LGBTphobieDavid Valence, maire ouvertement gay : "J'ai compris que ça ne se passait pas mieux quand on cachait son homosexualité"

Par Marion Chatelin le 24/01/2019
David Valence

Le 14 janvier, le maire (Mouvement radical) de Saint-Dié-des-Vosges, David Valence, rendait public un dépôt de plainte effectué en septembre dernier. Il avait été visé par une injure homophobe sur un réseau social. Ouvertement homosexuel, cet élu de 37 ans souhaite dire stop à la recrudescence de tels actes. Pour TÊTU, il accepte de revenir sur sa plainte et son statut d'élu gay. Interview.

Pourquoi avoir voulu rendre public ce dépôt de plainte, effectué il y a quatre mois maintenant ? 

J’ai longuement hésité. J'en ai parlé à mes proches, des collègues et d'autres élus. Et puis, j'ai finalement décidé d'écrire et de publier un communiqué de presse pour rendre mon dépôt de plainte public. J'en ai profité pour dire stop à la pente glissante du toujours plus violent.

J'ajouterais qu'il y a eu, je dois le dire, un argument assez irréfutable. Celui de dire qu'en tant qu'élu, il m'incombe un devoir d’exemplarité. Ainsi, rendre publique une plainte de ce type, c'est aussi une façon de donner du courage à toutes les personnes qui souffrent, qui sont discriminées, mises au ban de la société, parce qu’elles sont homosexuelles, ou qu'elles font partie d'une tout autre minorité.  

 

"J'ai aussi l'impression que quand on assume les choses, on participe d'une certaine manière au progrès."

 

Comment cela a été reçu par vos concitoyens ? 

J'ai reçu énormément de témoignages de soutien, d'habitants de Saint-Dié-des-Vosges et de communes alentours, et je dois dire que je ne m'y attendais absolument pas. J'ai notamment été très surpris de recevoir des messages d'affection et de soutien de citoyens très ancrés à droite (David Valence est élu du Mouvement radical, ndlr).

Ce que j'en tire comme leçon, c'est qu'on ne peut jamais vraiment anticiper la réaction des gens. Et j'ai aussi l'impression que quand on assume les choses, on participe d'une certaine manière au progrès. 

Comment expliquez-vous cette recrudescence d'actes à caractère homophobe ? 

Il y a d'abord, une forme de libération générale de la parole sur les réseaux sociaux. Je constate que tout le monde peut écrire ou dire n'importe quoi sur n'importe qui sans que cela soit en aucun cas pénalisable. Pourtant, internet est un espace public. Donc, comme dans tout espace public, on n'a, en principe, pas le droit d'y insulter les gens en raison de leur orientation sexuelle, sous peine d'être puni. C'est la loi. Elle doit aussi s'appliquer sur internet. 

Ensuite, il y a, je trouve, un climat de défiance vis-à-vis des élus. Mais il ne date pas d'aujourd'hui, et il n'est pas, non plus, lié au mouvement des gilets jaunes. Il faut remonter bien des années avant mon élection à Saint-Dié-des-Vosges (en 2014, ndlr). Mais il est vrai que les maires sont peut-être, et à mon sens, moins concernés, car ils restent une figure de confiance auprès des citoyens. En tout cas, je trouve que la situation d'aujourd'hui fait qu'on a l'impression qu'on peut attaquer les élus, les insulter ou les humilier sans risquer aucun problème. 

Vous êtes vous-même ouvertement homosexuel. Comment s'est déroulée la campagne des élections municipales de 2014 ? 

D'abord, je tiens à dire que je n'ai jamais fait de coming-out à proprement parler. Avant d'être élu, lorsque j'étais en campagne donc, j'ai témoigné à plusieurs reprises pour différents médias dans lesquels je plaidais, avant l'élection de François Hollande, en faveur du mariage pour tous. Je me souviens notamment d'un témoignage, donné au journal Libération dans lequel j'avais accepté de dire que je suis homosexuel.

Il y a eu ensuite la campagne des municipales de 2013. Je suis revenu dans ma région natale, après plusieurs années de vie parisienne, à travailler dans le privé. Je me suis donc présenté en tant que candidat à la mairie de Saint-Dié-des-Vosges. Forcément, les gens ont fait des recherches sur moi et sont tombés sur cet article. Alors oui, on m'a parfois objecté mon homosexualité. On me l'a aussi discrètement reprochée, certains m'ont dit que ma vie privée les gênaient, d'autres m'ont dit qu'ils ne voteraient pas pour moi en raison de mon orientation sexuelle. Ce genre de comportements et de remarques homophobes sont arrivés, oui. Mais par rapport à ce que je craignais avant de me présenter, c'était vraiment marginal.

 

"Je suis la preuve vivante que l'on peut convaincre de voter pour soi dans une petite ville, même en étant homosexuel, non marié, et pas forcément père de trois enfants."

 

Comment vivez-vous votre homosexualité en tant que maire de Saint-Dié-des-Vosges ? 

Je la vis sans problème. Même si les petites mamies de Saint-Dié-des-Vosges ne me demandent jamais quand je vais me marier, ni si je vais avoir des enfants, quand bien même elles savent que je vis avec mon compagnon.Une grande majorité des gens font la distinction avec ce qui est de l'ordre de la vie privée des gens, même lorsque vous la vivez au grand jour. Car, quand on est élu de la République, on représente quelque chose. Le maire, tout le monde le connait de vue. Mais je suis globalement surpris par la manière dont une ville de la taille de celle de Saint-Dié-des-Vosges (commune d'environ 20.000 habitants, ndlr) accueille mon homosexualité. Je trouve que les mentalités ont changé et que l'opinion a évolué dans le bon sens. Il est aussi possible qu'en m'assumant, j'aie pu faire évoluer certaines personnes, et c'est tant mieux.

J'insiste vraiment sur le fait que j'ai imaginé, avant de me lancer en politique, que cela aurait pu gêner une partie de l'opinion. Mais j'ai vite compris que cela ne se passe pas forcément mieux quand on cache son homosexualité, quand on ment, voire quand on s'invente une seconde vie.

Je dirais même que cela se passe moins bien. J'ai parié sur le fait que les gens sont évidemment capables de comprendre la différence. Capables de comprendre que des personnes qui ont une orientation sexuelle différente de la leur peuvent les représenter. Je suis la preuve vivante que l'on peut convaincre de voter pour soi dans une petite ville, même en étant homosexuel, non marié, et pas forcément père de trois enfants.

Considérez-vous qu'il y a un manque de personnalités ouvertement out dans le paysage politique français ? 

Je n’ai pas à juger les conduites des uns et des autres. Je pense uniquement qu'il est toujours mieux de faire son coming-out. Pour soi, d'abord. À chaque fois qu'on m'a posé la question, j'y ai répondu, sincèrement. Encore une fois, je ne veux pas jeter la pierre, mais je suis sincèrement persuadé que c'est mieux de s'assumer, pour soi-même et pour les autres.

Crédit photo : Compte Facebook David Valence.