la situation [LGBTQI+], faites-le dans une société où [le drapeau arc-en-ciel] sera accepté, s'insurgeait auprès d'Associated Press l'homme chargé de la sécurité du Mondial, Abdulaziz Abdullah Al Ansari, qui prenait la peine d'ajouter : "Ne venez pas insulter toute la société à cause de ça." Soit, les capitaines de plusieurs sélections européennes porteraient malgré tout les fameux "One Love" pendant la Coupe du monde. Un geste peut-être imparfait, mais un soutien malgré tout.

Hugo Lloris rejette le brassard

Et c'est alors que la polémique éclate : Hugo Lloris, capitaine de l'équipe de France, n'est pas favorable au brassard. "Lorsqu'on est en France, lorsqu'on accueille des étrangers, on a souvent envie qu'ils se prêtent à nos règles, qu'ils respectent notre culture. J'en ferai de même lorsque j'irai au Qatar, tout simplement", a déclaré le gardien des Bleus lors d'une conférence de presse. Comme si le respect des droits humains pouvait être comparé à l'amour de la baguette, du fromage et de Patrick Sébastien.

Dans une interview donnée au journal L'Équipe, Hugo Lloris – dont la position est également celle du président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët – a ensuite précisé que c'était à la Fifa de donner son accord au brassard et que, personnellement, il préférait qu'elle ne le fasse pas. Et d'argumenter : "Quelquefois, je me dis que l'on veut être tellement donneurs de leçon qu'il faudrait regarder aussi ce qui se passe chez nous". Les réactions indignées ont alors été nombreuses à souligner la lâcheté du capitaine français.

"La Fifa envoie un signal terrible"

Les capitaines de l'Angleterre, des Pays-Bas, du Pays de Galles, de la Belgique, de la Suisse, de l'Allemagne et du Danemark s'étaient de leur côté engagés à porter le brassard sur les terrains qataris. Mais, nouveau retournement de situation, à la veille du mondial, la Fifa a pris la décision de l'interdire. "Ils sont complètement fous, s'est exclamé sur Eurosport Yoann Lemaire, fondateur de Foot Ensemble, association qui lutte contre les discriminations. Ce brassard était déjà une version édulcorée qui ne respectait pas tout à fait les codes du drapeau LGBTQIA+. C'était un brassard passe-partout construit justement pour ne pas froisser les sensibilités. Mais là, interdire ce brassard, c'est prendre les gens pour des cons. La Fifa envoie un signal terrible." Menacés de recevoir des cartons jaunes s'ils enfreignent la règle, les capitaines des sept équipes de football européennes qui s'étaient engagés à porter le brassard pendant la Coupe du monde ont donc fait marche arrière.

Josh Cavallo, joueur australien dont le coming out, il y un an, a fait grand bruit, a réagi sur Instagram au lendemain du lancement du Mondial. "Vous, à la Fifa, vous avez perdu mon respect [...]. Malgré tout le travail que mes alliés et la communauté LGBTQ+ accomplissent pour rendre le football inclusif, vous avez démontré que ce sport n’était pas un lieu ouvert à tous." Face aux recommandations du président de la Fifa, Gianni Infantino, de "se concentrer sur le football", le joueur a rétorqué dans un autre tweet : "Ce n’est pas la première fois qu’on nous dit de ‘nous en tenir au football’. Les attaques contre la communauté LGBTQ+ par des dirigeants de la Coupe du monde affectent tant de personnes qui vivent en silence […] Pour être un grand dirigeant du monde sportif, il ne faut jamais renoncer à réunir toutes les personnes." En parallèle, la Fifa s'en est également prise au deuxième jeu de maillots que l'équipe belge a prévu pour le Qatar : sur le maillot blanc inspiré par le festival de musique Tomorrowland figuraient des imprimés reprenant les couleurs de l'arc-en-ciel mêlées dans le désordre et le mot "Love" sur le col. Plus de doute : la Fifa a déclaré la guerre à tout symbole d'inclusion qui pourrait heurter la sensibilité du pays hôte de la compétition footballistique. Et si c'était la Fifa, et non le Qatar, qu'il fallait boycotter durablement ?

À lire aussi : Fusillade dans une boîte gay aux États-Unis, 5 morts, un suspect arrêté

Crédit photo : Alex Grimm/Getty Images/via AFP