[PREMIUM] Grégory et Dan ont eu un enfant par GPA aux États-Unis. Confrontés à une réaction négative de la part d'une puéricultrice française, ils racontent leur expérience à TÊTU.
Leurs jumeaux de six semaines dans les bras, Grégory Merly-Sobovitz et son mari Dan, heureux trentenaires à peine revenus des États-Unis, sont heureux, malgré la fatigue. Joints sur Skype depuis leur appartement berlinois, ils semblent également choqués. Et pour cause : une puéricultrice française employée par les services de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) est venue perturber la famille. À l'époque, ils étaient en transit entre l’État de Géorgie (États-Unis) - où sont nés les petits et où vit la mère porteuse, devenue marraine des enfants - et l’Allemagne, où ils avaient décidé de s’installer.
La puéricultrice a montré des signes de défiance concernant la gestation pour autrui (GPA), pratique a laquelle le couple a eu recours pour avoir leurs enfants. Lors de la troisième visite, elle leur a envoyé un article publié dans La Libre Belgique : une chronique d’opinion de la très controversée psychothérapeute Anne Schaub, star de la Manif pour tous, intitulée « L’enfant, le grand oublié ». Tout un programme.
« Dès la deuxième visite, on a senti qu’elle voulait engager la conversation sur l’absence de mère, elle nous donnait de petits indices pour nous signifier que si les petits montraient à l'avenir un inconfort, ce serait peut-être à cause de la rupture volontaire avec la mère », explique Grégory. Et la jeune femme de rajouter : « J’ai fait un peu de travail de recherche pour vous », avant de leur envoyer une série d’articles anti-GPA. « Elle a cru partager une expertise, alors qu’elle exprimait une conviction personnelle », estime le jeune père.
Désinformation ou malveillance ?
Blessé et en colère, Grégory digère l’information pendant quelques jours, avant de publier son témoignage sur Twitter : « J’ai fini par lui envoyer un mail en essayant de lui expliquer que ces mots avaient été blessants et fallacieux, mais je pense sincèrement que cette histoire est la face émergé d’un malaise plus profond », explique-t-il à TÊTU.com.
Loin de vouloir charger la puéricultrice, les deux papas essaient encore de déterminer s’il s’agissait d’un acte réellement malveillant (auquel cas ils contacter l'autorité responsable) ou le fruit de l’ignorance issue d’un système plus large. « Je me suis rapproché de l’ADFH (Association des familles homoparentales, ndla). Je ne veux pas engager de chasse aux sorcières, mais plutôt estimer s’il y a eu désinformation ou si c’était délibéré. »
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Car les services de la PMI sont une mission de service public : ses employés suivent les femmes enceintes et les enfants jusqu’à leurs six ans. « On a été blessé, ma mère était en colère. Je ne m’attendais pas à ce qu’une puéricultrice issue d’un service public nous jette la première pierre », ajoute Grégory. « Nous n’avions eu aucun problème avec le corps médical américain. Un journal local en Géorgie, pourtant un État du Sud conservateur, est même venu à la maternité car c’était la première fois qu’ils avaient une histoire avec des papas gays et une GPA. Et la première réaction négative vient de France. »
« Des opinions néfastes sur nos familles »
Leurs deux petits garçons sont surtout le fruit de l’amour et d’une organisation solide. Toutes les personnes impliquées savent que créer une famille homoparentale nécessite une sacrée dose de courage et de détermination pour mener à bien un projet de vie pareil. En anglais, on dit même souvent : « it takes a village to raise a kid », soit « tout un village est nécessaire pour élever un enfant ». Un dicton que le corps médical français ne semble pas appliquer, étranger au fait que les modèles familiaux évoluent constamment.
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Grégory, qui va jusqu’à se demander si la PMI est un organisme réactionnaire, en veut surtout à tous ceux qui ont permis, sur le long terme, cette situation : « J’en veux aux personnes qui, depuis des années, ont fabriqué et mis dans la tête des gens des opinions néfastes sur nos familles, la Manif pour tous, certaines universités catholiques dont les obscures maisons d’édition publient des livres homophobes."
"Je ne pensais pas être militant, mais depuis la naissance de mes fils, je me découvre des instincts de louve. Il était hors de question que je fasse comme si rien ne s’était passé. Je ne lâcherai jamais rien, dès lors que ça concerne l’avenir de mes enfants. »
En contact régulier avec la mère porteuse
Le point positif est la réaction des internautes, après le partage du courrier : « J’ai reçu énormément d’encouragements, qui m’ont fait me dire que nous sommes du bon côté de l’Histoire. Il existe tout une communauté de gens bienveillants, y compris sur Twitter. » Des familles homo, mono et co-parentales lui ont également fait part de leurs luttes quotidiennes, redonnant de l’espoir aux deux papas des nourrissons.
Les études sont de plus en plus nombreuses à affirmer que les enfants issus de familles homoparentales n’ont pas davantage de problèmes psychologiques que ceux issus de familles hétéroparentales. Quant à l’accès aux origines, elle est une donnée souvent très importante dans les projets de gestation pour autrui : la majorité des couples d’hommes gardent un contact régulier avec la mère porteuse.
Les deux papas français n’avaient donc pas besoin qu’on leur fasse la leçon sur la filiation et les origines. « Quand on a commencé ce parcours de GPA en voulant le faire le plus éthiquement possible. Une des conditions obligatoires était que les enfants puissent avoir un accès permanent à leurs origines. À ce titre, nous avions choisi d'être en relation avec une donneuse d'ovule qui accepte d'être contactée pour raison médicale ou à la demande des enfants », conclut Grégory. La mère porteuse est devenue la marraine des deux jumeaux. Et les ados qu’elle a élevés sont tombés « amoureux » du couple et de leurs bébés. Loin, très loin des fantasmes de quelques fanatiques à l’influence néfaste.
Crédit photo : Grégory Merly-Sobovitz.