En dépit du confinement, l'ex-candidat à l'Eurovision ne chôme pas et signe un come-back en grande forme avec un tout nouveau single. TÊTU lui a passé un coup de fil.
2019 fut une année charnière pour Bilal Hassani. En l'espace de 365 jours, le jeune chanteur aura tout de même fait ses armes durant le dernier concours de l'Eurovision, sorti un premier album ainsi qu'un livre autobiographique, sera parti en tournée à travers l'Hexagone. Et s'il aurait pu s'octroyer un break amplement mérité, l'interprète de "Roi" n'est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. Preuve à l'appui avec un titre fraîchement débarqué, "Fais le vide", pile à temps pour nous aérer l'esprit en cette période de confinement pas aisée pour tout le monde.
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À cette occasion, on a décidé de téléphoner à l'artiste de 20 ans pour revenir sur son entrée fulgurante sur la scène musicale francophone, mais aussi sur son deuxième album en préparation et la façon dont il a appris à gérer les haters au gré de son ascension.
Tu reviens avec un nouveau single en pleine période de confinement. C'était prévu depuis le début cette date de sortie ?
La date de sortie était prévue depuis le début. Ensuite, on était sur le point de shooter la pochette, de tourner le clip... et on est rentrés en confinement. Toute l'équipe s'est dit "OK bon on le sort pas, on attend la fin". Puis le 1er avril, j'ai fait un Zoom avec mon label, mes attachés de presse, ma mère qui est ma manager et je leur ai dit "les gars, il faut qu'on le sorte, les gens en ont besoin, le morceau est cool". Ils pensaient que je leur faisais un poisson d'avril mais en fait pas du tout, donc on a décidé de finalement pas décaler.
C'est cool, tu t'es adapté au confinement finalement, comme Dua Lipa...
Exactement ! (rires) Ça a été un gros challenge parce que j'avais pas de pochette, j'avais pas de clip, je n'avais rien pour accompagner le morceau en fait. Donc on a dû tout faire homemade et il fallait absolument pas que ça fasse confinement. Il fallait que ça reste quali. Mais tout le monde s'est bougé, on s'est associé avec les meilleures personnes pour mettre ça en place correctement.
Comment t'est venue l'idée pour la pochette ?
L'idée est venue d'un shoot que j'avais fait en novembre dernier pour Barbès Magazine. C'était un shoot un peu édito qu'on avait mis en place tranquillement, sans prise de tête. J'avais posté les photos, mes fans avaient beaucoup aimé. Je me rappelle qu'il y avait des outtakes de ce shoot qu'on avait pas utilisés. J'avais une photo en tête précisément, celle qu'on a retenue pour la pochette. Je me rappelle qu'elle avait été prise en argentique et j'avais besoin qu'ils me l'envoient. Ensuite on a envoyé cette photo à Fifou, qui fait toutes mes pochettes depuis le début - et qui fait même toutes les pochettes tout court, il travaille presque pour tout le monde [rires]. On a essayé trois milliards de combines et on a enfin trouvé la bonne.
Ta nouvelle chanson s'appelle "Fais le vide". C'est un titre très empowering qui encourage à se fixer un objectif et à faire abstraction des haters. J'ai l'impression que ça reflète un peu ton parcours. C'est un peu ta philosophie de vie ?
Carrément. En fait, c'est empowering, moins dans le côté "s'en foutre des haters" mais plus dans le côté "s'en foutre des contraintes de la vie en général". Le monde va très vite, il se passe beaucoup de choses, notamment en ce moment, et on a souvent l'impression d'être un peu perdus. On se demande comment se donner des objectifs, comment avancer dans ce monde complètement renversé qui va à mille à l'heure. L'idée vraiment de ce morceau, c'est que les gens enlèvent leur t-shirt, qu'ils se mettent à danser et sauter partout pendant 3min30 et que pendant ces 3min30, ils ne pensent à rien d'autre, juste à kiffer.
Niveau instru, j'ai l'impression que tu as tenté un truc un peu différent. On dirait qu'on retrouve des petites influences 80's. C'est symbolique d'une nouvelle direction que tu veux prendre ?
J'ai toujours été un peu obsessed avec tout ce qui était années 70, 80 et même 90 dans tout ce qui est house et les influences un peu R'n'B de ces années-là. J'ai vu que c'était quelque chose qui revenait au goût du jour. Une des grandes influences qui m'a poussé à bosser sur cet album, c'est quand j'ai réécouté Random Access Memories, l'album de Daft Punk. Et je me suis dit que ce serait cool de récupérer des influences, mais de faire les choses de manière très anachronique et ne pas se cantonner qu'à une seule décennie. On a commencé à faire des recherches en studio qui ont pris vraiment beaucoup de temps - je prépare cet album depuis juillet quand même ! Parce qu'on voulait faire quelque chose de très moderne, de très actuel mais en même temps, très référencé.
T'es dessus depuis juillet donc, et là tu bosses encore dessus ?
J'ai pas encore complètement fini l'album, on arrive à la dernière ligne droite. Kingdom, c'est un album qu'on a fait en un mois au total. J'étais assez pressé par ce qui m'arrivait. J'avais écrit les chansons très instinctivement, et c'est pour ça que j'aime beaucoup cet album. Là, j'ai voulu adopter une autre méthode et m'attarder beaucoup plus sur les chansons. Je suis parti deux fois à New York, en novembre et en décembre, et entre ces périodes-là, je n'ai pas du tout écouté ce que j'avais fait. Je voulais pouvoir les réécouter avec une oreille neuve. C'est pour ça que les morceaux ont pris plus de temps à se faire.
Tu es constamment en contact avec tes fans justement, via ta chaîne YouTube, via les réseaux sociaux. Est-ce que les interactions que tu as avec eux influent sur ta façon de créer ta musique, sur les thèmes que tu veux aborder ?
C'est vraiment stylé que tu me poses cette question-là parce que l'inspiration première de ce deuxième album, c'est eux. Parce qu'en fin 2019, j'ai voulu jeter un coup d’œil à mon année qui était assez farfelue et titanesque dans tout ce qui m'est arrivé. Je me suis dit "purée, tout ça s'est fait grâce à eux, grâce à ce cocon qu'on s'est créé". Je me suis rendu compte que j'avais un lien très spécial avec ceux qui me suivent. J'ai commencé à les écouter, à les observer, à les suivre encore plus qu'avant pour vraiment comprendre ce dont ils ont besoin. J'ai même voulu m'inspirer de leurs histoires, de ce qu'ils me racontent. Il y a une chanson qui me tient vraiment à cœur dans cet album, qui est vraiment inspirée d'histoires que j'ai pu lire de fans, des gens très différents mais qui avaient le même vécu.
D'ailleurs, tu as surpris tes fans à l'automne dernier en sortant un featuring avec Alkpote. On peut s'attendre à d'autres collaborations improbables dans le même genre ?
J'aime bien collaborer quand ça a vraiment beaucoup de sens ou alors aucun sens, justement, comme ce qu'on a pu faire avec Alkapote [rires]. J'aime bien imaginer des musiques qui m'emmènent ailleurs, créativement parlant. Je veux vraiment faire des choses surprenantes, je ne veux pas trop en dire. J'essaie de mettre quelques collab' en boîte qui devraient être vraiment sympa.
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Pour une collaboration rêvée, quel nom te vient en tête ?
Je vais te dire un truc qui va sonner hyper anodin, mais y a un artiste coréen que j'admire énormément. Il s'appelle Taemin. Il est dans un groupe qui s'appelle SHINee que je suis depuis que j'ai 11 ans. Ce groupe est dans les remerciements de mon premier album, je le suis depuis très longtemps. Taemin, ce qu'il fait en solo, c'est quelque chose qui m'inspire beaucoup. Et si un jour, j'étais amené à collaborer avec quelqu'un mi-improbable mi-complètement fou, ce serait certainement lui.
Si on te connaît pour tes vidéos YouTube ou pour ta discographie, il faut aussi qu'on parle de tes tenues et de ton intérêt pour la mode. Ça remonte à longtemps le fait que tu t'intéresses à la mode ?
J'ai toujours été très intimidé par la mode. Je n'avais pas beaucoup d'argent quand j'étais petit et je ne pouvais pas me permettre de m'habiller très bien, toutes mes fringues venaient de fast fashion. Je portais tout ce que je pouvais porter en fait [rires]. Je voyais ça comme quelque chose d'inaccessible. J'ai commencé à vraiment m'y intéresser beaucoup plus quand j'ai lancé ma carrière musicale.
Je travaille avec une styliste maintenant, Axelle, et ça fait un petit bout de temps qu'on bosse ensemble. Je lui donne mes idées et elle m'aide à trouver ce qui me va en terme de couleurs, par rapport à ma carnation, à mes wigs... Depuis, c'est devenu intéressant et très passionnant. J'ai aussi rencontré des personnes formidables comme Loïc Prigent qui est devenu un ami et qui me donne mille anecdotes tout le temps, qui m'a beaucoup aidé à comprendre la mode.
Qui sont tes icônes mode ?
Évidemment, si je ne mentionne pas Rihanna, ce serait un petit peu mentir. Après, les grosses références que j'ai vraiment et que j'utilise au quotidien, c'est ces icônes qui ont fait mon enfance comme Lady Gaga, David Bowie, Freddie Mercury, Prince... La façon dont ils s'habillent, c'est des choses qui me parlent et que je me vois porter. Si je devais citer des maisons que j'admire beaucoup et où je me vois, celle qui me parle le plus, c'est Mugler.
Tu avais notamment collaboré avec la marque Jennyfer pour une collection capsule à ton effigie. Ça t'a plu comme expérience ? Tu te verrais remettre ça ?
J'ai été beaucoup plus impliqué que ce que je croyais, parce que j'ai commencé le projet en me disant que j'étais englouti par énormément de travail. Tout allait super vite. Je suis venu avec l'idée de cette sorte de collection un peu genderless que tout le monde pouvait porter. Après, c'est parti en cacahuète et j'ai commencé à dire qu'il me fallait telle pièce, que j'avais besoin de ce tissu-là... Je me suis attardé sur tout finalement, donc c'était une expérience très cool que j'ai beaucoup aimée. À refaire.
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L'année 2019 a été très riche pour toi, avec ta participation à l'Eurovision, une première tournée, la publication d'un livre. Concrètement, comment tu prévois de surpasser tout ça ? Quels sont tes plans pour 2020 ?
Moi, c'est toujours plus, tant que je peux faire plus ! Parce que j'ai des grands rêves, j'ai des grandes ambitions et j'ai commencé à pouvoir cocher les premières cases de tous ces rêves l'année dernière. Le but, ce n'est pas d'arrêter. Je suis avant tout quelqu'un qui travaille vraiment beaucoup, sans relâche. Parce que je suis né pour ça, pour l'entertainment, pour faire de la musique et ça a toujours été le seul truc qui m'habitait.
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Tu t'es souvent confié sur le harcèlement dont tu as été victime, notamment sur les réseaux sociaux. Est-ce que c'est encore un problème pour toi aujourd'hui ? Est-ce que tu as trouvé de nouvelles manières de gérer ça ?
Aujourd'hui, ça va, je le vis vraiment très, très bien parce que j'y suis habitué. Maintenant, j'ai pu rencontrer beaucoup de gens partout en France, grâce à ma tournée. Dans plein de villes, plein de villages. J'ai fait des dédicaces parce que je voulais parler aux personnes, même à ceux et celles qui avaient des opinions sur moi qui étaient assez tranchées et négatives. Et je me suis rendu compte qu'il y avait plein de gens qui ne m'aimaient pas mais qui ne savaient pas expliquer pourquoi. Maintenant, ils ont appris à me connaître et leur avis évolue un peu. C'est sur ça que je m'attarde le plus aujourd'hui, je suis très content de voir qu'il y a plein de retournements de situation positifs.
Beaucoup de choses ont changé en peu de temps pour toi. Y a-t-il des choses qui te manquent, que tu ne peux plus faire aujourd'hui ?
Les choses n'ont pas tellement changées. J'ai la chance de porter des perruques donc quand je ne les porte pas, on me reconnaît moins [rires]. C'est vrai que ça me manque de pouvoir passer des heures et des heures avec mes amis sans vraiment être dans le travail ou sans se faire arrêter. Mais ça vaut vraiment le coup pour moi parce que c'est mon rêve depuis tout petit de faire ce que je fais. Alors évidemment, j'en assume tous les changements qui viennent avec. Je pense que je fais partie des chanceux, je n'ai pas dû faire face aux paparazzis par exemple. Je les ai eus pendant trois semaines et ils se sont rendus compte que j'étais assez ennuyeux dans la vie de tous les jours [rires]. Ils ont dû en avoir marre de me voir rien faire à part montrer des vidéos de Mariah Carey à mes potes.
Niveau love, acquérir cette notoriété soudaine, tu dirais que ça t'a plutôt aidé ou plutôt desservi ?
En réalité, je pourrais pas trop me situer là-dessus parce que j'ai été en couple avant que tout ça me tombe dessus. J'ai rompu depuis, donc je peux dire "affaire à suivre", je suppose [rires]. C'est vrai qu'évidemment, c'est plus compliqué de faire confiance dans cette situation-là parce que tu peux te dire que la personne est peut-être intéressée. Mais je n'ai pas très peur de ça.
T'es jeune, tu as 20 ans mais ton décollage rapide dans l'industrie musicale semble t'avoir apporté une certaine maturité.
Carrément !
Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour toi dans cette carrière éclair ?
L'opinion des autres me faisait très, très peur avant. Parce qu'évidemment, j'étais un ado, et quand on est ado, on n'aime pas être confronté à des gens qui ne pensent pas comme nous, qui ont des avis négatifs sur nous. C'était un peu compliqué de me placer face à ces opinions mais finalement, j'ai grandi grâce à ça. Et maintenant, j'arrive plus à être à l'écoute des autres. Au tout début, j'étais vraiment une sorte de people pleaser, j'avais vraiment besoin que tout le monde m'apprécie et j'ai appris que c'était pas ça la vie. Ça m'a fait beaucoup grandir.
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Pour le moment, tu es confiné comme tous les Français. Comment tu vis cette période ? Tu t'occupes comment ?
Déjà, évidemment, je ne sors pas. Je ne sors pas du tout, j'ai dû sortir une fois depuis le début du confinement pour faire les premières courses. J'ai invité des potes à venir vivre dans mon appart parce que j'avais très peur d'être seul. Et on s'amuse vraiment beaucoup, c'est plutôt cool. Surtout, j'ai de la chance d'avoir des amis qui ont beaucoup de talent. J'ai avec moi une pote qui s'appelle Guila et qui assiste ma mère en management. J'ai deux autres potes, Sulivan et Johan, des youtubeurs aussi, qui travaillent dans l'influence et qui s'y connaissent bien. Ils ont beaucoup bossé avec moi sur la sortie de "Fais le vide". Je suis grave reconnaissant de les avoir autour de moi pendant cette période.
T'as écouté quoi comme musique ces derniers temps ?
J'écoute plein de choses, beaucoup de K-pop en ce moment. J'aime beaucoup découvrir des nouvelles chansons et moins réécouter ce que je connais déjà. Après, on s'est mis d'accord avec mes potes et on s'est donné un petit défi depuis le début du confinement. On essaie de s'écouter un album entier par jour et de faire un peu les Pitchfork et donner notre avis sur les chansons.
C'est quoi le dernier album que vous avez noté du coup ?
On a fait Melodrama de Lorde, Confessions on a Dancefloor de Madonna, Control de SZA...
Ton prochain album, on pourra l'écouter d'ici fin 2020 ?
Alors la date n'est pas fixée, mais c'est pour la période de fin d'année, dans le dernier quart de l'année 2020 pour sûr. On est bientôt sur la fin. J'annoncerai la date très vite, j'ai envie de l'annoncer bien en avance pour préparer tout le monde. De toute façon, il va se passer énormément de choses pendant cette année donc il y a toujours de quoi s'éclater dans le "Bilal Hassani World".
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