Après un doux après-midi à profiter des premiers rayons printaniers du soleil, rien de tel que de prolonger la journée avec un bon spectacle. En voici quatre aux thématiques LGBT, dont une adaptation d'un roman d'Alain Guiraudie, qui ont de quoi divertir et faire réfléchir.
- Et j'en suis là de mes rêveries
Une érection en plein repas de deuil, un curé qui dort non sans plaisir avec tous ceux qui le lui demandent, un homme jeté nu à la rue par son amant… Adapter au théâtre Rabalaïre, le roman de quelque 1.000 pages du réalisateur et auteur Alain Guiraudie – et qui a inspiré son dernier film, Miséricorde – tenait du défi. Et c'est justement celui qu'a décidé de relever le metteur en scène Maurin Ollès, dont le spectacle, intitulé Et j’en suis là de mes rêveries, retranscrit avec justesse l'étrangeté de l'univers du cinéaste.
L'acteur Pierre Maillet incarne avec humour le rôle principal d'un cycliste vagabondant sur les routes du Sud-Ouest, notamment lorsqu'il raconte ses rencontres avec de curieux aubergistes, évoque ses périples lubriques ou s'alarme du burn-out d'un assassin. À ses côtés, Maurin Ollès prend en charge avec talent les autres personnages du récit, à l'exception de ceux développés dans un segment vidéo en plein milieu de la représentation. En un peu moins de deux heures, tout un monde prend forme sur le plateau et à l'écran ; un monde à la fois cru et diablement pédé. Du Guiraudie pur jus en somme.
>> Au théâtre de la Bastille, à Paris, jusqu'au vendredi 11 avril.
>> Au théâtre des Célestins, à Lyon, du mardi 6 au samedi 17 mai.
- La Hchouma
"J'ai le sentiment de ne pas avoir existé jusqu'à mes 30 ans", répondait en 2016 à têtu· Brahim Naït-Balk, aujourd'hui âgé de 61 ans. Depuis, ce militant associatif, animateur radio ou encore entraîneur de foot a sorti en 2019 un livre témoignage, Un homo dans la cité, façon de tourner une lourde page. C'est cet ouvrage que le metteur en scène Yann Dacosta a transposé sur scène, en collant au plus près de son héros et de son histoire pleine de honte – "hchouma", en arabe, d'où le titre du spectacle. Brahim Naït-Balk dépeint une jeunesse remplie de violences et de rejet, notamment de la part de ses voisins de cité, dont certains iront jusqu'à le violer. Puis viennent la renaissance et la découverte de la possibilité d'être aimé…
Porté par les comédiens Majid Chikh-Miloud et Ahmed Kadri, le plus souvent à la première personne du singulier et parfois en campant quelques figures du récit, ce spectacle humble dans sa forme touche au cœur et aux tripes. En plus d'être jouée au théâtre, la pièce est également montrée en milieu scolaire depuis sa création en 2019. Elle est alors suivie d'échanges avec les adolescents pour lutter contre l'homophobie.
>> Au théâtre de la Reine blanche, à Paris, jusqu'au samedi 19 avril.
>> Dans le cadre scolaire en mai à Brévannes (94), Vitry-sur-Seine (94) et Angoulême (16).
- Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage
C'est l'une des aventures théâtrales récentes les plus enthousiasmantes du moment, qui allie habilement réflexion sur le genre et humour. Après Le Premier Sexe ou la grosse arnaque de la virilité (2022), au titre plus qu'explicite, et La Fête du slip ou le pipo de la puissance (2024), centré sur la verge et tout ce qui en découle en matière de masculinité, Mickaël Délis clôt sa "trilogie du troisième type" avec Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage, dernier volet construit autour du sperme.
Parti d'un don qu'il a effectué il y a deux ans, le comédien et auteur va se pencher sur les "questions de transmission, d’héritage, de paternité", notamment de son point de vue d'homme gay. Avec, on l'imagine, toujours ce mélange d’intimité (son propre cas) et d'universel qui fait la force de ses solos. La création aura lieu fin mai à Paris, avant que Mickaël Délis ne joue cet été à Avignon les trois spectacles pendant toute la durée du Off (quel marathon !). Les trois spectacles seront ensuite joués à la Scala, à Paris, à la rentrée.
>> Au théâtre de la Reine blanche, à Paris, du vendredi 23 mai au dimanche 15 juin (les deux autres spectacles seront également joués certains soirs).
>> À Avignon-Reine Blanche du 5 au 23 juillet, avec les deux autres spectacles.
- C’est pas facile d’être heureux quand on va mal
Succès public, donc prolongation pour ce spectacle lauréat en 2024 du Molière de la comédie signé Rudy Milstein, qui a reçu quant à lui le Molière de l'auteur. Sur scène, cinq personnages tous individuellement liés à au moins l'un des autres (amicalement, sentimentalement, sexuellement, anodinement…), sans que l'ensemble du groupe ne le sache forcément. Porté par une écriture acérée aux ressorts comiques efficaces et parfois noirs, C’est pas facile d’être heureux quand on va mal brasse tout un tas de thèmes contemporains, parmi lesquels la quête acharnée du bonheur. Aux côtés d'un couple hétéro en pleine séparation et d'une femme sonnée par l'annonce de son cancer, Rudy Milstein a également imaginé un duo d'hommes gays – le beau gosse tombeur incapable de s'engager et le candide beaucoup trop sincère –, jouant des stéréotypes.
>> Au théâtre Tristan-Bernard, à Paris, jusqu'au 28 juin.
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Crédit photo : Et j'en suis là de mes rêveries