VIHCette découverte d'une équipe de chercheurs sur le VIH est-elle vraiment historique ?

Par Youen Tanguy le 05/07/2019
vih

Une équipe de chercheurs américains a réussi à éliminer le VIH du génome de plusieurs souris grâce à une combinaison de deux techniques. Une avancée encourageante.

L'étude a été publiée le 2 juillet sur le site internet de Nature Communications. Des chercheurs de l'université Nebraska Medical Center, aux Etats-Unis, ont trouvé un moyen d'éliminer le virus du Sida (VIH) de l'ADN de plusieurs souris infectées, rapporte The Time. Pour arriver à ce résultat, les scientifiques ont mis au point une nouvelle stratégie consistant à coupler deux outils : le LASERT ART et la technologie CRISPR-Cas9.

Plus clairement, les chercheurs ont commencé par administrer aux souris une combinaison de médicaments antirétroviraux (similaires à ceux utilisés pour bloquer la multiplication des cellules du VIH). L'équipe a modifié le médicament pour qu'il agisse plus longtemps - quelques mois au lieu de quelques jours habituellement - et qu'il pénètre les tissus de la rate, de la moelle osseuse et du cerveau où sont plus susceptibles de se former des réservoirs latents de VIH.

Les traitements actuels contre le VIH sont à prendre "à vie" car, justement, les antirétroviraux ne parviennent pas à éliminer les réservoirs du virus logés dans les cellules immunitaires.

Double action

Les scientifiques ont également utilisé la technique CRISPR-Cas9 pour "éliminer les cellules infectieuses restantes de l'ADN". "Il s'agit de rentrer dans le génome (le noyau, ndlr) du réservoir et d'éliminer l’ADN qui code pour le VIH", explique à TÊTU Hugues Cordel, infectiologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny.

Cette double action leur a permis de "nettoyer des segments du génome" et d'éradiquer le VIH de l'organisme chez neuf des 29 souris testées. Pour Cordel, c'est une avancée "encourageante" dans la recherche contre le virus du Sida. "Contrairement à la stratégie du 'Shock and kill' - qui consiste à choquer les cellules infectées dormantes pour les faire sortir de leurs réservoirs et les tuer immédiatement - là, les chercheurs sont allés directement dans le réservoir tuer les cellules de l'intérieur."

Une avancée historique ?

Est-ce une avancée historique pour autant ? Hugues Cordel n'en est pas convaincu. "Il y a eu tellement de nouvelles stratégies pour tuer ce réservoir... C'est une nouvelle stratégie qui représente une grande avancée, mais on a déjà eu plein d'autres espoirs."

Comme le rappelle l'infectiologue, ce n'est pas la première fois que des scientifiques identifient une piste pour éliminer les réservoirs du VIH.  En décembre 2018, une équipe de l'Institut Pasteur est parvenue à identifier une vulnérabilité dans les cellules dites "réservoirs" du virus du sida, ouvrant la voie à leur élimination.

Anne-Charlotte Chéron de l'association Aides pense également qu'il est trop tôt pour parler d'une avancée historique. "C'est une bonne nouvelle pour la recherche fondamentale, nous assure-t-elle. Mais le temps de la recherche n’est pas le même que celui de l’épidémie. La solution que l'on préconise aujourd'hui c'est le 90/90/90". 

En clair, il s'agit d'un objectif d'ONUSida visant à ce que 90% des personnes séropositives connaissent leur statut sérologique, soient sous traitement et aient une charge virale durablement supprimée.

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Bientôt des tests sur les humains ?

Une autre question se pose concernant cette nouvelle étude : dans combien de temps pourra-t-on réaliser ces tests sur des humains ? "Il faut d'abord conforter les résultats sur les souris avant de passer, pourquoi pas, aux singes et enfin aux humains, détaille Hugues Cordel. Mais tout ce processus prendra plusieurs années et si ça fonctionne, on pourra imaginer une commercialisation dans plus d'une dizaine d'années."

Et d'ajouter : "On a raison de se réjouir chaque fois qu'on découvre une nouvelle technique comme celle-là, mais il faut laisser les études se poursuivre."

Ces publication d'études ne risquent-elles pas de donner de faux espoirs aux personnes séropositives ? "Effectivement, s'interroge l'infectiologue. Si ça donne une certaine impatience chez les personnes vivant avec le VIH, c’est peut-être un peu dommage." Comme le dit lui-même à CNN Kamel Khalili, le coauteur de l’étude, "nous avons atterri sur la Lune mais nous n'avons pas encore réussi à aller sur Mars".

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Crédit photo : wikimedia commons.