Christiane TaubiraSondage : les idées de la Manif pour tous sont dépassées

Par Adrien Naselli le 14/09/2016
Homoparentalité couples homos ifop

L’Association des familles homoparentales (ADFH) a commandé à l’Ifop un sondage qui décortique le rapport des Français à l'homoparentalité à l'approche des présidentielles.

Un sondage similaire avait été réalisé à la demande de l’ADFH en 2014. Aux manettes, François Kraus, directeur du pôle politique de l’Ifop. Il réalise cette fois, alors que la Manif pour tous vient de publier ses "40 mesures chocs pour soutenir les familles et corriger les inégalités", une étude intitulée Les Français, l’homoparentalité et la question des droits des homosexuels dans la campagne présidentielle.
L’étude a été menée du 23 au 30 août 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 2.274 personnes âgées de 18 ans et plus. Dans le détail, les résultats sont parfois étonnants. Dans l’ensemble, ils soulignent clairement trois choses : les Français considèrent qu’un couple homo avec enfant constitue une famille ; ils sont pour l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes ; ils sont contre l’abrogation de la loi Taubira.

"Eclairer les responsables politiques sur la réalité"

Alexandre Urwicz, le président de l’Association des Familles Homoparentales, considère que « ce que défend la Manif pour tous relève d’une vision théocratique de la société. Ce sondage va éclairer les responsables politiques et les Français sur la réalité ». La Manif pour tous manifeste de nouveau en octobre (son slogan évolue de « On ne lâche rien » à « Ne plus subir ») pour réclamer entre autres l’abrogation de la loi Taubira et militer contre la PMA, la gestation pour autrui (GPA) et ce qu’elle appelle « la théorie du genre ».
Or dans ce sondage, on apprend que 63% des Français considèrent qu’un couple homo vivant avec ses enfants « constitue une famille à part entière ». Même les plus de 65 ans remontent à la moyenne de 50% : « Il y a un brassage sociétal qui est fait par le mariage pour tous. A chaque fois qu’il y a un mariage, plusieurs générations sont là, les cousines, les grands-parents, les oncles, etc. Toutes ces générations se mélangent et les plus âgés évoluent au contact de la réalité ».
En effet, l’étude révèle aussi que les personnes qui n’ont aucun homo dans leur entourage tombent en dessous de la moyenne quand il s’agit de juger une famille homoparentale.  En tout, 71% des Français ont au moins un homo dans leur entourage. Dans 22% des cas, cet individu est parent d'un enfant.
A ce titre, un chiffre vient défaire quelques préjugés : alors qu’on pourrait imaginer une plus grande tolérance dans les grands centres urbains, c’est dans les communes rurales que les Français jugent le plus positivement les familles homoparentales : « Je pense que cela s’explique par la proximité entre les gens dans les zones moins urbanisées, avance Alexandre Urwicz. Tout le monde se connait. Le couple homo du hameau, ça fait 20 ans qu’il est là avec ses enfants, il est bien intégré ».

Les Français de droite ne veulent plus abroger la loi Taubira

38% des Français veulent revenir sur la loi Taubira. S’il s’agit encore d’une potentielle base électorale pour des candidats à la présidentielle, l’étude révèle que 54% des personnes qui votent Les Républicains sont désormais opposés à l’abrogation. Le rapport s'est inversé : ils n’étaient que 40% il y a deux ans. « La loi s’est légitimée dans l’esprit des Français, explique François Kraus. Les seules catégories de Français encore majoritairement favorables à l’abrogation de la loi sont les catholiques pratiquants (52%) et les sympathisants du Front national (55%) et de Debout la France (55%) ».

Oui à la PMA, non à la GPA

59% des Français se disent favorables à l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes; chez les sympathisants du Parti socialiste, ce chiffre s'élève à 71%. François Hollande a-t-il raté son coup en écartant la PMA du projet de loi ? "Il n’a pas fini sa mandature, corrige Alexande Urwicz. On ne sait pas ce qui peut se passer. Il peut encore la faire passer avant la fin, ou bien l’intégrer d’une manière plus expressément écrite dans ses engagements s’il se représente".
En revanche, l’ouverture de la GPA reste en dessous de la moyenne pour les couples homos (44%) mais tend à se rapprocher du niveau d’acceptation pour les couples hétéros (57%). Contrairement à l’analyse de la Manif pour tous qui explique qu’il s’agit d’une exploitation du corps des femmes, les Français ne seraient-ils pas plutôt gênés par le fait qu’un couple de même sexe élève un enfant ? « Sans doute, répond Alexandre Urwicz. Il y a toujours cette idée que la famille se construit autour de la mère. Il faut montrer que lorsqu’il y a deux pères c’est possible. Il existe bien des familles monoparentales avec un père ! »
François Kraus ajoute que « contrairement aux idées reçues, les Français sont pour la GPA. Mais ils ne sont pas favorables à ce qu’elle soit ouverte aux couples d’homos. Ceci dit, on constate un resserrement qui signifie qu’ils prennent de moins en moins en compte l’orientation sexuelle des parents ». Un chiffre paradoxal vient couronner le tout : 66% des gens déclarent qu'ils auraient une bonne image d’une femme qui choisirait d’être mère porteuse.

Les candidats

François Hollande apparait encore comme le candidat de gauche le plus favorable aux droits des couples de même sexe, devant Jean-Luc Mélenchon et loin devant Emmanuel Macron, qui ne s’est pas encore exprimé sur ces sujets. A droite, Nicolas Sarkozy est perçu comme le candidat le plus hostile aux droits LGBT. Quant à Marine Le Pen, 60% des Français estiment qu'elle est hostile aux droits des couples homos.
 
Pour en savoir plus :
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Crédit photo couverture : "Le Baiser de Strasbourg", Claude Truong-Ngoc