musiqueScratch Massive : "On a tous les deux démarré dans le milieu gay"

Par Ana Benabs le 03/09/2019
Scratch Massive

Le 21 septembre, Scratch Massive enflammera la scène du festival Paris est TÊTU. Entretien avec Maud Geffray et Sébastien Chenut, les protagonistes de ce duo incontournable de la synthwave française. 

Quatre albums en duo, une poignée de BO de films et des carrières solo bien remplies, Scratch Massive occupe depuis le début des années 2000 une place de choix dans le paysage de l’électro made in France. Un an après la sortie de leur dernier disque “Garden Of Love”, ils s’apprêtent à en dévoiler une version intégralement remixée. En bref, que des bonnes raisons d’aller les voir en live le 21 septembre prochain, à l'occasion de la première édition du festival Paris Est TÊTU, au Jockey Disque de l'hippodrome d'Auteuil. 

TÊTU : Pour vous, qu’est-ce que ça représente de jouer au Paris est Têtu Festival ? 

Maud : C’est la première édition déjà, donc c’est assez symbolique ! Je suis ce média depuis pas mal de temps. C’est vraiment cool de passer au spectacle vivant, et encore plus d’en faire partie. 

Vous avez des coups de coeur dans la programmation ? 

Maud : Y’a surtout des potes ! Arnaud Rebotini, les Pirouettes, Kiddy Smile, Chloé... C’est assez familial la programmation pour nous (rires).

En parallèle de Scratch Massive, vous avez tous les deux des carrières solo : d’où est venue cette envie ? 

Maud : Il y avait surtout une nécessité géographique, puisque Seb est parti vivre à Los Angeles. Avec la distance, il a fallu trouver d’autres moyens de faire de la musique. Ça prend forcément plus de temps de créer un album ensemble, donc en parallèle, j’ai développé mon projet et Seb aussi. Et quand on se rejoignait, on avançait à LA sur Scratch Massive. 

Qu’est-ce que vous trouvez en duo que vous n’avez pas en solo ? 

Seb : L’altérité, c’est primordial. En solo, ça peut être flippant car il n'y a personne pour t’orienter, te désorienter, te mettre dans le doute ou te réconforter. Ça me fait penser aux équipes de sport : en groupe, tu peux te reposer sur d’autres joueurs. Tout seul, tu peux faire face des abysses, et des moments de liberté totale. On a commencé par jouer en duo, on ne savait pas ce que c’était d’être seul. Et ça peut être flippant ! 

Même chose pour le live en solo ? 

Seb : C’est encore plus fort sur scène ! Sur les premières dates en duo, t’es épaulé, tu sens qu’il y a quelqu’un à côté de toi, que cette personne flippe aussi donc tu flippes moins (rires). La scène devient plus petite et moins vide qu’en solo, c’est clair. 

"Quand on fait nos albums, on a la tête remplie d'images"

D’ailleurs c’est quoi un live réussi pour vous ? 

Seb : C’est un live ou il y a une communion totale avec le public. Du premier au dernier morceau, tu sens qu’il y a une intensité qui te porte, et qui ne te lâche pas. Quand on fait des dates en notre nom, les gens savent qui ils viennent voir. Mais quand tu joues en festival, le public passe de scène en scène. Si tu commences un set devant 800 personnes et que tu le termines face à 2000, là il s’est passé un truc. Tu as réussi à les captiver. 

Maud : Dans un concert, tu sens que le public est dans l’attente d’une excitation. Et c’est quand il y a une sorte de silence que tu sens que t’as touché quelque chose… C’est le genre de moment que j’aime. 

Vous avez aussi fait des BO de film : quel est votre rapport à l’image ? C’est quelque chose d’important pour vous ?

Seb :  Oui complètement. Certains réalisateurs avec qui j’ai grandi avaient des bandes originales de folie. Je me souviens des premiers Besson, avec les compos d’Eric Serra, ou des films de Carpenter. La musique devenait presque un acteur principal. Dans “Le Grand Bleu”, si tu enlèves la BO, 50% des émotions du film tombent à la poubelle ! Quand on fait nos albums, on a la tête remplie d’images, et ça aide à la création. 

Maud : On est tous les deux des gros bouffeurs d’images de films en tous genres, on a fait des études de cinéma… C’est vraiment quelque chose qui fait partie de nos vies.

La pochette de votre dernier album “Garden Of Love” est assez mystérieuse : c’est une photo de mariage assez cliché, mais les ongles longs des deux mains font penser qu’il s’agit d’un couple lesbien. Quel en était le message ? 

Scratch Massive : "On a tous les deux démarré dans le milieu gay"

Maud : C’est une pochette qui pose plein de questions ! Déjà : “est-ce que c’est hyper moche ou pas ?” (rires). On avait cette idée de titre, et on a bossé avec un graphiste qui cherchait des images évoquant l’amour. Il nous a proposé ce visuel, volontairement cliché parce qu’il propose plein de niveaux de lecture. Déjà cette histoire d’ongles longs, on ne sait pas à quel degré le prendre, et puis c’est quoi l’amour ? Est-ce que c’est ça ? Est-ce que c’est ce qu’impose la société ? Il y’a plein d’interprétations. Ce n’est pas une pochette belle et gratuite, c’est une pochette questionnante, qui, sous couverte d’être lisse, ne l’est pas du tout.

"J'ai appris à mixer au Pulp"

Maud, tu mixes aussi dans beaucoup de soirées queer un peu partout en France : pourquoi ça te tient à coeur ? 

Maud : Parce que c’est là où l’on a démarré Seb et moi, dans le milieu gay. J’ai appris à mixer au Pulp dans les années 2000, un super bar tenu par des copines lesbiennes, où j’ai passé des soirées fantastiques. Depuis, j’ai toujours associé mes envies musicales à cet univers-là. Je m’y sens bien à tous les niveaux : le son, le public, l’ambiance... Tout. 

De ton côté Sébastien, tu es parti vivre à Los Angeles : ça a changé des choses pour toi ? 

Seb : Oui, c’est même pas comparable. C’est une autre mentalité, d’autres gens, une autre culture. J’y ai trouvé le temps, l’espace, la patience, pas mal d’éléments qui permettent de redynamiser la création. Quand tu fais pas mal de musique, c’est bien de changer de décor, et là pour le coup je l’ai vraiment fait au premier degré. Cette ville est super riche, et intéressante, elle m’apporte beaucoup notamment dans son aspect visuel : il y a des décors de fous là-bas ! 

Tu parles de redynamiser ta création : est-ce que votre manière de travailler a changé en 16 ans de carrière ? 

Seb : Ouais complètement. J’en reviens au projet solo : quand tu te mets à travailler tout seul t’es obligé d’aller d’aller chiner toi-même, d’avancer par toi-même. Et là, les choses changent.  

Maud : Pareil. Je suis d’accord quand Seb dit qu’à deux, on peut se reposer sur l’autre pour les choses qui demandent plus d’effort. Nos backgrounds sont assez différents, au départ, je n’avais pas particulièrement de connaissances techniques. Tout cet aspect, je l’ai laissé à Seb. Quand on a monté notre studio à L.A., il a fallu que je mette en place un autre studio qui soit pertinent pour moi seule, et que j’en maîtrise la technique. Donc oui, on a pas mal évolué !

Au festival, vous allez faire un DJ Set : c’est quoi votre morceau fétiche pour une belle conclusion ?

Maud : Pour moi c’est “The End of it All”, de John Tejada. 

Seb : Je dirais “Behind The Wheel” de Depeche Mode, remixé par Shep Pettibone. 

Et celui qu’il ne faut surtout pas vous demander de passer ?

Seb : C’est quoi le morceau là ? Lykke Li remixée par The Magician, I Follow Rivers ! 

 

Retrouvez Scratch Massive aux côtés d’Hyphen Hyphen, Jake Shears, Arnaud Rebotini, Corine, Kiddy Smile et beaucoup d’autres au festival Paris est TÊTU, le 21 et 22 septembre prochains au Jockey Disque de l’hippodrome d’Auteuil ! 

 

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