TÊTU publie une tribune d'élus et de militants qui ont lutté pour les droits LGBT. Ils prennent part aux débats de l'entre-deux tours sur le vote Macron, l'abstention ou le vote blanc parmi les opposants au Front national.
Pour nous, militantes et militants des droits LGBT+ et de la lutte contre les discriminations, aucune hésitation : il faut infliger au FN la défaite la plus forte possible le 7 mai. Et pour cela il faut utiliser le seul bulletin qui comptera : le bulletin Macron.
Voter pour Macron n’est aucunement un acte d’adhésion à son programme libéral, c’est un acte de résistance contre le Front national, contre le fascisme, contre l’atteinte aux libertés, contre la remise en cause de la République et de l’Etat de droit. Contre la haine, notamment la haine anti-LGBT+.
Il fallait sans doute laisser la colère s’exprimer à suite des résultats du 23 avril, que les électeurs et les électrices de gauche, déçu-e-s, aient le temps de reprendre pied. Il ne faut pas balayer d’un revers de main cette colère, la colère de voir qu’à nouveau la gauche sociale, écologiste et critique n’aura pas de candidat-e au second tour. La colère de voir que le libéralisme économique et son pendant de casse sociale a encore gagné, la colère de voir la bienveillance des médias à l'égard de certains candidats, ses conséquences dans les sondages puis dans les urnes, la colère de constater notre impuissance collective, la colère face à une certaine classe politique souvent déconnectée du quotidien de chacun et de chacune, la colère de celles et ceux qui ne peuvent pas voter, parce que migrant-e-s ou sans papiers et qui pourtant vivent en France et contribuent à la société.
Cette colère, nous ne devons pas l’enfouir ou la contraindre au nom de la République, au nom de nos valeurs, cette colère nous devons la canaliser, la sublimer et nous en servir pour défendre nos principes : la liberté, l’égalité, la fraternité et la sororité. Et cette colère il conviendra de la transformer en force, dès le 8 mai, à travers les élections législatives d’abord et ensuite, à travers les luttes, les mois et les années qui viennent.
Nous, militant-e-s pour les droits humains, nous, lesbiennes, gays, bisexuel-le-s et personnes trans, inter et non binaires, nous appelons, sans ambiguïté, à faire battre le Front National, nous appelons à faire battre les idées du Front National, nous appelons à la résistance contre la destruction de nos droits, de nos modes de vies, de nos valeurs républicaines et de notre liberté de penser. C’est au nom de notre libre arbitre, de notre autonomie personnelle, de notre liberté de penser, que nous ne voulons pas imposer le vote Macron comme un vote de barrage seulement, mais nous voulons vous convaincre qu’il faut voter Macron pour faire battre les idées du Front national.
Si l’égérie des idées fascistes a changé, il n’en demeure pas moins que c’est le même parti politique, avec les mêmes idées. Une remise en cause totale de nos droits et libertés fondamentales. Un parti qui, au pouvoir, risquerait de rendre impossible le fait même de nous opposer, de nous organiser et de manifester librement. Les exemples récents en Hongrie ou en Turquie montrent à quelle vitesse les garanties légales et démocratiques peuvent voler en éclat face à un pouvoir autoritaire décomplexé. Quoi qu’on puisse reprocher à Macron, on peut être certain qu’il ne suspendra ni libertés publiques ni droits de l’opposition. Qu’il sera sans doute un adversaire des mouvements sociaux mais qu’il n’en empêchera pas la libre expression. Par ailleurs il a été clair sur le maintien d’un certain nombre d’avancées récentes en matière d’égalité des droits pour les personnes LGBT+.
Plus spécifiquement, sur les sujets qui intéressent nos organisations, les droits des personnes LGBT+, la lutte contre les discriminations qu’elles subissent, la question du VIH, les questions de genre, de sexisme, il n’y a vraiment aucune comparaison possible entre les deux candidats en lice au deuxième tour de cette présidentielle. Quand l’une s’inscrit dans la tradition de son père qui a toujours proféré des saillies homophobes et sexistes, dans la stigmatisation des "sidaïques" - que son père voulait enfermer dans des "sidatorium" il n’y a pas si longtemps - , elle veut attaquer d’emblée et frontalement nos ami-e-s migrant-e-s, réfugié-e-s, dont nous savons le nombre de LGBT+. L’autre a donné des gages quant au respect des droits des minorités et notamment LGBT+, à l’égalité des droits, à la lutte contre le VIH. Même si nous ne sommes pas dupes des effets sur les plus fragiles et précaires des LGBT+ et des malades, d’une politique anti-sociale et régressive.
En tout cas, tel père, telle fille, il ne fait aucun doute que Marine Le Pen est une "ennemie de la République" dont l’objectif, l’unique objectif, est d’accéder au pouvoir démocratiquement, tels Orban et Erdogan, pour ensuite imposer l’hégémonie dictatoriale du Front national. Il n’est nullement question de choisir entre la peste et le choléra, il n’est pas question, non plus, de donner un blanc-seing à Macron, il est question de sauver la République pour que nous puissions continuer à la faire évoluer, selon nos idées, nos valeurs. Nous sommes en colère, et cette colère nous l’exprimerons avec force dans les urnes pour faire battre le Front national, faire battre les idées du Front national, pour pouvoir continuer à nous exprimer librement et continuer nos luttes afin de créer un monde meilleur et garantir les droits fondamentaux de nos ami-e-s, frères et sœurs, LGBT+.
Les deux auteurs :
Sun Hee Yoon, présidente d'Acthé
Pierre Serne, conseiller régional EELV d'Ile de France, ancien responsable de l'ILGA-Europe (fédération européenne d'associations LGBTIQ)
Signataires :
Jérôme Beaugé, ancien président de l'Inter-LGBT
Joël Bedos, responsable du Comité international - Journée mondiale contre les LGBTphobies
Flora Bolter, Coprésidente du Centre LGBT Paris Ile-de-France
Théau Brigand, ancien délégué Santé de l'Inter-LGBT
Patrick Cardon, éditeur LGBT
Laurène Chesnel, administratrice d'Acthé
Philippe Colomb, co-responsable de la commission LGBT d'EELV
Philippe Couillet-Bourgeois, militant de la Mémoire de la Déportation
Magali Deval, co-responsable de la commission LGBT d'EELV
Hervé Hirigoyen, militant de la Mémoire de la Déportation, fondateur de la première marche homosexuelle à Toulouse et de la première maison de vie pour les malades du sida en province
Denis Quinqueton, président d'HES (Homosexualité et Socialisme)
Giovanna Rincon, présidente d'Acceptess-T
Louis-Georges Tin, fondateur de la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie
Alain Beit, président du Beit Haverim, groupe juif LGBT de France