Fabrice Petithuguenin, graphiste de profession, joue son premier one-man-show tous les jeudis sur les planches du "Bout" à Paris. Un spectacle survitaminé où l'humoriste, ouvertement homosexuel, aborde sans tabou ses névroses et ses addictions. Rencontre.
C'est encore un bébé dans le monde de l'humour. A 44 ans, Fabrice Petithuguenin, graphiste de profession, s'est lancé dans la comédie il y a seulement un an et demi. "Je me suis dit que si je ne le faisais pas maintenant, je ne le ferais jamais, confie-t-il à TÊTU. J'ai appelé une salle parisienne, je l'ai louée pendant un mois et je me suis donné six mois pour écrire un spectacle."
Résultat : il joue tous les jeudis son one-man-show, "C'est compliqué", dans une salle du IXe arrondissement de Paris. Un petit théâtre chaleureux de 50 places. "J'aimerais bien me produire dans une plus grande salle bientôt, mais j'aime l'intimité du Bout (nom du théâtre, NDLR)", nous glisse le quadragénaire à la barbe bien taillée et aux oreilles percées.
"Je ne m'interdis rien"
À travers un dialogue survitaminé avec sa psychothérapeute, Fabrice incarne, seul sur scène, des rôles de femmes burlesques et déjantées. Celles de sa vie, d'autres rencontrées entre deux portes. Par le biais des voix de sa mère, d'une de ses amies ou de son médecin, il déterre ses névroses et ses addictions. De l'hypocondrie au workaholisme, en passant par l'alcoolisme ou l'addiction aux films pornographiques, l'humoriste ne "s'interdit rien". Et tout (ou presque) est inspiré de lui.
"Depuis une bonne dizaine d'années je vois une psychothérapeute avec qui j'ai travaillé sur mes addictions et mes névroses. On parle de choses qui m'ont touché de près ou de loin. Ce travail de psychothérapie est devenu ma matière première pour écrire ce spectacle. En fait, c'est un peu une mise en abyme de ma propre vie."
Et pourquoi avoir choisi de parler à travers des voix féminines ? "J’aime bien le décalage entre l’image assez masculine que je dégage et les expressions très féminines que je veux donner dans le spectacle, nous explique-t-il. Avec ce show je suis forcé d’aller puiser dans ma part de féminité, très présente."
"C’est important de dire qu’on est là, qu’on existe et qu’on est drôles aussi."
"Il faut affirmer son identité"
Un moyen aussi de parler, sans tabou, de son homosexualité à travers les voix de celles qui l'entourent. Il raconte par exemple, avec beaucoup d'humour, l'homophobie ordinaire du corps médical à travers une anecdote avec sa proctologue. Un rendez-vous ultra-gênant, tiré d'une histoire vraie, où la praticienne multiplie les clichés sur les homosexuels et refuse d'admettre que deux hommes peuvent pratiquer la sodomie.
"Baissez votre pantalon, vos sous-vêtements et mettez-vous à quatre pattes sur la table, lance-t-il d'une voix criarde, imitant la praticienne. Enfin, ça ne devrait pas être trop compliqué pour vous (il met des gants). Bon alors je vais... De l'autre côté monsieur ! Je ne suis pas ORL."
Si Fabrice Petithuguenin dit ne pas avoir fait un spectacle sur l'homosexualité, le sujet est pourtant omniprésent. "Etant donné que le spectacle parle de moi et que je suis homosexuel, je ris forcément de moi-même. C'est peut être ma part de militantisme, surtout en ce moment. Alors que les opinions se cloisonnent et se raidissent, il faut affirmer son identité."
Et d'ajouter : "Je pense que les homos sont de très bons bouc-émissaires sur beaucoup de sujets. C’est important de dire qu’on est là, qu’on existe et qu’on est drôles aussi".
Un métier difficile
Et drôle, Fabrice Petithuguenin l'est. L'humoriste aborde pendant une heure des sujets tantôt légers, tantôt difficile, avec beaucoup de subtilité et de tendresse. On regrettera peut-être des longueurs dans certains sketchs, mais rien de trop pesant.
L'humoriste voudrait aujourd'hui jouer plus souvent pour faire vivre son spectacle le plus longtemps possible. "Je prends plein de notes en me disant que ça va continuer et que j’aurai d’autres trucs à dire, mais ça n’est pas facile d’être humoriste et d'en vivre." Et à en croire les applaudissements à la fin de son spectacle, il a toutes les chances d'y arriver.
Fabrice Petithuguenin, "C'est Compliqué"
Théâtre Le Bout (IXe, Paris), tous les jeudis soirs jusqu'au 27 juin 2019.
Crédit photos : DR.
