En cette période de pandémie de coronavirus, les patients atteints de maladies chroniques, dont le VIH, peuvent se sentir abandonnés. "La Ligne C" est là pour les écouter.
D'après un récent sondage Ipsos, près d'un tiers des Français atteints d'une maladie chronique considèrent que la crise sanitaire actuelle a des répercussions sur leur suivi médical. "La Ligne C" est la première ligne téléphonique d'information destinée aux personnes vivant avec une maladie chronique (diabète, cancer, insuffisance rénale, VIH, pathologies cardiovasculaires etc.) S'adressant aux personnes vivant avec une maladie chronique et ayant besoin de renseignements sur le Covid-19, elle est organisée par des bénévoles, patients-experts et soignants. Son cofondateur Philippe Delpierre, patient-expert et directeur des Entreprises contre le cancer Île-de-France, a répondu aux questions de TÊTU.
Vous pouvez joindre les écoutants de "La Ligne C" au 01 41 83 43 06, 7 jours sur 7 entre 9 heures et 17 heures.
TÊTU : À quel besoin répond "La Ligne C" ?
Philippe Delpierre : Cela répond à un besoin d'information pour les personnes atteintes de malades chroniques sur le Covid-19 : les interactions que l'on peut avoir, la manière d'adapter son quotidien, les façons de se préserver du Covid-19, de continuer de fonctionner avec le système de santé... Nous avons des soignants mais la majorité de nos écoutant sont des patients, formés soit à l'écoute soit à l'éducation thérapeutique du patient (ETP). Les patients-experts sont formés à l'Université des patients, notamment au "counseling". Les écoutants répondent de chez eux, on fait tout en visioconférence. La ligne a été créée par des patients-experts, dont je fais partie. Même dans l'équipe d'organisation, la plupart ne se connaissaient pas avant, on s'est mutualisés et mis en réseau pour fonctionner.
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Vos écoutants ont-ils des compétences spécifiques sur le VIH ?
Dans l'organisation, la personne qui s'occupe des formations a formé les écoutants de Sida Info Service, qui nous soutient en nous prêtant ses lignes téléphoniques. Elle a été très mobilisée aux premières heures du VIH, notamment dans le milieu associatif. Les premiers patients-experts viennent du VIH, on a cet ADN chez nous.
Recevez-vous beaucoup d'appels de patients porteurs du VIH ? Quelles questions vous posent-ils ?
Le VIH-sida concerne à peu près 3 % de nos appels. La question du risque d'infection au Covid-19 revient énormément, ainsi que la manière de pouvoir s'en protéger. Beaucoup sont restés confinés et posent des questions sur les interactions avec leur conjoint qui va faire les courses, sur la sexualité, des choses pratico-pratiques. On sensibilise beaucoup sur le fait de continuer son traitement, il ne faut pas qu'il y ait de rupture thérapeutique. Au début du confinement, il y avait souvent l'idée que le temps thérapeutique n'était plus le même, ainsi qu'une inquiétude sur le fait que l'hôpital ne soit plus un lieu de soin mais de danger. Aujourd'hui, les questions portent davantage sur l'après.
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Quelles sont les problématiques spécifiques que vous avez identifiées ?
Beaucoup des patients avaient l'impression qu'ils allaient embêter les personnels de santé avec leur maladie, se demandaient s'ils n'allaient pas poser des questions idiotes. Le spécialiste reste le référent, nous ne sommes pas une consultation médicale. Je pense que la population des patients atteints du VIH est une population très informée, qui est vraiment capable d'aller chercher l'information et de la faire passer.
Mais, globalement, le message n'est pas forcément passé. Il y a un sentiment d'abandon par rapport aux malades chroniques. Dans les premières communications, il y avait peu ou pas d'annonces les concernant. Il y avait parfois un aspect péjoratif. On faisait passer le message selon lequel le Covid-19 ne touchait que les personnes âgées et fragilisées. Les personnes atteintes de maladies chroniques pouvaient se dire : "Je suis sacrifiable."
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