politiqueUn rapport associatif européen pointe les "défauts majeurs" du projet de loi bioéthique

Par Timothée de Rauglaudre le 05/02/2020
loi bioéthique

L'Association internationale lesbienne et gay a présenté mardi son rapport annuel sur la situation des personnes LGBT+ en Europe et en Asie centrale. En ce qui concerne la France, si des avancées sont relevées, l'organisation pointe "plusieurs défauts majeurs" du projet de loi bioéthique.

Mardi 4 février, comme tous les ans, l'Association internationale lesbienne et gay (ILGA) a présenté pour la dixième année consécutive son rapport sur la "situation des droits humains des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes en Europe et en Asie centrale". Couvrant 49 pays européens et les cinq pays d'Asie centrale, l'étude s'appuie sur le travail de militants LGBT+ et d'experts de terrain et rend compte dans chacun de ces pays des évolutions, positives comme négatives des droits LGBT+. En ce qui concerne la France, le rapport recense plusieurs avancées législatives, mais dénonce également "plusieurs défauts majeurs" du projet de loi bioéthique, adopté en première lecture par le Sénat, mardi, dans une version largement édulcorée.

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ILGA rappelle que le projet de loi bioéthique, déposé par le gouvernement en juillet dernier, prévoit d'ouvrir la PMA à toutes les femmes et ainsi de "supprimer l'exigence d'infertilité pathologique". "Toutefois, le projet a été sévèrement critiqué par la société civile pour ses défauts, peut-on lire. Il échoue à étendre l'accès à la PMA aux personnes trans et intersexes. Il établit des règles différentes pour les couples de même sexe et de sexe opposé, y compris l'obligation de passer par une reconnaissance anticipée. Il implique une mention sur le certificat de naissance indiquant la manière dont l'enfant a été conçu." Sur ce dernier point, si c'était effectivement l'option initialement retenue dans le projet gouvernemental, la ministre de la Justice a assuré en septembre devant la commission spéciale à l'Assemblée nationale qu'il "n'y [aurait] aucune mention de la PMA" sur les actes de naissance et qu'il serait simplement fait mention des deux mères.

"Les gouvernements ont encore beaucoup à faire"

Au rang des avancées, le rapport annuel cite la loi Avia sur la haine en ligne, en cours d'examen au Parlement, tout en rappelant la position très critique de l'Inter-LGBT, qui s'est inquiété d'une violation de la "liberté d'expression" qui pourrait "empêcher les victimes de signaler les discours de haine, et les forces de l'ordre de tenir les plateformes pour responsables". ILGA cite également la mission d'information sur les "thérapies de conversion", qui s'est tenue à l'automne dernier à l'initiative des députés LREM Laurence Vanceunebrock-Mialon et LFI Bastien Lachaud, et qui devrait aboutir dans les prochains mois à une proposition de loi, mais aussi l'annonce en juillet par la ministre de la Santé de la réduction du délai d'abstinence d'un an à quatre mois pour les homosexuels souhaitant donner leur sang. En termes d'action gouvernementale, le rapport souligne la campagne "Tous égaux, tous alliés" du ministère de l'Éducation nationale lancée en janvier 2019 face à la hausse du harcèlement scolaire, ainsi que l'appel de la ministre de l'Enseignement supérieur aux universités, en mars, à reconnaître le prénom d'usage des personnes trans plutôt que leur prénom de naissance.

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Sur le reste des pays étudiés, ILGA décrit un "portrait complexe qui diffère du récit répandu selon lequel tout va bien pour les personnes LGBTI dans la plupart des pays d'Europe". L'organisation souligne en effet la "forte hausse du discours de haine anti-LGBTI porté par des personnalités publiques à travers l'Europe", en Bulgarie, en Pologne, en Turquie, à Chypre, en Finlande, en Grèce, en Albanie, au Kosovo, au Portugal ou encore en Espagne, et s'inquiète des "conséquences très réelles pour les individus et les groupes LGBTI". Le rapport cite par exemple les plus de 80 localités polonaises qui ont, depuis janvier 2019, adopté des résolutions dites "libres de toute idéologie LGBTI", plus connues sous le nom de "zones sans LGBT". "Dans la plupart des pays d'Asie centrale, y compris dans certains pays où les personnes LGBT continuent d'être criminalisées, des discours de haine officiels ont été signalés", poursuit ILGA. "L'action est nécessaire, conclut Evelyne Paradis, directrice exécutive d'ILGA-Europe. Les gouvernements ont encore beaucoup à faire, depuis l'adoption de lois garantissant la protection des droits des personnes (...) jusqu'à montrer l'exemple en ayant un discours qui favorise l'acceptation et l'inclusion sociale."

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