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policeJohan Cavirot de Flag ! : "La police n'est pas plus raciste, sexiste ou homophobe que le reste de la population"

Par Timothée de Rauglaudre le 29/05/2020
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Après les propos polémiques de Camélia Jordana sur la police, des témoignages de LGBTphobies policières ont ressurgi sur les réseaux sociaux. TÊTU a interrogé Johan Cavirot, président de l'association LGBT+ de la police et de la gendarmerie Flag !

TÊTU : Samedi 23 mai, la chanteuse Camélia Jordana a déclaré sur le plateau de l’émission On n’est pas couché : “Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie.” Qu’avez-vous pensé de ces propos ?

Johan Cavirot : C’est peut-être un ressenti réel, je ne suis pas dans la tête des gens. Par contre, là où je suis moins d’accord avec elle c’est que je ne pense pas que tous les policiers soient des pourris. Il y a des violences policières illégitimes, il y a des policiers qui ne font pas leur boulot de policiers républicains. Ceux-là n’ont pas de raison d’être dans le rang, policiers ou gendarmes. Cependant, sur les 250.000 policiers et militaires de la gendarmerie, je ne peux pas concevoir qu’il y ait 250.000 pourris. La grande majorité font correctement leur travail.

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Après les propos de Camélia Jordana, le hashtag #MoiAussiJaiPeurDevantLaPolice est apparu sur les réseaux sociaux. Parmi les témoignages, on compte un certain nombre de personnes LGBT+. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Je l’entends. C’est la raison d’être de Flag ! Pendant très longtemps, la police et la gendarmerie n’ont pas été à la hauteur de la prise en charge du public LGBT+, en particulier le public transgenre. Maintenant, on a des directives qui sont précises : un policier doit respecter le genre déclaré par les personnes et non le genre écrit sur les papiers d’état civil. C’est le principe qu’on essaie d’appliquer. Cependant, diffuser l’information à 100 % des collègues reste une difficulté.

Pensez-vous que les LGBTphobies soient plus ancrées dans la police et la gendarmerie que dans le reste de la société ?

La police et la gendarmerie sont à l’image de la société. Elles ne sont pas plus racistes, pas plus sexistes, pas plus homophobes que le reste de la population. En revanche, leurs idées personnelles ne doivent pas rejaillir sur leur métier. La généralisation sur les violences policières, le fait de dire que tous les policiers sont racistes, homophobes, c’est aussi dangereux que de dire que tous les musulmans sont des terroristes, que tous les Arabes sont des voleurs, que tous les gays ont le sida. Cette stigmatisation générale incite à la défiance. Je pense que les préjugés sont aussi dans l’autre sens. Par exemple à Nîmes, quand j’ai appelé ma collègue sur place, elle ne savait pas ce que voulait dire le terme LGBT+. Pour moi, ce n’est pas de l’homophobie. C’est juste une méconnaissance du sujet.

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Fin janvier, une vidéo a montré un policier frappant avec son poing un manifestant, déjà en sang et maintenu au sol. Un syndicaliste policier a justifié ce coup en affirmant que le manifestant lui avait dit : “J’ai le sida, tu vas crever.” Une version niée par le manifestant. Cette affaire montre-t-elle la persistance d’une forme de sérophobie dans la police ?

Aides en parle très bien : la méconnaissance du sida, c’est pratiquement toute la population française qui est concernée. Aujourd’hui, on n’a plus de grandes campagne sur le sida et la police n’est pas exempte de ce manque de communication. C’est d’ailleurs pour ça que Flag ! mène des actions chaque année autour du 1er décembre où on explique ce que sont le TPE, la PrEP, les nouveaux moyens de prévention... On apporte ces connaissances à nos collègues qui aujourd’hui ne l’ont pas.

Vous avez lancé une application mobile pour mieux recenser les actes LGBTphobes. Est-ce que la lutte contre les LGBTphobies passe forcément par la technologie et la collecte de données ?

Je ne sais pas si ça passe forcément par la technologie, en tout cas ça passe par une meilleure identification de ce que sont les LGBTphobies. J’ai fait récemement une réunion à la mairie de Paris sur les violences LGBTphobes. À plusieurs reprises, j’entendais que Paris était devenu dangereux pour les LGBT+. Quand j’ai demandé où, quand et comment, quel type de violence, on n’a pas pu me répondre. Il y avait plutôt une appréhension générale.

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Il est compliqué aujourd’hui d’appliquer les mêmes mesures contre les LGBTphobies sur l’ensemble du territoire national. Les violences ne sont pas complètement les mêmes en fonction des endroits. Par exemple, à la Goutte-d’Or ou à Barbès, la vie de quartier se fait essentiellement dans la rue, dans les magasins, contrairement au XVIe arrondissement où c’est plus feutré, ça se passe dans les appartements. Donc les méthodes à employer et les politiques de prévention ne sont pas forcément les mêmes. Le but de l’application est de dresser une cartographie plus précise de ce qui se passe. 

 

 

 

 

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