QUEERTOPIE. Olivier Franqueville, un militant homosexuel de 32 ans, a créé le 14 décembre dernier à Compiègne la première association LGBT+ du département de l'Oise. Une initiative pour lutter contre la solitude et l'isolement dans un des "bastions de La Manif pour tous".
"J'ai parfois l'impression d'être au Moyen Âge ici." Olivier Franqueville a emménagé dans l'Oise il y a cinq ans, pour le travail. Cet homme de 32 ans, ouvertement homosexuel, est en couple quand il arrive à Compiègne. Mais, il se sépare six mois plus tard et fait face à la solitude. "Il n'y avait qu'un bar, se souvient-il pour TÊTU. J'y allais de temps en temps, mais au bout d'un moment tu as fait le tour. En plus, il a fermé depuis."
"C'est vraiment là que je me suis rendu compte du manque de lieux de rencontres LGBT ici, ajoute-t-il. En dehors des applications, il n'y avait rien d'autre. Et sur ces plateformes, si la personne ne t'intéresse pas physiquement, elle ne te parle pas. Tu te sens vraiment seul dans ces moments-là, c'est compliqué à vivre."
Le militant continue ses recherches et fait une autre découverte, pour le moins surprenante : aucune association LGBT+ n'est présente dans le département. "En emménageant dans un bastion de La Manif pour tous (le département de l'Oise, ndlr), je me doutais qu'il y allait avoir du travail à faire." Et il n'a pas perdu de temps.
Des apéros LGBT+ tous les mois
Car si son constat est amer, Olivier est loin d'être résigné pour autant. Il y a un an environ, le militant se met en tête de créer une annexe de l'association amiénoise "Flash True Colors", dont il est encore vice-président. "A partir de mars 2018, j'ai mis en place des apéritifs tous les deuxièmes lundis du mois, nous explique-t-il. De plus en plus de monde a commencé à venir et très vite, on était presque 40 personnes à chaque fois."
C'est justement durant ces rencontres que naît l'idée de créer une association. "Les participant.e.s nous disaient que ce serait bien d'avoir une structure dédiée à Compiègne", confie le trentenaire à la barbe rousse et aux lunettes rondes. Il finit par fonder son association le 14 décembre dernier : Clin d'Oeil LGBTQI+. Son objectif : faire reconnaître la dignité et les droits des personnes LGBT+, lutter contre les LGBTphobies et surtout créer des actions de convivialité et d'échange.
"Dès que l'on veut tenir la main de son ou de sa conjointe, c'est beaucoup plus difficile."
Il estime qu'il y a un enjeu important de visibilité pour les personnes LGBT dans cette ville d'environ 40.000 habitants. "C'est facile pour une personne LGBT de vivre à Compiègne dès lors que l'on accepte de rester discret. Mais dès que l'on veut tenir la main de son ou de sa conjointe, c'est beaucoup plus difficile."
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Il raconte avoir vécu dans les départements voisins de l’Aisne et la Somme où "les gens sont beaucoup plus ouverts d’esprit et ont plus de facilité à comprendre les choses". "La ville de Compiègne est plus conservatrice avec un esprit 'vieille France'", lâche-t-il avant de résumer sans détour : "Si on ne nous voit pas c’est très bien. Si on nous voit, ça dérange."
Sur la "liste rouge" de la Manif pour tous
Pour justifier toutes ces difficultés, l'activiste assène que le département est un véritable bastion de La Manif pour tous (LMPT). "Ce mouvement organise régulièrement des débats à Compiègne, mais on m'y a refusé l'accès, s'amuse Olivier. Je me souviens avoir vu une sorte de trombinoscope avec des noms de personnes à ne pas laisser rentrer. Je dois être sur liste rouge."
Dans ce sillage, le militant veut peser sur les débats autour l'ouverture de la PMA à toutes les femmes qui peuvent, selon lui, "déraper". Il entend ainsi court-circuiter pacifiquement les manifestations de LMPT. "On veut discuter avec eux en ouvrant un débat constructif et intelligent. Mais s'il faut une contre-manif, on la fera !"
En attendant, le trentenaire entend continuer ses apéros mensuels et veut aller plus loin. "On souhaiterait créer un festival LGBT tous les ans la semaine du 17 mai, révèle-t-il à TÊTU. Ce sera aussi l'occasion d'organiser des événements tels que des kiss-in par exemple."
Un maire anti-mariage pour tous
L'association d'Olivier, qui officie comme secrétaire commercial dans une auto-école, compte aujourd'hui une quarantaine de bénévoles. Et il leur faut maintenant trouver un lieu pour accueillir tout le monde. "On a obtenu le soutien de la ville voisine de Margny-lès-Compiègne, se réjouit-t-il. Ils ont promis de nous mettre à disposition des locaux dès qu'on en aura besoin."
La question des subventions risque en revanche de poser problème, dans une ville où le maire Philippe Marini (Les Républicains) refuse de marier les couples de même sexe. "Personnellement, il est hors de question que je célèbre ce type de mariage, avait-il expliqué au Parisien en 2013. Des adjoints s'en chargeront très bien". Charmant.
"Nous n'avons aucun contact avec la maire, regrette Olivier. Clairement, on sait qu’il ne nous soutiendra pas, mais ça nous motive encore plus." Interrogé par Le Parisien, ce dernier avait rétorqué qu'il "ne suffit pas d’être inscrit au journal officiel" pour avoir des subventions mais qu'il fallait avoir "quelques années d’existence" et "un programme d’activité qui satisfasse les élus".
Mais peut-on quand même espérer une Marche des fiertés un jour à Compiègne ? "Pas pour le moment, on va pas trop les brusquer non plus, éclate de rire Olivier. Mais pourquoi pas dans les années à venir." On sera de la partie !
Crédit photo : Noemie Guizard/DR.