À Marseille, David, aide-soignant, et son compagnon ont retrouvé sur le pare-brise de leur voiture un mot les intimant à quitter leur résidence. Parce que gays, ils sont accusés d'être « les premiers à être contaminés par le Covid-19 ».
On connaissait les diverses théories du complot, les leaders religieux du monde entier expliquant la pandémie de coronavirus par le fait que "Dieu détruit les sociétés LGBT », le conseiller spirituel du cabinet de Donald Trump attribuant la maladie à "l’inclinaison de la société au lesbianisme et à l’homosexualité ». Cette fois, c'est en France que ça se passe.
David, un aide-soignant de 33 ans, vit avec son compagnon dans le dixième arrondissement de Marseille, un "quartier tranquille ». Jeudi 26 mars, vers midi, son conjoint, livreur pour Uber Eats, s'apprête à partir travailler mais David le voit vite remonter, l'air choqué. "Regarde ce que j'ai trouvé sur le pare-brise !" lui dit-il. Dans une écriture appliquée, un mot a été laissé sur la voiture du couple.
"Pourriez-vous s'il vous plaît quitter la résidence car nous savons que vous les homosexuels sont (sic) les premiers à être contaminés par le Covid-19, peut-on lire. Ceci est le premier avertissement. Merci." Les deux hommes sont abasourdis. En colère, ils se rendent immédiatement au commissariat le plus proche. Là-bas, on leur indique qu'il ne s'agit "pas d'une menace mais d'un avertissement" et on les incite à déposer une simple main courante, que TÊTU a pu consulter.
Résidence sécurisée
La voiture sur laquelle le papier a été retrouvé est garée à l'intérieur d'une "résidence sécurisée ». La menace serait-elle le fait d'un voisin ? David croit reconnaître l'écriture d'une personne résidant dans leur immeuble "avec qui on a eu des petits soucis de voisinage ». Cette personne aurait déjà déposé plainte contre des voisins musulmans qui venaient de se marier et passaient de la "musique orientale ». Mais, sans preuve, impossible de la mettre directement en cause.
"Je pense que c'est une personne dénuée d'intelligence et d'éducation, juge en tout cas, sobrement, l'aide-soignant. Je pense que cette personne est certainement religieuse et qu'elle croit vraiment à ce qu'elle dit. Pour marquer une connerie comme ça, il faut y croire." Le trentenaire se sent d'autant plus visé qu'il a vu se multiplier, ces derniers jours, les menaces et outrances contre ses collègues de l'hôpital.
"Ça me touche doublement"
Comme cette aide-soignante toulousaine qui a retrouvé sur sa porte un mot l'invitant à aller "loger ailleurs », en raison de sa profession, par mesure de "sécurité ». Des propos qui ont scandalisé de nombreux Français. "Ça me touche doublement, je suis aide-soignant et je suis gay, estime David. Je peux comprendre que, psychologiquement, ce soit dur d'être enfermé à la maison, je pense qu'il y en a qui "fissurent" un peu, la connerie ressort. Personnellement, je ne m'attendais pas à recevoir un mot comme ça sur ma sexualité. Je n'avais jamais été confronté à l'homophobie de ma vie, je n'avais jamais eu la moindre réflexion."
Après avoir partagé le mot de menace sur sa page Facebook, David a reçu une vague de soutien. Jusqu'à être contacté par le référent LGBT du commissariat de Bordeaux, qui a conseillé au couple de déposer une pré-plainte en ligne avant de retourner au commissariat - à une période de confinement où l'on demande aux Français de limiter leurs déplacements. "Il nous a dit qu'ils allaient faire en sorte que ce soit traité, qu'ils pouvaient peut-être récupérer l'ADN, analyser l'écriture."
En attendant, David se dit "pas rassuré" : "Je regarde un peu plus derrière moi. Mon conjoint a un fort caractère, il est plutôt sanguin. Moi je suis plutôt calme. Je me demande ce que ce sera la prochaine fois. Ils vont casser ma voiture ? Ils vont m'attendre en bas ?"