Jérôme Sussiau est un photographe parisien autodidacte de 38 ans. Ses portraits d'hommes explorent le nu, la poésie et l'absurde.
Je ne savais pas dessiner, enfin pas comme je l’aurais voulu, je me suis donc mis à prendre des photos. Au départ comme tout le monde, pour garder le souvenir, lors de voyages ou d’événements familiaux. Je piquais très souvent l’appareil photo de mes parents et je suis devenu le pro de la photo « à vide » ! Pour le plaisir de cadrer, de composer, de détailler.
Jérôme Sussiau est très jeune lorsqu'il découvre son ardeur pour la photographie. "Grand contemplatif", il tombe de passion pour les images fixes, et réalise des portraits "volés" quand il reçoit son tout premier appareil. De club photo en club photo, il multiplie les rencontres, confronte son point de vue, et affine son approche créative.
Je ne suis pas un grand technicien, j’ai appris et j’apprends en faisant. Je travaille de manière artisanale et instinctive et ça me plait ! Mes photos sont certainement pleines d’erreurs ou d’imperfections, mais ce manquement aux règles académiques de composition ou d’exposition de la Photographie me laisse une grande liberté créatrice.
"Je ne fais pas du nu mais des portraits"
Passionné par la représentation artistique du nu et par le langage du corps qui se dégage notamment dans la danse contemporaine, Jérôme se dirige tout naturellement vers des portraits masculins et humanistes.
Je ne fais pas « du nu », ce mot « portraits » est très important dans mon approche et dans mon travail. C’est vraiment la personne, l’humanité, la gestuelle, la posture, le corps, ou un détail du modèle que je m’attache à figurer.
Appareil en main, il commence par photographier ses proches, "ce qui n'est pas le plus simple pour le nu" mais qui rassure ce grand timide par nature. Son compagnon se prête aussi au jeu, l'occasion pour Jérôme d'expérimenter de nouvelles choses.
"Je rêve d'une androgynie collective"
A mesure qu'il prend confiance, son œil s'aiguise et ses portraits se nourrissent d'une émotion nouvelle. Une première exposition réussie et la publication de ses œuvres dans des revues lui apportent une reconnaissance; ce sont maintenant danseurs et modèles de beaux arts qui se dévêtissent devant son objectif pour interroger le masculin.
S’il y a bien un mot qui me hérisse c’est le mot « virilité ». Ce concept (qui n’a d’ailleurs pas d’équivalent féminin) me dépasse. Malheureusement dans l’art et dans nos sociétés, la douceur, la volupté et la délicatesse est encore réservée aux femmes quand la puissance, la force et la virilité sont réservés aux hommes. J’essaie à mon petit niveau de remettre un peu de douceur dans le corps de l’homme, de rééquilibrer les choses. Je suis toujours choqué quand on me dit « cette pose est très féminine » ou l’inverse. Je m’en fous, une pose est la même pour tous, c’est le rendu de chaque corps dans cette posture qui donnera des choses différentes. Moi je rêve d’une androgynie collective avec chacun son petit mélange de force, de douceur, de puissance et de légèreté. La nudité permet ça, les artifices sont absents, les codes moins marqués.
Capter la danse des corps
"Un peu comme un chorégraphe", Jérôme Sussiau invente les postures et les mises en scène tout en restant attentif aux propositions de ses modèles. Jouant de la poésie par le vide, il privilégie les compositions épurées et un décor quasi-absent pour concentrer l'attention sur les textures, les formes, et le paysage du corps.
Ces derniers temps, il se concentre sur les duos et les trios, sur "l'interaction de plusieurs modèles, les réactions des corps entre eux, les mouvements imbriqués, les différents grains de peaux..."
J’aime quand ça perturbe, quand la lecture de l’image est multiple, quand on ne reconnaît pas tout de suite de quelle partie du corps il s’agit, d’où vient cette jambe, à qui appartient quoi, combien de modèles il y a... Et c’est très ludique à faire !
Je joue aussi beaucoup avec la gravité , la contorsion, l’emmêlement. Et comme j’ai des moyens techniques limités et que je ne retouche pas les photos, les séances sont parfois sportives !
Photographies extraites des galeries "Nus" et "Bizarrerie(s)" de Jérôme Sussiau. Retrouvez toutes ses œuvres sur son site officiel, son compte Instagram ou sa page Facebook.