La Cour suprême d'Inde a dépénalisé, ce jeudi 6 septembre 2018, l'homosexualité dans la deuxième nation la plus peuplée de la planète. Une décision historique mettant fin à une interdiction remontant au XIXe siècle.
Historique. La plus haute instance judiciaire de l'Inde, la deuxième nation d'Asie du Sud qui compte 1,25 milliard d'habitants, a jugé illégal l'article 377 du code pénal indien, condamnant les relations sexuelles entre personnes de même sexe. L'article, qui date des années 1860, a été instauré par les britanniques lors l'ère coloniale. Il prohibait jusqu'à aujourd'hui tout « rapport charnel contre l'ordre de la nature » et sanctionnait les relation homosexuelles d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à la perpétuité.
Larmes de joie
Cette décision met fin à un combat de plusieurs décennies mené par les activistes LGBT+ du pays. Des images diffusées à la télévision indienne ont montré des militants de la cause homosexuelle pleurant des larmes de joie et tombant dans les bras les uns des autres durant la lecture du jugement. Un déluge de joie également sur Twitter :
https://twitter.com/manush068/status/1037589599252566016
https://twitter.com/BangtanINDIA/status/1037591678801125376
https://twitter.com/anuradha_kush/status/1037595384082616321
« Je suis sans voix ! Ça a pris longtemps pour advenir mais je peux enfin dire que je suis libre et que j'ai des droits égaux aux autres », s'est enthousiasmé Rama Vij, un étudiant de Calcutta rassemblé avec des amis pour suivre la lecture du jugement à la télévision.
Le président du programme ONISUDA, Michel Sidibé, s'est quant à lui exprimé dans un communiqué de presse, célébrant cette décision historique :
« Aujourd'hui est un jour de fierté gay, de célébration, un jour où le respect et la dignité ont été restaurés en Inde pour les lesbiennes, gays, bisexuels, trans' et intersexes. J'applaudis les courageux activistes, les organisations de la société civile et les groupes communautaires qui se sont battu si longtemps pour réparer cette injustice. »
Marathon judiciaire
La dépénalisation de l'homosexualité avait été prononcée une première fois en Inde en 2009 par la Haute Cour de Delhi, un jugement salué à travers le monde. Pourtant, en 2013, renversement de situation : la Cour suprême casse cette décision pour des raisons légalistes. Deux juges de l'institution estiment à cette occasion qu'il est du ressort du législateur, et non de la justice, de faire évoluer la loi sur ce sujet. Ce retour en arrière cause un grand émoi parmi les défenseurs de la dépénalisation, qui engagent alors de nouveaux recours judiciaires.
Contraire à la Constitution indienne
Cette disposition « était devenue une arme de harcèlement contre la communauté LGBT », a déclaré le président de la Cour suprême, Dipak Misra. Dans son jugement, l'institution indienne a reconnu que « toute discrimination fondée sur la base de l'orientation sexuelle va à l'encontre des droits fondamentaux ».
Un panel de cinq juges de la Cour avait entendu en juillet dernier les arguments de plaignants homosexuels, parmi lesquels plusieurs célébrités, qui soutenaient que cet article était contraire à la Constitution indienne. « C'est la première étape de l'histoire de beaucoup d'autres pays qui ont d'abord dépénalisé les relations homosexuelles, autorisé les unions civiles puis le mariage », estimait lors d'une récente interview à l'AFP Keshav Suri, propriétaire d'une chaîne d'hôtels de luxe figurant parmi les plaignants devant la Cour suprême.
Cette dépénalisation était largement escomptée par les observateurs. La jurisprudence de l'institution ces dernières années penchait en effet en sa faveur, avec notamment la reconnaissance d'un troisième genre pour les transgenres et la sanctuarisation du droit à la vie privée.
124e État du monde
Si une scène homosexuelle discrète mais vibrante existe dans les grandes villes d'Inde, comme Delhi ou Bombay, les rapports sexuels entre hommes ou entre femmes restent toujours très mal vus dans la société indienne. De nombreux Indiens, notamment dans les zones rurales où réside 70% de la population, considèrent l'homosexualité comme une maladie mentale. Certains la mettent même sur un pied d'égalité avec la zoophilie.
L'Inde devient le 124e État du monde où les actes homosexuels ne sont pas ou plus criminalisés, selon des chiffres de l'Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes.
(Avec AFP)
Crédit Photo : Indranil Mukherjee / AFP.