PrEPPourquoi le VIH ne baisse pas parmi les gays ?

Par Jérémy Patinier le 29/11/2016
gays,vih

Alors qu'approche le SIDACTION, une analyse s’impose : le VIH ne baisse pas chez les gays, et même augmente chez les plus jeunes…

Ces dernières années, de nouveaux outils de prévention du VIH se sont ajoutés au préservatif. Le traitement post-exposition, le traitement des personnes séropositives qui rendent non-contaminant et plus récemment le traitement préventif (Prep) ont permis d'éviter des transmissions. Divers comportements de réductions des risques personnels sont également venus s’ajouter à cela… Aujourd’hui chacun peut composer sa prévention en fonction de sa sexualité réelle. Mais ce sont aussi les dépistages plus soutenus des IST – et notamment les tests rapides et les autotests - qui ont permis de détecter des cas de séropositivité au VIH. Et fait monter les chiffres...

MAIS :

- Entre 2004 et 2013, les diagnostics d’infection au VIH ont connu une hausse de 33% en Europe.
- La présence du VIH chez gays est toujours élevée, c'est l'un des groupes les plus touchés. En France, sur 5.925 nouveaux cas en 2015, le VIH concerne 43% d’hommes homosexuels (16% d'hétéros).
- Il augmente particulièrement chez les jeunes gays de moins de 25 ans (de 8 à 14% selon l’Institut de veille sanitaire en 2013).
- La seule tendance significative depuis 2011 est observée chez les gays : les diagnostics d’infection au VIH augmentent. Ils sont près de 2.547 à avoir découvert leur séropositivité en 2015. Dont 1.600 à un stade avancé, ce qui est très préoccupant.
- De trop nombreuses personnes sont encore éloignées du dépistage : on estime à 25.000 le nombre de personnes ignorant leur séropositivité en France.
 

Pourquoi ça monte ?

  • L'image du "sida-maladie" s'est estompée, surtout chez les jeunes. Chez la jeune génération qui n'a pas connu les pires heures de l'épidémie, on a tendance à minimiser le risque. C'est aussi un revers des progrès de la médecine : aujourd'hui en France, grâce aux avancées sur les traitements antirétroviraux, on peut vivre plus longtemps – et bien - avec le virus.
  • Paradoxalement la discrimination envers les séropositifs existe toujours, on ne peut pas toujours dire librement qu’on est séropositif : cela n’aide pas à réaliser que le VIH est présent dans la société. La « journée de la disance » en octobre existe d’ailleurs pour lever ce tabou prégnant.
  • Le désamour avec le préservatif (seulement 53% des gays l’utilisent « toujours » selon une enquête du centre LGBT Paris), seul outil à utiliser « au Moment M » de la relation sexuelle, est évidemment aussi en cause. L’absence de communication gouvernementale depuis de nombreuses années, et surtout correctement ciblée, n’a pas non plus aidé.
  • On peut aussi citer le plus grand nombre de partenaires chez certains homosexuels – pour une petite partie d’entre eux malgré les clichés. Et aussi la plus grande proportion de gays que d’hétéros ayant contracté le VIH et des IST depuis le début de l’épidémie peuvent ainsi expliquer une partie de l’épidémiologie chez les gays.
  • Une offre globale dite de « santé sexuelle gay » (comme elle est proposée au centre 190 à Paris) peine aussi à se généraliser en France. Non-jugeante, de proximité, connaissant la réalité des patients gays et les détails des IST qu’ils peuvent contracter, elle augmente l’efficacité des dépistages et des traitements. Cela favoriserait l’information et le retour régulier des gays vers les structures de dépistage.
  • Enfin, la consommation de drogues (dont certaines sur-représentées chez les gays comme le Slam) favorise aussi parfois un certaine désinhibition face au sexe, et à la prévention.

Malgré l’importance du VIH dans la communauté gay, il est difficile de se protéger pendant toute sa vie à 100%, avec tous les partenaires, pour toutes les pratiques sexuelles. Il y a une énorme pression sur les gays qu’il est difficile de leur reprocher. C'est tout un contexte psychologique de libération personnelle dans les divers plaisirs qu'il faut considérer. L'homophobie structurelle de la société nous conduit parfois à nous oublier, autant qu'à négliger notre santé.
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