Le coming-out est une étape de la vie, différente pour toutes et tous. Pour certains, le cheminement peut-être long et parfois se terminer dans la douleur. Pour d'autres, tout se fait sans encombre, sans déchirement familial ou amical. Guillaume, aujourd'hui âgé de 42 ans, a tout simplement décidé que le coming-out n'était pas un sujet. Ce chef d'entreprise n'a jamais dit à ses parents qu'il était homosexuel. Il a préféré leur présenter, un jour, quelqu'un qu'il aimait. Cela sera un homme et « c'est comme ça ». À la veille de la journée internationale du coming-out, le 11 octobre, il accepte de revenir, pour TÊTU, sur ce « non coming-out », qui a eu lieu un 25 décembre, il y a 15 ans.
« La prise de conscience de mon homosexualité est très simple. Petit garçon, j'avais un nounours et j'avais décrété que c'était mon amoureux, tout simplement. Ça a commencé comme ça, sans vraiment le savoir, et sans y porter plus d'attention. Après l'école primaire, je suis entré dans un collège privé catholique. Je pense que mes camarades de classe avaient compris que j'étais 'différent' car j'étais un peu efféminé. Mon nom de famille, 'Magnier', rime avec 'pédé', et mes camarades de classe ont abusé de cette rime, si douloureuse. Je devais avoir 12 ans quand je me suis réellement dit que j'étais attiré par les garçons.
Je n'ai pas ressenti le besoin de mettre des mots, de dire 'je suis homosexuel' ou 'je suis hétérosexuel'. J’avais des copains, je fantasmais sur certains garçons, à qui je cachais évidemment mon amour.
L'homosexualité cultivée en secret
Mes parents sont issus d'un milieu social aisé, mais pas forcément très ouvert. J'ai eu le droit quand j'étais adolescent à des plaisanteries à table, lors de repas de famille, sur les 'pédés'. J'ai grandi dans les années sida, et forcément, on en parlait. J'étais assez mal à l'aise face à ce vocabulaire, face aux réflexions aussi. Par exemple, on me demandait souvent quand est-ce que j'allais trouver une copine. Ça a créé un mal-être au fond de moi, je n'ai pour autant pas ressenti le besoin d'exprimer.
De mes 18 à mes 26 ans, j'ai cultivé mon homosexualité dans le plus grand secret. J'ai pris plus de liberté avec ma sexualité et j'ai essayé les filles, une fois. C'était un échec. Et puis, j'ai découvert les numéros de téléphone pour les rencontres entre hommes et j'ai commencé à fréquenter des garçons. Mon homosexualité est devenue évidente pour moi, mais je ne ressentais toujours pas ce besoin de dire : 'Je suis homosexuel'. Avec du recul, je pense que c'était plus par peur et par prudence qu'autre chose. J'avais aussi cette idée, fermement ancrée en moi, que je n'étais pas obligé de partager mes désirs et ma vie sexuelle avec ma famille.
« Je présentais Marc comme un ami »
J'avais 26 ans et je travaillais dans une entreprise dont les locaux étaient situés dans le marais, à Paris. Je sortais de plus en plus dans le milieu gay parisien. Mes parents, eux, ne me posaient plus de questions. En 2002, j'ai été muté à Montréal, au Canada. J'étais tranquillement installé sur une terrasse de café dans le centre-ville, quand j'ai croisé le regard de Marc. On ne s'est plus quittés depuis. Il a été le premier amour de ma vie.
J'ai toujours été très proche de ma mère et je l'appelais régulièrement lorsque je vivais au Canada. Je lui ai tout de suite parlé de Marc au téléphone, en le présentant comme un très bon ami. J'ai perdu mon job un an plus tard et, avec Marc, nous avons décidé de rentrer tous les deux à Paris.
J'ai appelé ma mère, à qui je n'avais toujours pas dit que j'étais homosexuel, et je l'ai immédiatement prévenue que je rentrais avec Marc à Paris. Elle m'a simplement répondu : 'Ok, pas de problème'.
Accueillis à bras ouverts
Nous avons pris l'avion le 24 décembre, et le moins qu'on puisse dire, c'est que le vol était tendu ! Marc n'en revenait pas qu'on arrive tous les deux à Paris, accueillis par ma famille, qui ne savait pas que je suis homosexuel, le tout le jour de Noël.
Nous avons atterri le 25 décembre à six heures du matin, à Roissy. Mon père et ma tante nous attendaient. Un accueil, tout ce qu'il y a de plus chaleureux et de bienveillant. Ils n'ont fait aucune remarque et j'ai senti qu'ils ont tout de suite adoré Marc.
Quelques heures plus tard, nous sommes arrivés dans la maison familiale, en banlieue parisienne. Toute ma famille était là, mes parents, grands-parents, oncles, tantes et frères. Je suis immédiatement allé embrasser ma mère et je l'ai présentée à Marc. Elle l'a enlacé en lui disant à quel point elle était contente de le rencontrer. J'ai surveillé cette scène du coin de l'œil, et j'ai compris qu'elle savait que j'étais homosexuel depuis longtemps.
Le bonheur d'être ensemble
Cette journée du 25 décembre n'aurait pas pu mieux se passer. Toutes et tous ont réservé un accueil formidable à Marc et moi-même. Il n'y a eu aucune remarque, qu'elle soit positive ou négative, pas de jugement. Ni à table, ni dans les jours qui ont suivi. Juste le bonheur d'être ensemble. L'important pour moi a vraiment été de dire et de montrer que j'étais amoureux de quelqu'un, que toutes les composantes de l'amour étaient réunies dans notre couple. Je n'ai donc même pas eu à faire mon coming-out, juste à présenter la personne que j'aimais, qui s'est avérée être un homme.
Nous avons reparlé de cette journée du 25 décembre des années plus tard, avec mes parents. Nous étions très émus. Je les ai tout simplement remerciés. Je réalise à présent la chance que j'ai d'avoir cette famille, parfois bourrue mais si aimante. »
Propos recueillis par Marion Chatelin.
Crédit photo : Marc Magnier.