justiceGPA : pourquoi cet arrêt de la cour d'appel de Rennes est révélateur

Par Marion Chatelin le 18/06/2019
arrêt

EXCLU TÊTU. La cour d'appel de Rennes a reconnu la transcription de l'état civil de l'enfant d'une mère célibataire, conçu par gestation pour autrui (GPA) en Arménie. Un arrêt fondateur en matière d'inscription de l'acte de naissance d'enfants nés de GPA à l'étranger en France que TÊTU a pu consulter. Explications.

L'arrêt peut à première vue paraître anodin, mais il est pourtant extrêmement important. La Cour d'appel de Rennes a estimé le 19 mai dernier que la transcription de l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger dans l'état civil français, ne pouvait pas être remise en cause en dépit d'une "suspicion de GPA".

En 2016 l'avocate Caroline Mecary a été contactée par une mère célibataire, qui a conçu un enfant par GPA en Arménie. Après avoir obtenu un passeport français pour son fils, elle a voulu demander une transcription de son acte de naissance dans l'état civil français.

Le tribunal de grande instance de Nantes a ordonné cette transcription "mais le parquet a évidemment fait appel", détaille-t-elle pointant du doigt un "conflit idéologique" entre le parquet et le tribunal. Dans un arrêt rendu le 14 mai 2019, que TÊTU a pu se procurer en exclusivité, la Cour d'appel de Rennes a estimé que la transcription de l'acte de naissance dans l'état civil français, s'il est régulier en la forme, ne pouvait pas être remis en cause.

À LIRE AUSSI : Une première historique pour la reconnaissance en France des enfants nés par GPA à l’étranger

Pas d'indication sur le mode de conception de l'enfant

Information de taille, la mère sociale, qui est aussi le seul parent de l'enfant, n'a ni précisé, ni "formellement reconnu le recours à une convention de gestation pour autrui" auprès du tribunal. Une pratique plus que récurrente selon cette spécialiste du droit de la famille et fervente défenseuse des droits des LGBT+. "Dans de tels dossiers, il n'y a jamais la preuve que l'enfant a été conçu par GPA à l'étranger. Cela relève de la vie privée des enfants. Lorsque le parquet fait appel, il se fonde sur une suspicion de GPA", explique-t-elle à TÊTU.

La cour d'appel a donc été saisie par le parquet qui a "suspecté" une GPA. Et le ministère public a motivé sa décision d'interjeter appel en arguant que la transcription ne pouvait pas être conforme au droit français, étant donné le mode de conception de l'enfant.

Cet arrêt montre que la transcription est bel et bien conforme et possible. "Si les parents d'intention et les parents de manière générale, ne donnent aucune indication sur le mode de conception de l'enfant, le parquet n'a pas la preuve formelle de ce qu'il y a eu une GPA", résume Caroline Mecary. Et de poursuivre :

"Cela montre que si la juridiction n'a pas la preuve de la GPA elle va considérer l'acte de naissance normalement." 

Jugement moral

C'est un arrêt qui a une double lecture. Et qui révèle selon l'avocate, un "positionnement absurde" du parquet. "Il s'agit d'un jugement moral établit par les juges sur une situation juridique parfaitement claire", lâche Caroline Mecary.

Autre absurdité, une source proche du dossier a confirmé à TÊTU que le parquet général avait lui même suggéré à la cour de faire "comme si elle ignorait cette suspicion de GPA afin de pouvoir prononcer la transcription de l'état civil".

Crédit photo : PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP.