En 2022, la France va accueillir sa version de RuPaul's Drag Race ! Mais nos queens sont-elles prêtes pour une émission décrite comme le "décathlon du drag" ? TÊTU a demandé à 10 reines françaises. Verdict !
Ca y est, Drag Race France est lancé ! Le casting est en cours, et la VF du show de drag devrait débarquer sur France TV Slash en 2022. Mais les queens françaises qu’en pensent-elles ?
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Le projet ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté drag française. C'est ce que l'on comprend très vite lorsqu'on interroge une dizaine d’entre elles.
Si chacune possède son propre style et a ses raisons pour concourir ou non à un Drag Race France, la plupart d’entre elles étaient plutôt unanimes sur l’animation. Les noms de Jean Paul Gaultier, qui a avoué avoir été approché, Laurence Boccolini ou Marianne James sont régulièrement revenus dans nos conversations.
Aaliyah Express : "Un Drag Race France devra prendre en compte les spécificités de l’histoire du drag français"
“Je suis surtout un joli clown militant!”, affirme d’emblée la drag parisienne Aaliyah Express. Pour elle, un Drag Race France “doit prendre en compte les spécificités de l’histoire du drag français qui vient du cabaret. Et comprendre la nouvelle génération de drag qui tire d’un côté des inspirations de l’émission éponyme et de l’autre des combats politiques et militants.”
Elle rêve d'une émission qui inclurait tout type de drag, “car la scène française est très riche et ne se limite pas qu’à des hommes cis qui se métamorphosent en femmes!”
Ses queens préférées sont: Pangina Heals (juge de Drag Race Thailand) Cheddar Georgeous, Victoria Sin, et Jujubee, la première représentation queer et asiatique ayant marqué Aaliyah.
Avec son humour corrosif, Aaliyah Express pense pouvoir se débrouiller lors d'un challenge de type "Roast" “en essayant d’être à la fois intelligente et stupide ! Je voudrais montrer qu'on peut être drôle sans jamais à avoir à “punch down” (se moquer des personnes deja minorisées par la societé, ndr) ou faire du grimage !” En revanche, il ne faut pas compter sur elle pour les challenges de chant “sauf si faire pleuvoir dès qu'on ouvre la bouche est un talent…”
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Veronika von Lear: "Le drag est arrivé plus tardivement en France que dans d’autres pays"
En huit années de drag, Veronika von Lear est devenue l’une des figures les plus célèbres de la scène drag parisienne. On a pu la voir animer les soirées Le boudoir ou L’alcôve. Elle a également été l'héroïne d'un mini-doc d’Arte, Clément, reine de la nuit. Madame von Lear fait également partie de la scène ballroom, au sein de la House of Ladurée.
Contrairement à d’autres queens, elle n’est pas sûre que la France soit prête pour Drag Race. “Parce que le drag est arrivé plus tardivement que dans d’autres pays, comme aux Pays Bas ou en Espagne”. Elle ne sait pas encore si elle a vraiment envie de participer à une telle émission. “Je n’ai jamais été très compétition. Mais je pourrais le faire, ne serait-ce que pour l’expérience”.
Le plus de Veronika sur ses compétitrices ? "Tout ce qui est comédie musicale, ou lorsque tu dois apprendre des chansons”. Le drag avoue néanmoins qu'elle serait moins à l’aise pour les défis couture... puisqu’elle ne sait pas coudre !
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Le Filip : "Tout sauf la danse !"
Méfiez-vous des blondes ! Le Filip était l’une des trois dragstars du documentaire Queendom. On peut l’y voir créer son spectacle, "Femme pathologique", qu’elle espère reprendre lorsque la crise sanitaire le permettra.
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Elle se considère comme humoriste. “J’aime faire rire les gens, que ce soit dans les performances de lipsync ou de stand-up. Est-ce que j’ai l’air visuellement d’un clown? Non. Je me rapproche plutôt d’une féminité basique, stéréotypée. Ce qui m’intéresse c’est de briser ce cliché en balançant des atrocités, avec un humour assez noir, voire clivant.”, explique-t-elle.
Ses inspirations drag sont évidemment Lady Bunny et Divine, la muse du cinéaste John Waters : "Elles étaient là avant et j’ai un grand respect pour les pionnières. Ce sont elles qui m’ont montré qu’il n’y a pas de limite dans ce que je fais. Lady Bunny a un humour très camp et une esthétique très sixties. Divine elle était plus punk. Elle faisait un grand "fuck" à la société."
Dans une édition française du Drag Race, Le Filip se sentirait particulièrement à l'aise dans un "Snatch Game" (l'épreuve où il faut imiter une personnalité de son choix dans un jeu de questions loufoques) ou un "Roast" (une autre épreuve où il faut se payer plus ou moins méchamment, la tête d'une personne présente). Mais la drag sait aussi chanter, écrire ses propres textes. Bref, Le Filip est prête ! “A part pour la danse!”, avoue-t-elle.
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Calypso Overkill : "Dans ma tête, j’ai déjà gagné la compétition et j’ai déjà dépensé l’argent!"
“Dans ma tête, j’ai déjà gagné la compétition et j’ai déjà dépensé l’argent!”. Qu’on se le dise, Calypso Overkill est prête à tuer pour être couronnée première du french Drag Race ! D’ailleurs, pour elle il est plus que temps que la franchise débarque à la télé française. "C’est l’âge d’or du Drag aux Etats-Unis. Certaines queens gagnent vraiment bien leur vie. En France, beaucoup, moi y compris, vivent encore dans la précarité. On ne va pas attendre que les gens soient prêts. Il faut qu'on s’impose !"
Calypso se considère avant tout comme une performeuse. Et celles et ceux qui l’ont vu en live ne démentiront pas. “Je ne me considère pas comme une fashion queen. Mais s’il y a Drag Race France, je suis prête à faire un crédit pour acheter des looks !”, rit-elle.
Les Roasts ou jouer la comédie, rien n'arrêtera Calypso. “On me dit souvent que je suis drôle malgré moi!”, glisse-t-elle. "Et si je fais un lipsync, je sais que je ferai une bonne performance.” Contrairement à beaucoup d’autres reines interrogées, elle ne craint pas l'épreuve du Snatch Game. "Pour le Snatch, j’ai réfléchi à quelques personnages que je pourrais interpréter ! Je pense que je devrai faire des excuses après !" Calypso est d’autant plus prête, qu’avec trois autres drags, elle a créé la House of Fugly pour s’entraîner aux challenges de Drag Race.
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Enza Fragola : "J'ai pas une grande répartie..."
Elle n’est certes pas dans les canons ultra-féminins de Drag Race, mais on aurait du mal à imaginer un Drag Race France sans sa moustache légendaire et ses tenues aussi bricolées que géniales. “Avec le temps, je suis passé de "gender fuck" car j'ai toujours gardé ma moustache à "je suis un meuble"”, explique Enza. “J'insuffle ma féminité dans des objets, des métaphores, afin de transformer cette partie de moi qui m'encombrait en quelque chose de poétique…”
Celle qui a réalisé quelques uns de ses meilleurs looks à partir de poubelles serait dans son élément lors de challenges où les participantes doivent créer des tenues à partir de matériaux non-conventionnels. Mais Miss Fragola craint le Snatch Game: "J'ai pas une grande répartie... Et puis le transformisme ou ressembler à un être humain, ce n'est pas trop mon truc."
Coté Américaines, elle apprécie Bendelacreme, Manila Luzon, Trixie Mattel... Mais elle se sent plus proches des Néerlandaises comme Madame Madness ou Chelsea Boy, qu’elle connaissait personnellement avant leur participer à la saison 1 de Drag Race Holland.
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Kam Hugh : "C’est Drag Race qui m’a fait connaître le drag"
Elle s'est lancée dans le drag il y a 3 ans à peine, mais Kam Hugh est déjà (et de loin) l'une des queens françaises avec le plus de followers sur les réseaux (plus de 68.000 sur instagram), avec l'ex-participante à la saison 12 de Drag Race Nicky Doll (617.000 followers) ou l'ex-candidate de The Voice, Leona Winter (123.000 followers).
Il faut dire que son esthétique ultra-léchée a de quoi séduire.“Mon style de drag c’est très colorful princess ("princesse colorée"). Mon but est de créer des looks, des images, des performances qui soient visuellement plaisants” analyse-t-elle. Parmi ses influences, elle cite pêle-mêle Miz Cracker, Miss Fame, Aquaria, Gothy Kendoll, Blu Hydrangea ou la récente candidate à la saison 2 du Drag Race UK Bimini Bon Boulash.
Kam serait partante pour un Drag Race France, mais peut-être pas pour la première saison.“C’est Drag Race qui m’a fait connaître le drag et qui m’a donné envie de faire ce que je fais aujourd’hui. Ce serait un full circle moment”, explique-t-elle. Elle avoue avoir été sollicitée par plusieurs projets de ce type qui n’ont jusqu'ici jamais abouti. Pour sûr, la jeune drag cartonnerait à “chaque runway” ("les défilés") mais également pour les challenges de chorégraphies ou de lipsync.
Comme d'autres, Kam redoute l'épreuve du Snatch Game: “Mon personnage drag est une extension de moi. Je ne vois pas interpréter quelqu’un d’autre en drag.”
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Sheinara Tanjabi (Shei Tan): "Il ne faudrait pas émuler les codes de la version US"
Sheinara Tanjabi (ou Shei Tan) est la plus réunionnaise des queens parisiennes. Son drag se veut “plutôt éclectique”. Ses inspirations ? Nina Flowers, Sonique Love, Raven, Trinity K Bonnet, Detox, Shea Couleé, Gigi Goode...
Selon les queens françaises sont prêtes pour Drag Race mais doivent y apporter leur propre identité. “Il ne s’agit pas seulement de savoir si les queens sont prêtes à participer à l’émission mais plutôt si elles sont prêtes à refléter ce qu’elles produisent en tant qu’artistes sans vouloir émuler les codes de la version US”, précise-t-elle. Sheinara excellerait au challenge du Ball ou s'il faut créer une tenue de toutes pièces.
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La Maryposa : "La France pourrait apporter une couleur particulière à Drag Race."
Elle est l’une de celles qui font vibrer la scène drag à Bordeaux. Mais La Maryposa s’est faite aussi remarquer à Paris en remportant notamment le dernier concours de drag Dragathon. Son style ? “Chic non-conventionnel” explique-t-elle. Ce qui la différencie un peu de ses consoeurs bordelaises, qui sont, selon elle, un peu plus “punks”. “Je viens de la performance. Mon identité c’est les textes de chansons française: Juliette, Barbara Weldens.”, précise-t-elle.
Elle pourrait participer à un Drag Race France. Mais puisqu'elle est d'origine espagnole, elle se serait bien vu faire Drag Race Espana, elle qui est si à l'aise avec la culture "tele-novela". La Maryposa pense en tout cas que “La France pourrait apporter une couleur particulière à Drag Race. En termes de looks et de performances et de personnalités, il pourrait y avoir un chouette niveau !"
Si elle a un faible pour la comédie, elle flippe un peu elle aussi à la perspective du "Snatch Game". "C’est pas facile de devoir faire rire." Mais La Maryposa a d'autres projets. Drag Race ou pas, elle s’apprête à créer une Maison Queer, une maison de création avec des artistes LGBT+ et elle planche actuellement sur un seule en scène.
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Nomai: “À mon âge, serais-je encore légitime ?"
Nomai est une figure à part de la scène drag française. “Mon style se situe entre le drag et le club kid fashion. Et puis je suis très "Afrique" et couture.” Candidater pour un Drag Race France, pourquoi pas ? Mais Nomai serait plus à l’aise si l’émission est en anglais. “Mais vu mon âge [elle n’a que la trentaine, pourtant, ndr] est-ce que je serais encore légitime ?", s’interroge-t-elle.
"Je fais partie de la première génération de drag, il y en a eu au moins 3 générations depuis ! J’ai des filles, qui auront bientôt des filles !"
Dans les premières saisons de Drag Race elle a beaucoup aimé Nina Flowers et Raja, la gagnante de la saison 3. Sur la question des challenges où elle réussirait ou non, elle préfère botter en touche. “Ça dépend de ce que tu as comme avantage à ce moment pour avancer sur ce challenge. Certaines sont très bonnes et se plantent. Les comedy queens se plantent au Snatch Game, c’est toujours aléatoire.” D'ailleurs, plutôt que de concourir, Nomai se verrait bien animer l’émission. A bon entendeur !
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Holly White : “Le spectacle et le cabaret prennent déjà une grande place dans ma vie"
Drag-queen depuis une dizaine d’années, la niçoise Holly White est l’une des pionnières du renouveau drag en France. Elle fait partie des chanceuses à pouvoir vivre de son art. Pour autant, elle ne sait pas si le grand public est prêt pour Drag Race tricolore.
Copine de Nicky Doll, elle l’a vue représenter la France avec fierté dans la saison 12 de l’émission aux Etats-Unis. Elle aussi a d’ailleurs hésité à partir s’installer outre Atlantique. Si l’émission est adaptée en France, elle n’est pas certaine d’y participer dès la première saison. “Le spectacle et le cabaret prennent déjà une grande place dans ma vie”, explique-t-elle.
Avec son compagnon, également drag, elle prépare l’ouverture d’un cabaret à Cannes. Par le passé, le couple a déjà géré plusieurs établissements à Nice. En cas de participation à Drag Race, Holly White ferait des merveilles lors d'un make-over challenge, les challenges couture. Par contre, le chant, n'est pas sa tasse de thé...
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Crédits images: DR: Xavier Heraud, Ranobrac