bisexualité"Cinq pour Cent", le podcast qui met en lumière la bisexualité et la pansexualité

Par Florian Ques le 23/09/2020
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Encore aujourd'hui, les personnes bies et pans demeurent stigmatisées et souffrent d'idées reçues tristement corrosives. Anaïs de Muret espère changer ça avec Cinq pour Cent.

Dans les médias comme dans la société, les individus bi·e·s et pans sont bien trop fréquemment invisibilisé·e·s. Et quand iels ne le sont pas, ce sont des préjugés qui leur sont accolés. C'est pour mettre un terme à ce fléau qu'Anaïs de Muret a pensé Cinq pour Cent. Inauguré en 2019, son podcast entreprend de valoriser le vécu des personnes bisexuelles et pansexuelles. Dans chaque épisode, cette communicante néo-parisienne échange avec un·e invité·e et questionne son rapport à l'espace public via le prisme de sa sexualité. Pédagogique, mais surtout inspirant.

Âgée de 26 ans, la créatrice de Cinq pour Cent se montre particulièrement sensible aux questions féministes – elle a repris un master en études de genre l'an passé – et celle-ci vont souvent de pair avec les thématiques relatives à la sexualité. C'est à travers une optique de libération de la parole qu'elle a travaillé sur son podcast, qui est d'ailleurs autoproduit. À l'occasion de la Journée de la bisexualité, TÊTU a échangé avec Anaïs de Muret pour qu'elle nous parle de son projet.

Comment est né le projet Cinq pour Cent ?

Anaïs de Muret : J'ai commencé à y penser courant 2019. J'écoutais beaucoup de podcasts, principalement féministes, sur les sexualités, sur les identités de genre… Et en fait, à aucun moment je n'entendais parler de bisexualité ou de pansexualité. Tout ça est arrivé à une période où j'étais moi-même en couple avec mon mec depuis trois ans. Et quand t'es une meuf en couple avec un mec, tu es forcément perçue socialement comme hétéro et j'en avais marre. J'ai quand même pris du temps à me définir bie et j'avais besoin de me réapproprier cette identité et de faire quelque chose avec ça. Je me suis dit que le podcast était format idéal puisque je n'étais pas à l'aise avec l'image. J'avais la chance que mon mec de l'époque était technicien du son, donc il avait déjà le matos d'enregistrement. Il m'a beaucoup aidé sur le début et je le remercie.

 

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5%, c'est environ le pourcentage de personnes bisexuelles en France selon une enquête de l'IFOP. Comment part-on à la rencontre de ces personnes-là ?

Au tout début, je suis allée à un événement de Bi'Cause pour chercher des gens et parler du projet. J'ai trouvé une personne grâce à ce biais-là. J'ai ensuite rencontré les meufs du compte Paye Ta Bi sur Instagram. Elles m'ont beaucoup soutenue, ont relayé les appels à témoignages et les deux ont témoigné dans la première saison. Pour la saison 2, j'ai utilisé le réseau qu'on avait développé avec Cinq pour Cent.

Est-ce plus facile de trouver des femmes que des hommes pour témoigner à ton micro ?

C'est clairement plus facile de trouver des femmes que des hommes. J'ai aussi du mal à trouver des personnes racisées et clairement, je sais que c'est un manque. Là, on est sur une double discrimination, donc c'est d'autant plus intéressant. Après, je tiens à rappeler que je fais ça sur mon temps libre. Je ne suis pas journaliste de formation, je n'ai pas de vrai réseau. Ce n'est pas parfait et j'en ai conscience mais ce n'est pas pour autant que ce podcast n'a pas le mérité d'exister.

Comment prépare-t-on un épisode de Cinq pour cent ?

Pour la première saison, j'avais préparé une série de questions que je posais à chaque fois. J'ai décidé de suivre la même trame parce que j'avais peu de temps à l'époque. Ensuite, j'adaptais les questions en fonction du témoignage de la personne en face de moi. Pour la saison 2, j'ai décidé d'aller un peu plus loin. En première saison, j'ai compris que certains étaient assez frustrés par exemple de pas avoir plus entendu Lucile parler de son rapport à la parentalité. Entre chaque épisode de témoignage, il y aura des épisodes plus courts sur une thématique plus précise.

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Ton podcast parle aussi bien de bisexualité que de pansexualité. La différence entre ces deux termes est souvent un débat houleux. Quelle est ta position là-dessus ?

La page Paye Ta Bi avait expliqué la différence avec une série de posts vraiment bien fichue : "la bisexualité, c'est l'attirance envers de multiples genres et la pansexualité, c'est l'attirance envers tous les genres et indépendamment du genre". Pour ma part, j'ai toujours un peu du mal à trouver mes mots sur cette question-là. Ce que je note dans les témoignages que je reçois, c'est que l'utilisation du terme "bi" est une solution de facilité. Il est plus utilisé, plus connu. Utiliser le terme "bi", c'est donc aussi une manière de se protéger en un sens. Donc quand tu parles à ta famille, employer le mot "bi" est déjà une grosse étape. Avec le terme "pan", il y a encore plus de discrimination et de préjugés qui vont avec.

As-tu vu des changements ces dernières années en matière de représentation des personnes bies et pans ?

De légers progrès, oui. Je m'intéresse beaucoup aux séries, j'avais fait mon mémoire de M1 là-dessus. Par exemple, quand Iris Brey a écrit son livre Sex and the Series, elle parle de la bisexualité comme une orientation en voie d'extinction sur le petit écran. Mais à ce moment-là, les séries comme The Bisexual ou la web-série belge La théorie du Y  n'étaient pas encore sorties. Ce sont des séries qui ont beaucoup fait avancer les choses selon moi, même si tout le monde n'est pas d'accord là-dessus. Ce sont au moins des œuvres qui attaquent le sujet frontalement et qui ont été écrites par des concernées.

On a encore des représentations de bisexualité ou de pansexualité par des personnes non concernées qui, par conséquent, ne prennent pas en compte les discriminations et les clichés qu'elles véhiculent. Mais il y a heureusement des assos comme l'AJL ou GLAAD aux États-Unis qui ont développé des outils pour les médias afin qu'ils traitent mieux ces questions-là. On est encore loin d'avoir gagné le combat.

À quoi peut-on s'attendre pour la saison 2 de Cinq pour Cent ?

Pour le premier épisode par exemple, on aura Hermine qui parlera de son rapport à son handicap. C'est une meuf militante et engagée, elle est vraiment vénère sur ces questions-là donc c'est chouette. Il y aura aussi plus de diversité sur le sujet des plans à trois et du polyamour. Il y aura aussi un assez gros sujet sur l'éducation et le rapport à la parentalité, ainsi qu'un autre sur le rapport entre la transidentité et la bisexualité. Là encore, on est dans une double discrimination qui est vraiment spécifique dont on parle assez peu. Bref, un gros programme.

Crédit photo : Ilias Chebbi via Unsplash