La proposition de loi dite Avia vient d'être adoptée, quelque peu vidée de sa substance, par les sénateurs. En juillet, l'Inter-LGBT s'inquiétait d'un risque de "privatisation de la justice".
Dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 décembre, les sénateurs ont adopté la proposition de loi contre les contenus haineux sur Internet, a-t-on appris de l'AFP. Celle-ci avait été déposée le 9 juillet dernier par la députée LREM de Paris Laetitia Avia à l'Assemblée nationale, où elle avait été largement approuvée. Mais le passage du texte au Palais du Luxembourg l'aura amputé de sa mesure la plus emblématique.
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En effet, la proposition de loi prévoyait initialement d'obliger les plateformes et moteurs de recherche de retirer dans un délai de 24 heures les contenus "manifestement" illicites, sous peine d'une amende pouvant aller jusqu'à 1,25 million d'euros. Cette mesure s'inspirait de la loi allemande Netzwerkdurchsetzungsgesetz, ou "NetzDG", adoptée en 2017.
23 % des agressions homophobes en ligne
Le sénateurs, dominés par la droite LR, ont estimé que cette mesure comportait un risque de "sur-censure". Ils ont finalement adopté un amendement PS adoucissant la mesure en présentant le délai de 24 heures comme un simple "objectif". Le Palais du Luxembourg a en revanche voté d'autres contraintes pour les plateformes, comme la transparence sur les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus, une coopération renforcée avec la justice, ou encore un renforcement de leur régulation sous la supervision du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
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Dans son exposé des motifs, la proposition de loi Avia initiale ciblait entre autres les "sites dédiés à la propagation d’une idéologie haineuse, qu’elle soit raciste, antisémite, anti-musulmans, homophobe ou sexiste". Auparavant, le rapport qui a donné lieu à cette proposition citait le dernier rapport de SOS homophobie, qui indique que "23 % des agressions homophobes ont lieu sur internet".
"Privatisation de la justice"
Pour autant, la loi Avia ne fait pas l'unanimité parmi les associations LGBT+. En juillet, la veille de l'arrivée du texte à l'Assemblée nationale, l'Inter-LGBT publiait un communiqué intitulé "Non, la lutte contre la haine ne saurait justifier la censure !" Elle s'y inquiétait d'une "privatisation de la justice qui aura pour conséquence une limitation dramatique et injustifiée de la liberté d’expression".
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En cause notamment, le pouvoir donné aux plateformes face à la justice : "Les victimes doivent avoir le droit à un accès facilité et rapide au juge, et non pas à une censure mise en œuvre par des algorithmes devenus tout puissants, ignorant toute la difficulté du contentieux propre au langage, qui nécessite l’intervention d’un juge spécialisé pour en apprécier les subtilités. L’argument budgétaire, tout comme l’argument procédural ne saurait être invoqué pour légitimer cette privatisation."
Crédit photo : Assemblée nationale