religionEn Afrique du Sud, un imam gay à la tête d'une mosquée inclusive

Par Jérémie Lacroix le 02/11/2016
mosquée inclusive imam gay Mushin Hendricks

Muhsin Hendricks, un imam qui a fait son coming out gay, affiche dans sa mosquée du Cap, en Afrique du Sud, l'ambition de réconcilier foi et orientation sexuelle/identité de genre.

L'Afrique du Sud est le seul pays africain à reconnaître, depuis 2006, le mariage entre personnes de même sexe. La Constitution du pays affirme en outre que "l'État ne peut pas injustement discriminer directement ou indirectement quelqu'un en raison de sa race, son genre, son sexe (ou) son orientation sexuelle". Néanmoins, au quotidien, les homosexuel·les y sont encore souvent victimes de discriminations, de violences voire de viols dits "correctifs". Les croyants LGBT doivent également affronter l'opprobre d'une partie de leur communauté qui juge leur "condition" incompatible avec les préceptes du catholicisme ou de l'islam.

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C'est pour réconcilier foi et orientation sexuelle/identité de genre, ainsi que pour "promouvoir une communauté musulmane sans discrimination", que Muhsin Hendricks, le premier imam ouvertement homosexuel d'Afrique du Sud depuis son coming out en 1996, a décidé de s'engager en faveur des fidèles qui se sentaient rejetés par leur communauté religieuse. Père de trois enfants, cet homme âgé de 48 ans a été marié pendant six ans avant de divorcer à l'âge de 29 ans. Il confiait récemment à l'Agence France-Presse (AFP) : "Je me suis dit 'plus de double vie', je dois être honnête avec moi-même et ça commence par faire mon coming out."

Mushin Hendricks a fait des émules

Mushin Hendricks crée ensuite la fondation du "Cercle intérieur", un groupe de soutien pour les musulmans qui se sentent rejetés en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Cinq ans plus tard, il ouvre sa propre mosquée, chez lui, avant de s'installer dans des locaux plus grands dans le quartier de Wynberg, au Cap. Tout le monde peut venir prier librement dans cette mosquée inédite : les hommes et les femmes sont mélangés, ainsi que les homos et les hétéros. Les couples de même sexe peuvent même recevoir une bénédiction religieuse de la part de l'imam lors de leur mariage. Zaid Philander, l'un des membres du "Cercle intérieur", raconte son expérience : "J'ai choisi d'être dans un lieu où je me sens accueilli et où je peux faire partie de la communauté, où je peux avoir une relation avec Dieu, une relation saine, sans avoir l'impression d'être en permanence dans le pêché."

Cette ouverture est évidemment loin de faire l'unanimité parmi les autres imams. Interrogé par l'AFP, Yusuf Pandy, qui officie à la mosquée Mowbray, ne comprend pas qu'un imam puisse "encourager" les fidèles dans ce qu'il considère comme un péché : "Comment peut-on être homosexuel ? C'est interdit ! Et le devoir d'un imam ou d'un musulman s'est d'aller leur parler et de dire [aux homosexuels] : 'Il ne peut pas en être ainsi'."

Optimiste, Muhsin Hendricks veut croire que les choses changeront petit à petit : "C'est une relation 'à l'amour, à la haine' avec la communauté musulmane. Des fois, ils voudraient que je sois jeté du haut d'une montagne, et d'autres fois ils apprécient qu'il y ait un imam prêt à travailler avec des personnes qu'eux-mêmes ne veulent pas accueillir." Bien que ces initiatives soient encore rares, ce n'est aujourd'hui plus la seule. En Australie, l'imam Nur Warsame a fait son coming out à la télévision publique en mai dernier. En France, c'est l'imam Ludovic-Mohamed Zahed qui a le premier ouvert une mosquée inclusive à Paris, prônant un islam tolérant.

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Crédit photo : Naib Mian/GroupUp