transidentitésLoi prostitution : la pénalisation des clients "conforme" à la Constitution

Par Youen Tanguy le 01/02/2019
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Dans une décision rendue le 1er février, le Conseil constitutionnel a jugé "conforme" à la Constitution la loi d'avril 2016 pénalisant les clients de prostitué.e.s. Une "décision dramatique" pour le Syndicat du travail sexuel (Strass), joint par TÊTU.

Les clients de travailleur.se.s du sexe resteront passibles d'une amende en France. Le Conseil constitutionnel a déclaré ce vendredi 1er février "conforme à la Constitution" la loi du 13 avril 2016, "visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées".

Les "sages" ont estimé qu'en pénalisant les clients de prostitué.e.s, le législateur avait cherché à "lutter contre la traite" et le proxénétisme. Le législateur "a ainsi entendu assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d'asservissement et poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public", affirme la décision.

Sur l'amende - de 1.500 à 3.750 euros en cas de récidive - le Conseil constitutionnel assure que son montant ne constitue pas une sanction "manifestement disproportionnée au regard de la nature des comportements réprimés".

Précarisation des travailleur.se.s du sexe

Dénonçant l'aggravation de la vulnérabilité des prostitué.e.s, neuf associations, dont Médecins du monde, le Syndicat du travail sexuel (Strass) et une trentaine de travailleur.se.s du sexe avaient posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre la loi en novembre dernier. Elles ont pu faire entendre leurs points de vue lors de l'examen du recours, mardi 22 janvier.

Au cœur de ce débat, la protection des prostitué.e.s : la pénalisation des clients a, selon plusieurs associations fait baisser les revenus des travailleur.se.s du sexe et les a obligé.e.s à accepter des rapports non protégés ou à exercer dans des endroits plus isolés, où ils et elles sont davantage exposé.e.s aux agressions.

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En réponse à ces inquiétudes, le Conseil constitutionnel estime dans sa décision qu'il ne "lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences sanitaires pour les personnes prostituées des dispositions contestées". 

Une conclusion dont se félicitent plusieurs associations et personnalités favorables à la pénalisation des clients. Sur Twitter, l'ancienne ministre Laurence Rossignol a salué une "défaite cinglante pour les proxénètes, les clients et leurs amis. Fière de l’ancrage abolitionniste de la France".

Déception et colère des associations

Du côté des associations qui ont déposé cette question prioritaire de constitutionnalité, c'est la douche froide. Contactée par TÊTU, Irène Aboudaram, référente sur les questions de travail du sexe à Médecins du monde, se dit "extrêmement déçue et inquiète". "C’est une décision dangereuse dont il faudra tirer les conséquences. Car dès lors qu'on maintient ces politiques répressives, il y a une mise en danger des personnes. Il faut garder accès aux populations exploitées, sinon on ne peut pas les protéger."

Pour Marianne Chargois, porte-parole du Strass, "cette décision est absolument dramatique""Le Conseil constitutionnel a voulu protéger la morale au détriment de nos vies. Selon elle, les premières victimes de cette décision sont "les travailleuses du sexe les plus précaires : les femmes seules, les personnes LGBT+ et les migrant.e.s".

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Ce débat avait notamment ressurgi après le meurtre, en août 2018, de Vanesa Campos, une prostituée trans' tuée par balle dans le Bois de Boulogne alors qu'elle tentait d'empêcher des agresseurs de dépouiller un client.

https://tetu.com/2018/09/22/agressions-travailleuses-du-sexe-temoignent-situation-inedite/

Article co-écrit par Youen Tanguy et Rozenn Le Carboulec.

Crédit photo : REMY GABALDA/AFP.