Le festival Chéries-Chéris fête son vingt-cinquième anniversaire avec une programmation pointue et inclusive. TÊTU vous présente ses coups de coeur.
La cérémonie d'ouverture de la vingt-cinquième édition du festival Chéries-Chéris ce mardi 19 novembre donnera le coup d'envoi de dix de cinéma LGBT+. Le jury, qui compte notamment les cinéastes Olivier Ducastel et Rodolphe Marconi, la romancière Wendy Delorme ou l'instagrammeuse militante Lexie (@agressively_trans) devra comme chaque année désigner les meilleurs films de fictions, documentaires et courts-métrages. Et parmi la sélection pointue, TÊTU a déjà ses favoris.
"Lola vers la mer" de Laurent Micheli
A quelques semaines d’une intervention de réassignation sexuelle, Lola, revient dans son village natal pour l’enterrement de sa mère. Elle quitte un refuge où elle vit en colocation avec son meilleur ami gay, Samir. Mais la confrontation avec son père, joué par Benoit Magimel impeccablement haïssable, va tourner à l’affrontement. Malgré la douleur et l’incompréhension, père et fille vont s’engager dans un long voyage en voiture pour rendre un dernier hommage à cette femme disparue.
Toujours sur le fil – entre drame et comédie, violence et tendresse, roadtrip et embardées surréalistes, incompréhension et amour filiale – le réalisateur belge Laurent Micheli tresse un film où la transidentité n’est pas une faiblesse mais un état d’alerte, de combat. Il filme une jeune femme décidée et qui sait exactement qui elle est, face à un père qui a oublié ce qu’est l’amour filial.
Et puis, il y a Mya Bollaers. La jeune actrice qui en confiance donne au film toute sa sève. Sa Lola est dure, effrontée parce qu’elle n’a pas d’autres choix. Le coeur puissant. La voix sûre, les cheveux roses et les pieds sur un skateboard, elle conquiert avec grâce et insolence le coeur du spectateur.
Il y a parait-il des films pour éduquer le public et d’autres pour donner de la visibilité aux personnes transgenres. Lola vers la mer fait les deux. On ne voudrait pas réduire l’actrice à sa transidentité car sa performance est bien trop remarquable. Mais en confiant ce rôle à une actrice concernée et aussi incandescente, Laurent Micheli prouve au cinéma que c’est la moindre des choses. Et que le talent de cette communauté ne demande qu’à s’exprimer. RB
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"Deux" de Filippo Meneghetti
Tout le monde prend Nina et Madeleine pour deux voisines retraitées vaguement amies. Mais les deux femmes s’aiment en secret. Le soir dans le décor antique de l’appartement de Madeleine, elles se retrouvent, s’embrassent et dansent. Elles envisagent de vendre leurs appartements respectifs et de s’installer ensemble à Rome. Mais le déclin physique soudain de Madeleine va séparer les femmes et briser leur intimité précieuse et clandestine. Filippo Meneghetti filme avec délicatesse l’amour entre ces deux femmes âgées.
On pense à une version lesbienne de Amour de Michael Haneke mais Deux est plus que cela. C’est un film sur l’impossibilité du coming out lorsqu’on atteint un certain âge, sur le poids du regard, du tabou, de la famille, porté par un casting 24 carats (Martine Chevallier, sociétaire de la Comédie Française depuis 2019 et Barbara Sukowa actrice adorée de Fassbinder). RB
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"Indianara" d'Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa
Comment résiste-t-on au populisme? C’est la question à laquelle répond ce documentaire-portrait d’Indianara Siqueira, militante trans devenue visage de la résistance au régime néofasciste de Jair Bolsonaro. Dans les rues de Rio de Janeiro, bravant la mort (plus de 170 personnes trans ont été assassinées en 2017 dans le pays, dans l’indifférence des médias) et les mesquineries politiques (émanant même de la gauche), cette passionaria fait entendre sa voix et celles de toutes les femmes trans qu’elle recueille au refuge Casa Nem. En totale immersion dans l’univers de cette sororité, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa filment ces corps dignes et révoltés avec une douceur infiniequi tranchent avec la violence du régime bolsonariste. On sort de ce documentaire secoué. Mais remonté à bloc. RB
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Fin de siècle, de Lucio Castro
Le film commence comme une carte postale. Barcelone, en été. Un Airbnb au coeur de la ville. Ocho est seul. Il mate la rue depuis son balcon, traine sur Grindr, se branle. Il rencontre Javi à la plage. Le retrouve plus tard, par hasard. Le fait monter chez lui. Dans ce premier film de Lucio Castro, les corps sont réalistes, comme le sexe. La lumière estivale irradie Ocho, le brun, en quête permanente d’une solitude choisie. La contemplation est loin d’être gratuite : on apprendra plus tard qu’elle est une parenthèse nécessaire au quotidien du personnage, moins solitaire qu’on ne le croit… « Fin de Siècle » est probablement ce qu’on peut appeler un film à chute : le cinéaste joue avec sa narration, et surprend, à deux reprises, celui qui le regarde.
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Quand ils se rencontrent, Javi est en couple, et Ocho vient de se séparer, après une histoire de presque 20 ans. De ce que l’on croit être une amourette de vacances homosexuelle, le réalisateur tire le meilleur parti, évoquant tour à tour la difficulté des couples à faire l’amour après un moment, le besoin nécessaire de s’échapper, dans un autre lit ou dans une autre ville, le bonheur et la difficulté d’être parents. Et il est fort possible que même les hétérosexuels s’y reconnaissent… AP
5B de Paul Haggis et Dan Krauss
Ce documentaire bouleversant revient sur la création du premier service de prise en charge des malades du sida aux Etats-Unis. Le pavillon « 5B » s’est ouvert en 1983 au San Francisco General Hospital. A base d’images d’archive et de témoignages de soignants et de militants, le film explique comment des infirmiers et des médecins ont dépassé leur peur d’une maladie, dont on ne sait encore rien, pour prendre soin de patients en train de mourir. A cette époque, pour une grande partie du personnel médical, le simple fait de toucher un malade du sida est un tabou insurmontable. Les réalisateurs Paul Haggis et Dan Krauss montrent comment ces infirmières, qui acceptent de côtoyer, de soigner et d’aimer ces malades, vont ainsi leur rendre leur dignité. Un document déchirant mais qui redonne foi en l’humanité. RB
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