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reportageBangladesh : les hijras, communauté transgenre menacée

Par Margaux Solinas le 15/06/2022
Les hijras sont une communauté transgenre traditionnelle au Bangladesh

Reconnues légalement comme troisième genre au Bangladesh, mais vivant dans une société conservatrice, les hijras sont souvent persécutées et violentées.

Reportage paru dans le magazine têtu· n°230 (printemps 2022)

Dans une ruelle délabrée du sud de Dacca, la capitale du Bangladesh, au milieu d’habitations ternes et abîmées, les tissus opale et roses des saris –  tenues traditionnelles hindoues – détonnent. Toka, un jeune Bangladais de 20 ans, pousse difficilement la porte boisée d’un immeuble. Couvert de vêtements amples et trop chauds pour la saison humide, il chuchote : “Derrière cette porte, il y a ma « famille ». Les gens ne viennent pas nous voir, car ils nous trouvent différents, presque contre nature. Mais ils ont aussi peur du badua, du mauvais sort qu’on pourrait leur jeter.” Toka est un homme trans, le seul de sa maisonnée, qui accueille uniquement des femmes transgenres. Rejeté par la société bangladaise, très conservatrice, il a réussi à se faire une place parmi les hijras, bien qu’elles n’aient pas l’habitude de cohabiter avec des hommes.

Les hijras – le mot, qui provient d’un mélange d’ourdou et d’arabe, signifie “quitter sa tribu” – se définissent aujourd’hui, pour la plupart, comme des femmes transgenres. Présente dans de nombreux pays d’Asie du Sud, leur population exacte est inconnue. Au Bangladesh, qui compte 165 millions d’habitants, leur nombre varie entre 10.000 (selon le gouvernement, en 2019) et 100.000 individus (selon différentes études). Si, en français, on a longtemps traduit le terme par “eunuque”, le mot “hijra” désigne des personnes trans, intersexes ou d’un troisième genre qui forment une communauté dans la culture hindoue. Adoptant une expression de genre très féminine, les hijras vivent en collectivité dans des maisons nommées chola, et parlent un langage secret, le ulti. “Nous préférons employer le féminin pour parler de nous”, indique Joya Sidkar, une activiste hijra d’une cinquantaine d’années, les yeux teintés de fard à paupières rose clair....