mairie de ParisLe parquet de Paris a ouvert une enquête pour "viol" contre Christophe Girard

Par Nicolas Scheffer le 18/08/2020
Christophe Girard

Poussé à la démission pour sa proximité avec Gabriel Matzneff, Christophe Girard est accusé d'abus sexuels sur un mineur. L'ancien adjoint à la Culture d'Anne Hidalgo nie.

Article mis à jour mardi 18 août à 13H50

Depuis la réélection d'Anne Hidalgo à la mairie de Paris et la confirmation de Christophe Girard comme adjoint à la Culture, l'hôtel de ville est sous pression. Christophe Girard est en effet pointé du doigt pour sa proximité avec Gabriel Matzneff, accusé de viols sur mineure après la publication du "Consentement" de Vanessa Springora. Mais ce dimanche, dans le New York Times, Christophe Girard fait face à des accusations autrement plus graves. Aniss Hmaïd, un homme d'origine tunisienne de 46 ans affirme avoir été victime d'abus sexuels de la part de l'ancien adjoint d'Anne Hidalgo. Il explique que lorsqu'il était âgé de 15 ans, Christophe Girard aurait entretenu avec lui une relation abusive pendant près de dix ans.

Ce mardi 18 août, le parquet de Paris a annoncé ouvrir une enquête pour "viol". "Les investigations (...) s'attacheront à déterminer avec exactitude si les faits dénoncés sont susceptibles de caractériser une infraction pénale et si, au vu de leur ancienneté, la prescription de l'action publique est acquise", a précisé le procureur Rémy Heitz dans un communiqué.

Selon les propos rapportés par le quotidien américain, l'ancien adjoint de la mairie de Paris l'aurait abusé sexuellement une première fois à l'âge de 16 ans, puis l'aurait contraint à des rapports sexuels une vingtaine de fois jusqu'à ses 24 ans. Parallèlement, Aniss Hmaïd aurait été employé dans la résidence d'été de Christophe Girard. Il aurait aussi travaillé de façon temporaire au sein de la maison Saint-Laurent grâce au soutien de l'ancien trésorier de l'entreprise. "Ça a détruit ma vie, en fait. Aujourd'hui, je me considère en terre brûlée. Il a profité de ma jeunesse, de mon jeune âge et tout ça pour ses plaisirs sexuels", juge-t-il dans le journal américain.

Il rencontre Christophe Girard à 15 ans

Âgé de 15 ans, Aniss Hmaïd aurait rencontré Christophe Girard lors de l'été 1989 à Hammamet, une station balnéaire tunisienne prisée par les Français. Sa mère est femme de ménage et son père réceptionniste à Paris. L'adolescent vit avec son cousin, cuisinier dans une villa où aurait séjourné Christophe Girard et où le jeune homme finit par travailler. Aniss Hmaïd raconte que le proche de Pierre Bergé, alors âgé de 33 ans, se serait montré tout de suite amical et lui aurait demandé de l'accompagner dans un hammam, ce que Christophe Girard nie.

À la fin de l'été, Aniss Hmaïd rejoint ses parents à Paris. Sa mère l'aurait alors encouragé à appeler cet homme haut placé, qui peut l'aider à trouver un emploi. "Tu pourras bosser pour lui comme tu as bossé dans la villa" rapporte le quotidien. Christophe Girard aurait alors proposé au jeune garçon de s'occuper de ses deux jeunes fils lors d'un séjour d'un mois aux États-Unis. Arrivé à l'hôtel, l'adulte aurait demandé à l'adolescent de partager le même lit afin de faire des économies. Une nuit, Aniss Hmaïd aurait été réveillé par Christophe Girard en train de se masturber, raconte-t-il.

"Des blessures psychologiques durables"

Christophe Girard nie et affirme que son accusateur invente des histoires pour le traîner dans la boue et profiter d'un contrat d'édition. Quatre personnes ont confirmé au quotidien qu'Aniss Hmaïd leur a parlé de ces abus il y a vingt ans. "On peut mentir à quatre personnes" répond l'élu.

Entre 16 et 24 ans, le jeune homme aurait été contraint à une vingtaine de rapports sexuels. "Je peux dire que j'étais consentant, déclare-t-il dans le New York Times. Mais globalement, j'étais pris dans un engrenage un peu bizarre. Mes parents qui m'encourageaient à le voir. Moi qui espérais quelque chose, du boulot, quelque chose comme ça derrière". Il explique que cette relation lui a laissé "des blessures psychologiques durables". Aniss Hmaïd raconte avoir été impressionné par les conversations sémillantes de l'homme de culture. Leur relation aurait pris fin quand il aurait commencé à demander des comptes à Christophe Girard, à l'âge de 25 ans.

Christophe Girard nie et dénonce une "présomption de culpabilité"

Christophe Girard a démissionné de son poste d'adjoint à la Culture à la mairie de Paris le jeudi 23 juillet. Il était sous pression de ses alliés écologistes, qui ont manifesté devant l'hôtel de ville, et dénoncé sa proximité avec Gabriel Matzneff. Anne Hidalgo avait alors soutenu son adjoint. Elle s'était dite "écœurée" de la démission de Christophe Girard : un "ami" "victime d’un déversement de haine et de violence inacceptable et qui, je le rappelle, n’est ni de près ni de loin visé par la moindre plainte". Depuis, Mediapart a révélé que l'élu a déjeuné plusieurs fois avec Gabriel Matzneff entre 2016 et 2019 alors qu'il a toujours nié toute proximité avec l'écrivain. Fin juillet sur France Inter, Christophe Girard a regretté être le "premier fusible" d'un "montage politique pour affaiblir la maire de Paris".

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Christophe Girard n'a toutefois pas démissionné du Conseil de Paris dont il reste élu du XVIIIè arrondissement. Cela fait 13 ans qu'il est adjoint à la mairie de Paris. Avant d'être installé au Conseil, il a longtemps dirigé les affaires culturelles du géant du luxe LVMH. Il gérait alors un budget de 400 millions d'euros. En 1995, il a aussi participé à la fondation de TÊTU avec Pierre Bergé.

L'intéressé juge les accusations d'Aniss Hmaïd "graves" et "sans fondements". Son avocate, Delphine Meillet annonce qu'elle engagera des poursuites pour "dénonciation calomnieuse". Les faits sont prescrits, ce qui ne permet pas à la justice de faire son travail, regrette l'avocate. "Une présomption de culpabilité en matière d'infractions sexuelles a pris le pas sur la présomption d'innocence", pense-t-elle.

 

Mise à jour le 18 août : annonce d'une enquête par le  parquet de Paris

 

Crédit photo : Yann Caradec / Wikimedia Commons