Tatiana Moskalkova est déléguée pour les droits de l'Homme en Russie. Elle a voté pour la criminalisation de la "propagande homosexuelle" en 2012.
Suite aux révélations de Novaïa Gazeta gonflées par les relais médiatiques, politiques, et militants, la Russie a officiellement ouvert une enquête le 17 avril 2017 sur l'enfermement et la torture de plus d'une centaine d'hommes sur la simple "suspicion d'homosexualité" en Tchétchénie, dénoncés depuis plusieurs semaines. Les rescapés, gardés anonymes à grands renforts de précaution, relatent des discours terrifiants : kidnappings, chantage, électrocutions et "crimes d'honneur" perpétrés par les familles, sur ce territoire dépendant de la Russie.
Selon l'AFP, des vérifications sont actuellement menées par les forces de l'ordre russes, mais aussi par la déléguée pour les droits de l'Homme de la Douma auprès de Vladimir Poutine : Tatiana Moskalkova.
Une complice de l'homophobie d'État au lourd passif avec Novaïa Gazeta
Âgée d'une soixantaine d'années, Tatiana Moskalkova est la première représentante du titre - chargé de surveiller le respect des droits de l'Homme en Russie et d'en rendre compte au président russe - à ne justifier d'aucune expérience militante. Elle est générale de police à la retraite et élue du parti pro-Poutine «Russie Juste» depuis 2007. La première également à combiner le costume de déléguée aux droits de l'Homme et de siloviki (forces de l'ordre), lesquelles sont justement visés par de nombreuses plaintes portées par les ONG. En 2012, elle votait d'ailleurs pour la fameuse législation russe contre les "agents étrangers", proposait d'inscrire l'"atteinte à la moralité" dans le Code pénal contre les féministes Pussy Riots et apportait sa voix à la loi interdisant la "propagande des relations sexuelles non-traditionnelles auprès des mineurs", laquelle permet depuis de réprimer quelconque expression - militante ou affective - des homosexuels dans l'espace public. Sa nomination, que le groupe Helsinki qualifiait d'"outrage à la société civile", n'a pas reçu l'approbation des ONG mais bien celle du Kremlin.
En avril 2016, l'équipe de Novaïa Gazeta s'était démenée pour interviewer celle qui venait d'être élue. Se revendiquant à titre personnel contre le "développement des relations homosexuelles", cette dernière avait nié toute homophobie d'État et affirmé que "de 2012 à aujourd'hui, les minorités sexuelles n'ont absolument pas été lésées dans leurs droits." Pire, après avoir brutalement interrompu l'entretien, Tatiana Moskalkova aurait, selon Novaïa Gazeta, lancé ses services à la poursuite du journaliste pour l'inviter à annuler son papier et aurait été à l'origine de "pressions exercées en privée sur la rédaction" pour empêcher sa publication.
"Le président tchétchène connaît les détails de la situation"
La semaine dernière, lors d'une réunion entre le leader tchétchène et le président russe, Ramzan Kadyrov a défendu auprès de Vladimir Poutine qu'il "n'y a jusqu'à présent aucune confirmation concrète" de ces "soi-disant arrestations." Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a renchérit en assurant que les enquêteurs n'ont reçu "aucune plainte officielle" et a indiqué que "les assurances données par le dirigeant tchétchène ont été approuvées par le président." "Ces informations [sur les arrestations] ne se confirment pas" a-t-il conclu.
Ce lundi, dans un article relayé par le média bilingue Meduza, Novaïa Gazeta indique pourtant avoir fourni au Comité d'enquête russe "les données personnelles de 26 résidents tchétchènes qui ont été illégalement détenus et (...) victimes de punitions extrajudiciaires cruelles" dont certains "assassinés pour soupçon d'homosexualité".
Lors de son entretien avec Vladimir Poutine, Ramzan Kadyrov aurait également avancé l'identité d'un homme, détenu selon le journal d'opposition, assurant qu'il "est vivant, en bonne santé et se trouve chez lui."
D'après Novaïa Gazeta, qui continue d'alerter l'opinion publique malgré les sérieuses menaces qui pèsent sur sa rédaction, ce nom n'ayant pas été rendu public avant la déclaration de Kadyrov, cela prouve que "le président tchétchène est très au fait des détails de la situation".
Au moins six prisons secrètes détenant des homosexuels tchétchènes
Dans ce même article, Novaïa Gazeta élevait à six le nombre de prisons secrètes tchétchènes détenant entre autres des homosexuels ou supposés. Bien que les autorités ait nié les arrestations, elles ne se sont pas prononcées sur l'existence de tels lieux.
Couverture : Tatiana Moskalkova - crédit photo openrussia.org
À LIRE AUSSI :