Vendredi 12 juillet, deux députés LREM ont demandé à Marlène Schiappa d’inclure les LGBT+ dans son plan contre les violences conjugales. Car si les femmes hétérosexuelles en sont les premières victimes, les personnes LGBT+ ne sont pas épargnée. Enquête.
Cette enquête a d'abord été publié dans le numéro 218 de TÊTU, paru au printemps dernier
"Tout était prétexte à me frapper. Une serviette mal rangée ou une paire de chaussures laissée dans l’entrée. Il a commencé par des gifles et des coups de poing, se souvient Christian. Il est vite passé aux étranglements et aux viols. J’ai su qu’il fallait que je me sauve quand il m’a balancé à travers une porte. Si je n’étais pas parti, aujourd’hui je serais mort.” Après deux mois de violences psychologiques, physiques et sexuelles infligées par son compagnon de l’époque, le calvaire de Christian a continué au commissariat, où des policiers ont refusé de prendre sa plainte en lui riant au nez. Il a alors découvert qu’il n’existait aucune structure d’accueil pour les hommes battus et s’est pratiquement retrouvé à la rue.
15% des gays et lesbiennes victimes de violences conjugales
Le sentiment d’abandon est trop souvent le lot des personnes LGBT+ victimes de violences conjugales, comme le montrent les témoignages que nous avons recueillis (à retrouver à la fin de l’enquête). “La lutte contre ces violences s’est construite à partir du cadre « femme agressée-homme agresseur », analysent pour nous les sociologues Tania Lejbowicz et Mathieu Trachman. Il y a sans doute une difficulté à penser ce type de violences au sein des couples de même sexe.” En France, entre 2010 et 2015, les femmes représentent 74 % des victimes de violences conjugales, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Et si les études sur le sujet sont légion outre-Atlantique, presque aucun.e chercheur.se n’a traité de la question dans l'Hexagone. Dès 2004, une étude du gouvernement canadien révélait que 15 % des gays et des lesbiennes avaient déjà été victimes de violences conjugales, contre 7 % des hétérosexuels.
Un sujet peu étudié
Pour Mathieu Trachman – l’un des rares chercheurs français à s’être intéressé aux violences conjugales au sein des couples d’hommes –, l’explication est d’abord historique : “Les universitaires qui travaillent sur les homosexualités en France se sont concentrés sur les questions d’homophobie. Les violences entre personnes de même sexe n’ont pas encore été traitées.”
Le président de SOS homophobie, Joël Deumier, partage ce constat. “On ne les traite pas, car ce ne sont pas des violences liées à l’orientation sexuelle, reconnaît-il. Il y a une vraie faiblesse des associations françaises et des pouvoirs publics sur ce sujet.”
Mais l’explication est aussi statistique (et politique). Selon Mathieu Trachman, pour avoir des données sur les couples de même sexe, on peut soit extraire les chiffres des enquêtes quantitatives auprès de la population générale, soit les chercher après des structures d’accueil. Dans les deux cas, les couples de même sexe sont sous-représentés. “Les femmes hétérosexuelles victimes de violences conjugales sont, à raison, au centre de l’attention des sciences sociales et des politiques publiques”, constate le sociologue.
“Pour les policiers, c'était juste une bagarre entre deux mecs”...