Sander van't Noordende, Accenture : "Je ne veux pas que nos salariés cachent qui ils sont à la machine à café"

Par têtu· le 28/08/2019
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Sander van't Noordende a 55 ans. Il directeur général monde du groupe d’activités Products chez Accenture, grande entreprise de conseil et de technologie employant plus de 477 000 salariés dans 120 pays. Et il est ouvertement gay. Il revient pour TÊTU sur la politique d'inclusion de son entreprise.

Pourquoi une société comme Accenture se mobilise-t-elle pour favoriser l’inclusion et la diversité, notamment LGBT+, en entreprise ?

Chez Accenture, nous avons six valeurs fondamentales. Mais l’une des plus importantes est notre volonté de recruter, faire grandir et retenir “les meilleures personnes” (“best people”). Nous voulons les meilleurs éléments pour offrir les meilleurs services à nos clients. Et si vous voulez les meilleurs, vous ne pouvez pas vous contenter de les chercher dans un seul groupe de personnes mais dans tous : hommes, femmes, personnes racisées, LGBT+, hétéros, personnes en situation de handicap... Si vous ne faites pas ce travail, vous risquez de passer à côté des meilleurs éléments ! Une autre de nos valeurs est le respect de l’individu (“respect for the individual”).

Je dis souvent que nos salariés sont en droit d’apporter toute leur personnalité, dans son intégralité, au travail, car cela leur permet de donner le meilleur d’eux-même. Je ne veux pas qu’ils se sentent obligés de cacher qui ils sont à la machine à café ou à la fontaine à eau. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, parler de leur vie de famille et doivent se sentir absolument eux-mêmes quand ils arrivent au travail. Encore une fois, devoir se cacher serait contre-productif pour l’ensemble de l’entreprise.

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"On ne peut pas considérer ces sujets comme secondaires" 


Créer un environnement inclusif, ce n’est pas seulement une question de bien-être, c’est aussi un enjeu de qualité de travail ?

Exactement. L’inclusion et l’appartenance ne sont pas des sujets accessoires, c’est un impératif d’un point de vue business ! Je suis sûr que vous avez déjà rencontré des personnes qui ont dû cacher leur homosexualité pendant des années et qui vous disent après leur coming out : “Je voyais le monde en noir et blanc et, désormais, je le vois en couleurs.” Que d’énergie dépensée dans une mauvaise voie ! Les intérêts économiques sont liés à la culture d’entreprise que l’on crée. Nos clients y sont très sensibles, car eux aussi promeuvent la diversité, veulent être inclusifs et accordent un importance cruciale au respect des individus. On ne peut donc pas considérer ces sujets comme secondaires ; ils sont éminemment importants.

Vous vous engagez pleinement dans cette politique. C’est important que l’exemple vienne d’en haut ?

C’est absolument crucial. Je répète souvent que nous sommes tous des rôles modèles. Du PDG aux managers supervisant une mission. Les rôles modèles donnent de la confiance aux gens. Vous percevez à travers eux qu’il n’y a aucun problème à vous rendre à la soirée du bureau avec votre mari si vous êtes un homme, ou avec votre femme ou votre petite amie si vous êtes une femme. Même si c’est parfois encore délicat dans certains milieux. Souvent, quand les gens rejoignent Accenture, ils sont un peu sur la défensive. “Je ne sais pas. C’est une nouvelle entreprise. Un nouveau boulot. Je veux faire de mon mieux”, entend-on parfois. Mais les choses changent lorsqu’ils voient et entendent des rôles modèles ou des alliés qui abordent alors simplement les questions LGBT+, et qui leur disent qu’ils sont parfaitement à l’aise avec les couples de même sexe, alors ils se détendent. Le simple fait de parler d’inclusion donne aux gens suffisamment de confiance pour être eux-mêmes sur leur lieu de travail.

"Faire des erreurs, cela arrive. C'est comment on les corrige qui compte"

Concrètement, comment cela se traduit-il chez Accenture ?

D’abord, l’exemple vient d’en haut lorsque le PDG de l’entreprise déclare : “Nous avons une culture d’égalité”, et défend cette politique à travers des valeurs fondamentales. Mais il s’agit également de répondre aux problèmes lorsqu’ils surviennent. Et cela arrive. Dire une chose, c’est facile, mais le faire... Nous avons tous nos préjugés, mais nous devons les combattre. On apprend tous les jours. Je vous donne un exemple : un jour, j’ai lu un échange parlant d’un couple venu à une fête de bureau. Dans cet échange, une des personnes a supposé que c’était le mari qui travaillait pour l’entreprise, alors qu’en fait sa femme en était la directrice. Faire des erreurs, ça arrive, c’est comment on les corrige qui compte. Il faut en parler. Si on fait une erreur ou si on voit quelqu’un faire une erreur, la bonne attitude est de dire : “Écoute, je ne pense pas que c’était une bonne façon de te comporter avec telle ou telle personne.”

Lors du dernier sommet de Davos, vous avez annoncé qu’Accenture allait promouvoir globalement les droits LGBT+. Comment cela va-t-il se traduire ?

Tout découle de la charte pour lutter contre les discriminations des LGBT+ en entreprise adoptée par les Nations unies. Cette charte prévoit cinq fondamentaux comme respecter les droits des personnes LGBT+ dans le mode de gestion de votre entreprise, soutenir vos employés LGBT+ au travail, agir dans la sphère publique... Beaucoup d’entreprises sont aujourd’hui à jour sur ces standards. Mais, désormais, la question est plutôt : comment les entreprises peuvent-elles s’entraider pour mettre en œuvre ces valeurs. Par exemple, comment procurer aux couples de même sexe les mêmes avantages que ceux accordés aux couples hétérosexuels, et ce partout dans le monde ?

Comment se comporter en tant qu’entreprise dans un pays pas très ouvert ou au contraire très hostile aux droits des personnes LGBT+ ? Ces questions sont parfois difficiles. À Davos, nous avons annoncé que nous allions créer un “corpus de savoir”. Nous voulons partager nos bonnes pratiques avec les entreprises au niveau mondial. Accenture, Deutsche Bank, EY, Mastercard, Microsoft, Omnicom et Salesforce sont les premières signataires de cette initiative.

Qu’est-ce qu’Accenture a mis en place afin de permettre la transition des personnes trans sur leur lieu de travail ?

Avant de vous répondre, je tiens à dire qu’entamer sa transition est toujours une démarche difficile et qui demande beaucoup de force et de courage. Une des choses que nous devons faire en tant qu’entreprise, c’est rendre ce processus le plus aisé possible. Dans les pays qui nous le permettent, nous pouvons offrir une assurance santé prenant en charge les soins de transition. Nous offrons également une assistance RH pour que les choses se fassent dans le respect de l’identité de l’employé.e et faisons en sorte pour que cela se passe le mieux possible.