Dans son dernier rapport, l'ONUSIDA pointe du doigt le ralentissement des progrès en matière de lutte contre le VIH/sida dans le monde et les résultats contrastés des pays.
"D’impressionnants progrès dans certains pays mais de préoccupants échecs dans d’autres." Cette phrase pourrait résumer le dernier rapport d'ONUSIDA, publié ce mardi 16 juillet, qui fait un bilan mitigé de l'année passée. En préambule, l'instance pointe du doigt un ralentissement global des progrès en matière de réduction des nouvelles infections au VIH, du nombre de décès liés au sida et de l'élargissement de l'accès au traitement.
Car si certains territoires réalisent des "avancées importantes", à l'instar de l'Afrique du Sud ou de l'Afrique australe, d'autres, comme l'Europe de l'Est, l'Afrique du Nord ou l'Amérique latine, ont enregistré une augmentation des nouvelles infections à VIH et des décès liés au sida.
Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida commence par donner les chiffres pour l'année 2018.
37,9 millions de personnes vivaient avec le VIH en 2018
En 2018, 37,9 millions de personnes vivaient avec le VIH dans le monde, dont 18,8 millions de femmes. Les personnes vivant avec le VIH sont de plus en plus et de mieux en mieux traitées. 23,3 millions de personnes avaient accès au traitement antirétroviral en 2018, contre 576.000 19 ans plus tôt.
"Les hommes restent difficiles à atteindre, note le rapport. La suppression de la charge virale chez les hommes séropositifs âgés de 25 à 34 ans est très faible, moins de 40 % dans certains pays à forte charge de morbidité dont les statistiques sont récentes, ce qui entrave les progrès de la lutte contre les nouvelles contaminations chez leurs partenaires."
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Le document rappelle que le risque de contracter le VIH est 22 fois plus élevé chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes qui s'injectent des drogues, 21 fois plus élevé pour les travailleurs et travailleuses du sexe et 12 fois plus élevé pour les personnes trans'.
Baisse des nouvelles contaminations
Autre donnée : environ 1,7 million de personnes ont été contaminées par le VIH en 2018, soit une baisse de 16 % par rapport à 2010. "Ceci tient principalement aux progrès constants réalisés dans presque toute l’Afrique de l’Est et en Afrique australe : l’Afrique du Sud, par exemple, a réussi à réduire les nouvelles contaminations à VIH de plus de 40 % et les décès liés au sida d’environ 40 % depuis 2010", analyse le rapport. Ces régions restent toutefois les plus touchées par le VIH.
Dans le même temps, le nombre de nouvelles contaminations a augmenté de "façon préoccupante" en Europe de l'Est et en Asie centrale (+29%), au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (+10 %) ainsi qu’en Amérique latine (+7 %).
Des régions dans lesquelles les décès liés au sida ont également augmenté depuis 2010 : +5% en Europe de l'Est et en Asie centrale et 9% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Au niveau mondial, on décompte en 2018 770.000 décès liés au sida, contre 1,7 millions en 2004.
L'enjeu de toucher les populations clés
Selon le rapport , les populations clés (consommateurs de drogues injectables, homosexuels et hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, transgenres, personnes faisant commerce du sexe et prisonniers) représentaient environ 95 % des nouvelles contaminations dans ces régions (54% au niveau mondial).
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Comment expliquer ces chiffres ? "Dans plus de la moitié des pays qui ont publié leurs statistiques, moins de 50 % des populations clés ont eu accès à des services combinés de prévention du VIH, ce qui montre bien que ces populations sont toujours marginalisées et laissées pour compte dans la riposte au VIH", détaille le rapport.
Pour continuer à progresser dans la lutte contre le sida, l'instance appelle les partenaires à redoubler d'efforts, notamment en finançant le Fonds mondial, en recul d’un milliard de dollars en 2018.
En 2018, seuls 79 % des personnes vivant avec le VIH connaissaient leur statut sérologique, 78 % des personnes se sachant séropositives avaient accès à un traitement et chez 86 % des séropositifs ayant eu accès à un traitement, la charge virale a été supprimée. Pour atteindre les objectifs fixés de 90% sur ces trois critères à l'horizon 2020, il reste donc encore beaucoup de travail.
Développer la PrEP
Le rapport regrette notamment que toutes les possibilités de prévention de nouvelles contaminations à VIH ne soient "pas utilisées de manière optimale". "La prophylaxie préexposition (PrEP) n’était utilisée que par environ 300.000 personnes en 2018, dont 130.000 aux États-Unis".
Et d'ajouter : "Le Kenya est l’un des premiers pays d’Afrique subsaharienne à adopter la PrEP dans le cadre d’un programme national public, avec environ 30 000 personnes ayant utilisé ce traitement préventif en 2018."
"Nous pouvons éliminer le sida en nous concentrant sur les personnes"
"Nous avons besoin de toute urgence d’un encadrement politique renforcé pour mettre fin au sida, détaille Gunilla Carlsson, directrice exécutive par intérim de l’ONUSIDA. Il faut effectuer des investissements adéquats et judicieux, et regarder ce qui a fonctionné."
Et de conclure : "Nous pouvons éliminer le sida en nous concentrant sur les personnes, et non pas sur les maladies, en élaborant des feuilles de route pour les populations et les régions laissées pour compte et en adoptant une approche fondée sur les droits de l’Homme pour atteindre les personnes les plus touchées par le VIH."
Crédit photo : CLAUDIO REYES / AFP.