Choisie par Le Refuge comme marraine de la cinquième édition du prix "Initiatives contre l'homophobie et la transphobie", l'ambassadrice des États-Unis en France depuis octobre 2014, Jane D. Hartley, a accepté de répondre à nos questions sur son engagement personnel en faveur des droits des LGBT, mais aussi sur la politique menée par Barack Obama en ce sens pendant ses deux mandats, alors que son ou sa successeur fera son entrée à la Maison Blanche en novembre prochain. C'est le premier entretien politique de Adrien Naselli que vous retrouverez sur TÊTU tous les quinze jours.
MARIAGE POUR TOUS
Le 26 juin dernier, les couples de même sexe ont obtenu le droit de se marier sur tout le territoire étasunien. C’était une victoire pour le gouvernement de Barack Obama. Pour vous aussi ?
C’est en effet une victoire pour le Président Obama et pour son administration, mais c’est surtout une victoire pour le peuple américain et une avancée pour les droits civiques aux Etats-Unis. Notre devise E Pluribus Unum, c'est-à-dire « De notre diversité, faisons un », se justifie encore plus qu’avant. C’est un grand pas pour la justice et pour l’égale protection de touTEs.
Vous avez marqué votre soutien en défilant aux côtés de la maire de Paris, Anne Hidalgo, lors de la Marche des fiertés 2015, qui avait lieu le lendemain de l’adoption de la loi aux USA. Est-il important pour vous d’être associée à la cause LGBT ?
C'était un grand honneur pour moi de défiler aux côtés de la maire de Paris, Anne Hidalgo, et de si nombreuses personnalités de premier plan, aussi bien homosexuelles qu'hétérosexuelles, et d'être le premier ambassadeur des Etats-Unis à participer à la Marche des fiertés. C'était important pour moi de montrer à titre personnel mon engagement envers la communauté LGBT+, et c'était formidable de pouvoir le faire à l'occasion de cette journée historique.
Tous les ambassadeurs des États-Unis dans le monde ont-ils fait preuve du même enthousiasme que le vôtre ou y a-t-il des dissensions au sein des Démocrates ?
La Maison Blanche nomme les ambassadeurs afin qu'ils représentent le Président Obama et les décisions du gouvernement des Etats-Unis, et c'est ce que nous faisons avec fierté. Défendre et promouvoir les droits fondamentaux des personnes LGBT+ se trouve au cœur de l'engagement des Etats-Unis pour faire progresser les droits des personnes humaines dans le monde entier. Et ce n'est pas seulement une politique abstraite dont nous faisons la promotion, ce sont aussi des mesures concrètes dans nos vies de tous les jours. En effet, le Département d'Etat a depuis maintenant plusieurs années étendu les mêmes droits et les mêmes avantages aux couples de même sexe. Et ce ne sont pas moins de six ambassadeurs ouvertement gays qui représentent notre pays de par le monde.
Pouvez-vous retracer pour Têtu l’histoire de cette progressive légalisation du mariage pour tous les couples aux États-Unis ? La bataille a d’abord eu lieu au sein de chacun des États, et elle a été longue…
La Cour Suprême a d’abord défait le décret fédéral précédent, le Defense of Marriage Act (DOMA), en 2013, avant de décider, ce fameux 26 juin 2015, que le mariage homosexuel est un droit constitutionnel en vertu du 14e amendement de la Constitution des États-Unis. Vous savez combien cet amendement est important pour nous, Américains.
LE REFUGE
Vous avez accepté de devenir la nouvelle présidente du concours du Refuge contre les LGBTphobies. Pour quelles raisons ?
Ce choix a été facile. Qui peut accepter que des jeunes gens soient rejetés par leurs familles ou par la société du fait de leur orientation sexuelle ? Je pense qu’il faut faire comprendre la souffrance que peuvent endurer ces jeunes juste en raison de ce qu’ils sont, et qu'il faut que chacun de nous fasse ce qu'il peut pour les aider.
Le Refuge, association reconnue d’utilité publique, œuvre à la prise de conscience des cas d’homophobie et de transphobie par la famille. Est-ce la même chose aux États-Unis ? Existe-t-il une association similaire, qui recueille les jeunes chassés de chez eux ?
Il existe de nombreux organismes qui apportent un soutien aux jeunes gens issus de la communauté LGBT+ qui sont rejetés et qui luttent pour se faire accepter. Et plus largement, il existe de nombreuses associations qui travaillent à promouvoir l'égalité et à lutter contre les stéréotypes à tous les niveaux de la société et dans tous les États. En décembre 2011, le Département d'État américain, avec le concours de la France et d'autres partenaires, a créé le Fonds mondial pour l'égalité afin de financer des programmes et des organismes qui font avancer les droits des personnes LGBT+ dans le monde entier. A la fin 2015, ce fonds avait permis de financer des projets pour un montant total de plus de 50 millions de dollars dans plus de 50 pays.
QUESTIONS DE SOCIÉTÉ
Quel regard portez-vous sur le grand conservatisme en matière de mœurs d’une grande partie des Républicains ? Estimez-vous qu’il y a des similitudes avec la droite française – dont le principal parti politique s’appelle d’ailleurs Les Républicains aujourd’hui ?
Ma fonction m'interdit de prendre parti, donc vous comprendrez que je ne puisse pas faire de commentaire sur cette question.
Y a-t-il aux États-Unis des mouvements semblables à la dite « Manif pour tous » en France ?
La question de l'égalité des droits au sujet du mariage suscite des débats partout.
Pensez-vous que cette loi du mariage ouvert à tous les couples restera dans l’histoire du bilan de Barack Obama à la Maison blanche ? Et de François Hollande à l’Élysée ?
Je le pense, oui. Ces décisions représentent de grandes avancées démocratiques pour nos deux pays et pour nos sociétés.
Le fait que cette loi ait été adoptée en France et aux États-Unis à peu près à la même période, à deux ans d’écart, est-il un marqueur générationnel ? Les sociétés françaises et américaines évolueraient-elles de la même manière ?
Vous me faites plaisir en disant cela. Oui, chaque génération a de nouvelles exigences démocratiques, en France comme aux Etats-Unis, et il n’est pas vain de remarquer que nous sommes deux pays proches avec des valeurs similaires. C’est ce que je constate tous les jours.
Le concours organisé par Le Refuge et dont Jane Hartley sera la marraine cette année commence dès ce lundi 8 février.