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Marche des fiertésThéo Challande Névoret : “Je veux faire de Marseille une ville de respect”

Par Elodie Hervé le 04/08/2020
Marseille

Ce jeune adjoint, ouvertement gay, chargé de la lutte contre les discriminations, veut faire de Marseille une ville plus bienveillante envers les personnes LGBT+. Aura-t-il les moyens de ses ambitions ?

Bracelet couleurs arc-en-ciel au poignet, sourire jusqu’aux oreilles, à 28 ans, Théo Challande Névoret est le plus jeune élu de la nouvelle mairie de Marseille. Ouvertement gay, il est l’adjoint de Michèle Rubirola en charge de la lutte contre les discriminations. Celui qui a grandi à Marseille aime à rappeler que la nouvelle maire était sa pédiatre.

Militant écologiste, engagé pour la visibilité des personnes LGBT+, pour l'accueil des migrants, le jeune élu a un temps animé à Berlin un réseau professionnel favorisant "l'émergence de futurs leaders LGBT+".  Un leader, Théo Challande Névoret aspire a en devenir un. En tout cas, il en a déjà le verbe. Et l'attitude volontaire.

Rentré d'Allemagne pour mener la campagne des municipales, le jeune homme apprécie ce retour aux sources, lui qui a fait une partie de ses études entre Marseille et Aix, notamment en Sciences Politiques.

En reprenant la ville à la droite, après un quart de siècle de gaudinisme, la nouvelle majorité a réussi le casse du siècle. Mais parviendra-t-elle a faire transformer la ville en profondeur ? TÊTU a rencontré le jeune adjoint pour faire le point sur ses ambitions et les moyens qui seront les siens pour faire de la deuxième ville de France, une ville plus LGBTfriendly. Et à Marseille, il y a du boulot.

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Votre liste, le Printemps marseillais, a fait de la lutte contre les LGBTphobies un axe fort de sa campagne. Quelles seront les premières mesures que vous souhaitez mettre en place ?

Théo Challande Névoret : L’axe majeur du programme du Printemps marseillais est la lutte contre les urgences sociales et les urgences écologiques. Les deux sont très liées. Et dans les urgences sociales, il y a la lutte contre les discriminations. Dès qu’une personne est en difficulté, le travail de la mairie est de l’aider et de la protéger. Concernant, la lutte contre les LGBTphobies, l’urgence sociale est immense. Marseille n’est pas la ville la plus LGBT friendly de France. Mon objectif est de faire de cette ville une ville LGBTfriendly, une ville fière, une ville de respect. Ce sont trois mots que je veux accoler à la définition de notre ville. Quand on pourra dire que l'on est fier de la diversité qui compose Marseille, on aura fait un grand pas.

"A terme, j'aimerais que les personnes LGBT+ soient plus sereinement présentes dans l'espace public."


Et, concrètement comment on transforme Marseille en "ville fière" ?

La communauté LGBT de Marseille souffre très clairement d'invisibilité. L'atmosphère de la ville doit changer. Nous allons augmenter les subventions aux associations, et ouvrir une maison LGBT à Marseille, le plus rapidement possible. Avant la fin de l'année ça serait top ! Ce projet va être co-construit avec toutes les personnes de la communauté qui le souhaitent. Il sera mis entre les mains de la communauté, ça ne se fera pas d'en haut. Le département a fait une proposition de lieu. Désormais, nous attendons l'avis de l'association Pride-Marseille.

Nous voulons aussi agir pour la visibilité dans l’espace public. Je veux aussi mettre en place des campagnes de communications. Nous négocions actuellement un partenariat avec JCDecaux. On réfléchit aussi à éclairer les lieux emblématiques de la ville aux couleurs du rainbow flag. A terme, j'aimerais que les personnes LGBT+ soient plus sereinement présentes dans l'espace public. Qu'elles ne subissent plus de discriminations.

A Marseille, les lieux LGBT ne sont pas nombreux. Et avec la crise économique post-confinement, beaucoup se sont retrouvés dans une situation compliquée. Comment la mairie va-t-elle répondre à cette urgence ?

En septembre, je vais réunir l'ensemble des associations et des patrons des lieux de fête LGBT+ pour parler des difficultés liées au covid-19. On doit écouter les revendications qu'ils peuvent avoir. A Marseille, il existe un écosystème associatif très développé. Mais les lieux de vies LGBT+ eux, ne sont pas nombreux, c'est vrai. Et aujourd’hui, s’ils recommencent à avoir des difficultés, on ne va pas s'en sortir. Il faut préserver ceux qui existent déjà et permettre le développement de nouveaux lieux et de nouvelles actions notamment dans les quartiers populaires.

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Et comment allez-vous faire pour inclure les quartiers populaires dans votre politique ?

À Marseille, la pauvreté s'étend dans toute la ville. Bien sûr, il existe des quartiers plus compliqués. Nous ne pouvons pas continuer à faire des politiques uniquement pour le centre-ville. Nous souhaitons aller sur l'ensemble des territoires pour conduire des politiques publiques de santé, de prévention et de respect auprès des populations qui en ont le plus besoin. Nous voulons permettre à toutes les Marseillaises et à tous les Marseillais de s'assumer, d'être fiers et d'être respectés. Si on réussit cela, alors on pourra dire que Marseille est une ville LGBTQI+, une ville queer. Une ville fière !

"Nous allons ouvrir de nouveaux lieux d’accueils pour les mineurs ou les jeunes majeurs LGBT+ qui sont virés de chez eux."


Pendant le confinement, beaucoup de jeunes LGBT+ en proie à l'homophobie au sein même de leur foyer ont dû quitter le domicile familial. Comment allez-vous les aider à Marseille?

C’est une urgence sociale évidente. Nous allons ouvrir de nouveaux lieux d’accueils pour les mineurs ou les jeunes majeurs LGBT+ qui sont virés de chez eux. Ces lieux se feront en partenariat avec les associations qui travaillent sur ces questions. Je m'engage à créer de nouveaux lieux d'accueil pour ces jeunes.

La ville va-t-elle améliorer l'accueil et le soutien envers les travailleurs et travailleuses du sexe (TDS) ?

Oui. Tous les travailleurs et travailleuses de Marseille ont le droit d'être protégées. Y compris les travailleurs du sexe. Nous devons protéger tout le monde. Les associations de travailleurs et travailleuses du sexe trouveront à la mairie du soutien pour les accompagner. Nous allons augmenter les subventions aux associations LGBT+, aux associations de prévention et de santé. On va les accompagner dans leur développement, et dans leurs actions. Actuellement, nous travaillons à la rédaction d'une feuille de route globale.

Au-delà des subventions, comment allez-vous faire en sorte que les couples de même sexe puissent rentrer chez eux, main dans la main ?

Il faut créer une nouvelle atmosphère. Il faut transformer Marseille, apaiser les peurs et faire en sorte que les personnes LGBT+ deviennent banales mais visibles dans l'espace public. Pour favoriser la tranquillité des personnes LGBT+, nous allons doubler le nombre de policiers municipaux sur Marseille. En parallèle, nous allons aussi former le personnel municipal à la lutte contre les discriminations et le respect des personnes accueillies.

Nous allons mettre en place une aide au dépôt de plaintes, créer un endroit concret où les personnes pourront venir et être prise en charge avec respect. L'idée de ce lieu est d'accueillir tout le monde. Les personnes victimes de LGBTphobies, les TDS, les personnes migrantes, les personnes sans-abris mais aussi les personnes victimes de violences conjugales. Ce lieu sera inclusif. Est-ce que ça sera dans la maison des LGBT ? Est-ce que cela se fera à la police directement ? Est-ce que cela sera au sein d'une nouvelle maison de justice ? C'est en discussion. Et là encore, nous voulons mettre ça en place le plus rapidement possible.

Crédit image : Elodie Hervé