musiqueAvec "Chromatica", Lady Gaga vient probablement de signer l'album le plus gay de sa discographie

Par Florian Ques le 29/05/2020
Lady Gaga

"Chromatica", le sixième album de Lady Gaga, est définitivement calibré pour les soirées queers. Un album sans surprises, mais réjouissant.

Ça y est. Il est là. Après avoir été repoussé de presque deux mois, Chromatica a déboulé, ce vendredi 29 mai, sur les plateformes de streaming légal et dans les "bacs"– non sans échapper à quelques leaks les jours précédant sa sortie, bien entendu. Avec lui, Lady Gaga rajoute un sixième album à sa discographie florissante. Ou presque, puisque ce dernier opus signe le retour de Lady Gaga sur les dancefloors, après le plus sage et country "Joanne", qui livrait surtout des ballades intemporelles où la chanteuse pouvait donner de la voix.

Ici, il n'est plus questions de guitares. La Mother Monster revient à des arrangements électroniques taillés pour le club. Elle ouvre le bal avec un prélude grandiloquent, qu'on jurerait tout droit tiré d'un blockbuster hollywoodien et qui laisse présager un album grandiose. L'un des rares titres à être à la hauteur de ce sentiment suscité par la mélodie d'ouverture est "Sine from Above", sa collaboration tant attendue avec Elton John. Un titre résolument pop, où les voix des deux monuments de la culture queer - parfois un peu trop trafiquées - viennent servir un des titres les plus aboutis du disque. Et heureusement, car en regardant les crédits, une petite dizaine de personnes ont travaillé sur ce titre, preuve de l'application portée à façonner ce petit bijou de techno-pop théâtrale.

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House Pop

Dans l'ensemble, Lady Gaga s'offre avec Chromatica un retour en terres conquises. C'est un album assurément pop, criblé de clins d’œil aux décennies phares du siècle dernier. "Replay" évoque vaguement les heures de gloire d'une certaine Madonna, alors que "Alice", avec ses sonorités house très années 90, aura probablement toute sa place dans les clubs gays. La plupart des titres de la chanteuse fonctionnent, c'est indéniable. "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour faire danser et sourire le monde", avançait la principale intéressée dans les lignes de Paper. En ça, le pari est remporté.

Néanmoins, après le virage déboussolant qu'était Joanne en termes de créativité et de prise de risques, ce sixième opus paraît tout de suite plus simpliste. Musicalement parlant, en tout cas. Dans les faits, les titres de Chromatica font écho aux débuts très pop de l'artiste, tout en faisant état de références rétro assumées. "Rain on Me", son featuring avec Ariana Grande dévoilé la semaine précédente, est à l'image de ce constat-là.

La chanson en question s'impose comme un titre pop rythmé qu'on imaginait déjà saturer les baffles des chars de nombreuses Marches des fiertés. Mais, aussi entêtant que soit ce tube en puissance (l'un des meilleurs démarrages de Lady Gaga depuis longtemps), force est de constater que la proposition n'est pas des plus novatrices.

Une occasion manquée vite rattrapée

Au niveau du propos, en revanche, Chromatica génère davantage d'intérêt. Les fans de l'artiste le savent, celle-ci n'a jamais tu ses problèmes personnels, notamment liés à sa santé mentale. Dans ce nouvel album, Lady Gaga se livre de manière assez frontale à ce sujet-là, que ce soit avec "Fun Tonight", où elle épingle ses proches qui profitaient de sa notoriété tout en faisant fi de son bien-être psychologique, ou encore avec "911", son titre le plus électronique où elle clame la phrase suivante : "My biggest enemy is me ever since day one" ("ma pire ennemie, c'est moi, depuis le tout début" si l'on devait traduire maladroitement en français).

C'est indubitable : sous ses tempos enjoués et son vernis hypercoloré, Chromatica est un album doux-amer. Il traite de thématiques délicates et intimistes pour la chanteuse, tout en essayant de partager les leçons que celle-ci a pu tirer avec le temps. Ainsi, c'est un objet musical à la fois introspectif mais aussi rétrospectif, dans le sens où Lady Gaga s'est armée d'un recul certain avant de réaliser cet album. Son message global est ostensiblement teinté d'optimisme et de détermination, dans la droite lignée de "Stupid Love", le premier single de l'ère Chromatica.

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Coup de boost

Bien que cet album ne soit pas une évidence, en choisissant des titres très produits, à des kilomètres de la pop intimiste de Billie Eilish et de la mode, il débarque à une période particulière. Une période d'incertitude et d'anxiété alors qu'une pandémie sévit à l'échelle internationale. De fait, Chromatica a une saveur tout autre, s'imposant comme une échappatoire nécessaire au vu de ce timing malencontreux. Il donne envie de se secouer, de danser, de transpirer sur le dancefloor. Et parfois, à l'écoute, c'est même presque frustrant.

Chromatica est aussi, au bout du compte, un disque presque façonné pour les soirées queers. En attestent les featurings avec Elton John, Ariana Grande et le girls band sud-coréen Blackpink ainsi que son titre de clôture "Babylon" qui, avec sa cadence tronquée et son savant mélange de sonorités jazzy et house, aurait sa place dans un épisode de Pose ou toute compétition de voguing. Au final, un peu comme Future Nostalgia de sa cadette Dua Lipa, Mother Monster gâte le monde – et les gays – avec un sixième album entraînant, bourré d'influences 80's et 90's, qui est surtout là pour fédérer et donner à ses auditeurs un coup de boost bienvenu. Parfois, c'est suffisant.

Crédit photo : Universal Music