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Par têtu· le 05/05/2021
Napoléon

Entretien avec Arthur Chevallier, spécialiste de Napoléon et commissaire d'une exposition qui lui est consacrée, à Paris, à la Grande Halle de La Villette.

Ce 5 mai 2020, la France commémore le bicentenaire de la mort de Napoléon. Un anniversaire qu'Emmanuel Macron a voulu marquer malgré la controverse. Le vainqueur de la bataille d'Austerlitz avait notamment rétabli l'esclavage, aboli sous la première République. Napoléon entérina également l'absence de droits civiques et politiques des femmes.

En revanche, c'est moins su, Napoléon Bonaparte fut un empereur "gay friendly", nous assure Arthur Chevallier, le commissaire d'une exposition qui lui est consacrée à la Villette de Paris. Selon l'écrivain, l'empereur n'a ainsi pas voulu revenir sur la pénalisation de l'homosexualité (qui sera rétablie sous le régime de Vichy, jusqu'en 1982). Une position qui tranche avec l'époque, souligne l'historien. Entretien.

Comment la société française de la fin du XVIIIe et du début XIXe voit-elle l'homosexualité ?

Arthur Chevallier : La société de la fin de 1790 est particulièrement conservatrice. C'est la naissance de l'hypocrisie bourgeoise de l'organisation familiale. Elle l'est par opposition à l'idée qu'elle se faisait de la société aristocratique de la fin de l'Ancien Régime, perçue comme libertine, inconséquente, frivole... L'idée qu'on s'en faisait, c'est la caricature de Marie-Antoinette où tout le monde couche avec tout le monde dans des châteaux.

Selon-vous, Napoléon aurait défendu les droits des homosexuels. En quoi ? 

C'est un empereur gay friendly ! Il ne l'était bien évidemment pas comme l'est aujourd'hui le président d'une association LGBT. Mais il défendait les droits des homos dans la mesure où il se fichait de la sexualité des gens. Dans la grande fournée des mesures très conservatrices et très bourgeoises qui ont présidé à l'organisation de la famille, on aurait pu penser que l'homosexualité passerait pour une déviance aristocratique. Finalement, Napoléon, lorsqu'il codifie une vision conservatrice de la cité, ne revient pas sur la dépénalisation de l'homosexualité acquise en 1791.

Mais est-ce qu'il a activement participé à une acceptation ?

Qu'il ne revienne pas sur la dépénalisation de l'homosexualité est déjà assez remarquable, dans une société conservatrice. Les commissaires et les préfets ne disposaient plus d'articles de loi pour punir l'homosexualité. Il y a des arrestations pour outrage à l'ordre public mais comme ils n'ont pas de loi dans le Code pénal, les commissaires écrivent aux préfets pour leur exprimer cette difficulté. Finalement, Napoléon rédige une note sous la dictée de Cambacérès (archichancelier de l'Empire, ndlr), où il écrit : "Nous ne sommes pas dans un pays où les tribunaux doivent s'occuper de ces délits."

S'il n'y a pas de loi pénalisant l'homosexualité, c'est bien parce qu'il l'a voulu. Car s'il y a bien une chose sur laquelle Napoléon n'a pas bougé, c'est sa vision de l'ordre public. Il a donc volontairement induit une ambiance de tolérance, même s'il y a quelques condamnations.

Quelle relation entretenait Napoléon avec son fidèle Cambacérès, dont on a justement souvent dit qu'il était gay ? 

Cambacérès n'était pas ouvertement gay mais en effet, ce n'était un secret pour personne. Leurs relations étaient à peu près excellentes, c'était l'un de ses collaborateurs les plus proches. Napoléon n'a rien écrit qui pourrait indiquer une désapprobation de Cambacérès, ce n'est pas un sujet.

Napoléon aurait-il pu avoir eu des relations avec lui, ou avec d'autres hommes comme certaines rumeurs le disent aussi ?

Objectivement, je ne le crois pas. Je pense que si Napoléon avait été homo, il ne se serait pas privé. Pas officiellement, bien sûr, mais dans la sphère privée.

Propos recueilli par Nicolas Scheffer.

Crédit photo : Wikimedia commons

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