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télévisionOn a parlé "Star Ac" et coming out avec Michal Kwiatkowski

Par Florian Ques le 02/12/2020
Michal Kwiatkowski de la Star Academy

Révélé en 2003 grâce à la Star Academy sur TF1, le chanteur franco-polonais Michal Kwiatkowski revient presque 20 ans après sur son parcours dans le programme et après l'émission.

Même s'il n'était pas encore out, Michal Kwiatkowski a permis à des centaines de jeunes gays de se reconnaître à la télévision française. C'était en 2003, lors de la saison 3 de la Star Academy sur TF1. On avait découvert un mec sensible et gentil, qui mettait son coeur sur la table à chaque fois qu'il chantait. Après son passage dans le programme culte de télé-crochet, il s'est forgé une carrière solo et s'est découvert, en parallèle, une âme de militant. Désormais out and proud, le musicien fait de la lutte contre l'homophobie son credo. TÊTU l'a rencontré pour prendre de ses nouvelles. Et plus encore.

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Bien que tu fus encore dans le placard à l'époque de l'émission, dirais-tu que "Star Academy" était un milieu safe et friendly pour un membre de la communauté LGBTQ+ ?

C'était très sain, très bienveillant. Je n'ai pas refait d'émission de télé-réalité en France de nos jours parce que je n'en ressens pas le besoin, mais je ne sais pas s'il y a encore cette bienveillance. Je n'en suis pas sûr. En tout cas, en 2003, en faisant la Star Ac', la production ne m'a jamais mis aucune pression. Ils savaient que j'étais homo parce qu'on en avait discuté dès le début mais ils ont tout à fait respecté mon choix de ne pas vouloir en parler par rapport à ma famille en Pologne.

Était-ce facile pour toi d'en parler à la production ?

Oui, parce que c'était facile pour moi d'en parler tout court depuis toujours dans ma vie. Peut-être pas à ma famille, parce qu'on a toujours peur d'être rejeté. En revanche, les gens du métier, les amis… Je n'ai jamais eu du mal à en parler parce que j'ai toujours plutôt bien vécu mon homosexualité.

Comment as-tu vécu le fait d'être autant médiatisé tout en devant cacher une partie de toi ?

Ce n'était pas difficile car je savais très bien que ce n'était qu'une question de temps et que j'allais vite en parler. Dès ma sortie du Château, j'ai compris que j'avais envie d'être un artiste engagé. Je voulais lutter contre l'homophobie. Et je savais que pour y parvenir et pour que ma démarche soit authentique, je devais parler de mon homosexualité. Je n'en ai pas vraiment souffert. J'ai tout de même compris que les gens qui travaillaient autour de moi chez Universal me suggéraient de garder un certain mystère autour de mon orientation, juste pour pouvoir faire rêver tout le monde. Mais on ne me l'a jamais imposé.

Tu avais interprété "Ainsi soit je…" de Mylène Farmer lors d'un prime à la Star Academy. As-tu conscience d'avoir éveillé certains ados gays avec cette reprise ?

Ça me surprend encore aujourd'hui ! Grâce aux réseaux sociaux, les gens m'écrivent souvent et c'est là que je découvre des messages extrêmement touchants de gays qui ont mon âge et qui me remercient. Mais je ne le réalisais pas à l'époque.

Peut-être parce que tu n'étais pas encore out ?

Je n'étais effectivement pas out. Pas parce que je n'en avais pas envie, mais parce que je n'en avais pas encore parlé à ma famille et je ne voulais surtout pas qu'elle apprenne mon homosexualité dans les médias. Ça aurait été un gros manque de respect pour eux. Quand j'ai compris que ma vie privée allait être partagée, j'ai eu cette discussion avec eux et j'ai fait mon coming out librement.

Pourquoi avoir choisi ce titre de Mylène Farmer ?

Je suis devenu un vrai fan de Mylène en Pologne quand j'avais 10 ans. Mon père a ramené deux albums d'un voyage à Berlin. Je suis vite devenu dingue de ses sonorités, de son côté mystérieux, de sa langue que je ne connaissais pas du tout. Pendant des années entières, j'écoutais Mylène Fermer en boucle sans jamais avoir vu de clip, ni de live. Je n'aurais jamais pensé que c'était une icône gay. Je l'ai réalisé quand je suis arrivé en France. Donc en interprétant "Ainsi soit je…", je pensais plus à mon père qu'à l'influence que ça pourrait avoir sur la communauté gay. Mais évidemment, son impact est une bonne surprise et j'en suis très fier.

Durant ton passage dans l'émission, tu as partagé la scène avec de véritables icônes gays comme Ricky Martin ou Elton John. Ça te fait quoi quand tu y repenses ?

Je suis fier de moi, de ce parcours [rires]. Le duo avec Elton John a changé ma vie. Je suis d'ailleurs très associé à ça en Pologne et on parle souvent de moi comme le seul artiste polonais à avoir fait un duo avec Elton John. Pour Ricky Martin, j'étais tellement amoureux de lui que j'avais du mal à chanter. C'était fou. J'étais tellement intimidé par leur talent. À 19 ans, on a la tête qui tourne.

Près de 20 ans après, as-tu gardé contact avec certains anciens de l'aventure "Star Ac" ?

Pas Ricky Martin, malheureusement [rires]. Bien évidemment Élodie Frégé, qui est ma meilleure amie et qui fait partie de ma famille aujourd'hui. C'est vraiment la découverte de cette expérience. Et ça fait 17 ans que notre amitié dure. Nous avons traversé tellement de choses ensemble, que ce soit sur le plan musical ou personnel. Nos amours, nos déceptions, nos bonheurs. C'est pour ça qu'à chaque fois que je revois des images de la Star Ac', j'ai des larmes aux yeux quand je la vois. Je revois et je collabore aussi avec Patxi Garat qui est un très bon compositeur.

"L'orange du marchand", ça te suit encore aujourd'hui ?

Oui, bien sûr ! Mais je n'ai aucun problème avec ça. Je suis très fier d'avoir marqué les gens car c'est très difficile de nos jours. Il y a tellement d'informations, de chansons, tellement d'artistes. J'étais normalement censé être en tournée cette année avec mon nouveau projet "Mon Academy Etc", un hommage piano-voix à cette expérience à la Star Ac' où je reprends les chansons que j'avais interprétées lors de l'émission. C'était une tournée censée se faire en 2020 mais elle a été reportée à 2021 à cause du Covid-19. En tout cas, elle est prête.

Bien que tu résides à Paris depuis un bon bout de temps, tu es d'origine polonaise. La Pologne est un pays où la situation s'aggrave pour les personnes LGBTQ+ avec une homophobie d'État qui semble se mettre en place.

C'est pour ça que je reste en France [rires]. J'en parle avec le sourire mais la situation est vraiment dramatique dans mon pays. Je suis très inquiet pour mes amis homosexuels mais aussi pour les femmes. Je n'ai jamais connu mon pays dans cet état-là.

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Cette situation te surprend-elle ?

Ce n'est pas une évolution qui m'a surpris car ça fait des années que les choses vont mal. Je suis polonais mais il m'est toujours difficile de m'exprimer par rapport à ce qu'il se passe en Pologne parce que j'ai une position privilégiée. Je n'y vis pas. J'y vais pour voir ma famille ou faire le beau à la télévision. Ensuite, je rentre chez moi. Je suis conscient de la chance que j'ai de vivre en France. Je me sens en sécurité ici même si l'homophobie est bien évidemment toujours présente. C'est la raison pour laquelle on sort "Love You". Il y a encore des problèmes à régler, mais ça n'a rien à voir avec le sentiment d'insécurité que ressentent les homos en Pologne.

Tu conserves une certaine notoriété en Pologne. Ressens-tu le besoin de t'engager dans ton pays d'origine ?

Mais bien sûr ! D'ailleurs, mon précédent mariage a été beaucoup médiatisé en Pologne et c'était volontaire. Mon mari de l'époque et moi étions très présents dans les médias pour parler de notre union, de notre amour. C'était en 2017. Mais les choses n'allaient pas aussi mal qu'aujourd'hui. Je pense tout de même qu'on arrive à un stade où il y a un peu d'espoir. Avec la loi concernant l'avortement, toutes les femmes sont sorties dans la rue et se sont mises en grève. Le pays souffre tellement qu'il s'exprime plus que jamais. Car la Pologne n'est pas comme la France : ici, on a l'habitude de sortir manifester assez rapidement. Mais là, le peuple polonais s'exprime enfin. Et ça commence à fonctionner : la loi contre l'avortement a été suspendue. Le résultat des dernières élections présidentielles étaient très serrés et montrent qu'il manque peu pour que tout bascule.

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