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sexoSexe anal et prévention des IST : pensez aussi à faire inspecter vos fesses !

Par Elodie Hervé le 14/06/2021
La prévention des IST passe aussi par l'anus

Prendre soin de soi et de sa santé sexuelle, c’est aussi s’occuper de ses fesses ! Peu mise en avant dans les campagnes de prévention, la consultation chez le proctologue n’est pourtant pas à négliger.

Montrer son cul à un médecin n'est pas toujours évident. Et si 30% des Français ont déjà eu au moins une relation anale, comme le rapporte l’Association française de formation médicale continue en hépato-gastro-entérologie, peu franchissent les portes des cabinets de proctologie.

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Pourtant, "la sexualité anale est autant à risque que toutes les autres sexualités si l’on regarde du côté des IST", souligne Jean-David Zeitoun, gastro-entérologue et proctologue.

Dans son cabinet parisien, la plupart de ses patients viennent au moment de commencer la PrEP, pour mettre en place un dépistage régulier et un suivi. "Il existe aussi une vraie crainte d’être jugé", raconte Fabbio (le prénom a été modifié), 39 ans, militant à Aides. Si tu tombes sur un médecin homophobe, ça peut vraiment devenir très compliqué. Surtout quand il faut parler de tes pratiques sexuelles !” Pour répondre à ces inquiétudes, des listes de médecins safe et gay friendly circulent dans les centres de santé communautaires.

VIH, hépatites et HPV

"Mais les examens médicaux externes comme internes ne sont pas douloureux, rassure Jean-David Zeitoun. Même s’ils sont parfois un peu désagréables." La consultation simple consiste à regarder la marge anale et à pratiquer un toucher rectal. Le proctologue peut également réaliser une anuscopie, qui permet de visualiser le bas du rectum et le canal anal. En cas de nécessité, il peut aussi avoir recours à des procédures non invasives, par exemple pour coaguler des hémorroïdes ou des condylomes visibles.

Un rendez-vous régulier chez un proctologue permet aussi de prévenir et/ou de traiter certaines infections. "Une zone sexuelle peut être une porte d’entrée aux IST", prévient le médecin, qui conseille de prendre rendez-vous sans attendre si une lésion apparaît sur l’anus, si une douleur survient ou encore s’il existe une gêne. Outre le VIH ou les hépatites, Jean-David Zeitoun observe de nombreux patients avec des papillomavirus (HPV). "Pour l’attraper, il suffit d’être en contact avec une zone ­génito-anale."

Impact sur la vie sexuelle

De fait, 80% des personnes sexuellement actives seront infectées par un HPV au moins une fois dans leur vie, selon la Haute Autorité de santé (HAS). Si, dans une très grande majorité des cas, le système immunitaire élimine les HPV, il arrive que ces derniers favorisent les condylomes, voire plus rarement les cancers de l’anus.

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Au même titre que le frottis pour prévenir le cancer du col de l’utérus, Jean-David Zeitoun rappelle qu’un dépistage régulier et si possible annuel de l’anus est de plus en plus souvent conseillé. "Ces lésions sont parfois visibles à l’œil nu, et, au-delà des risques de santé que cela représente pour soi, beaucoup de patients font part de l’impact que cela peut avoir sur leur vie sexuelle", note-t-il. Car, une fois que le virus s’est installé dans le corps, ces lésions peuvent revenir. Aussi, pour les moins de 26 ans, les recommandations de santé conseillent de se faire vacciner gratuitement.

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"La sodomie ne favorise pas forcément plus les lésions que le reste des pratiques sexuelles, souligne Agnès Sénéjoux, gastro-entérologue au CHP de Saint-Grégoire, à Rennes. Il n’existe pas de données sur l’incidence de la maladie hémorroïdaire chez les personnes ayant une sexualité anale." En revanche, certaines pratiques comme le fist-fucking peuvent avoir des conséquences sur les tissus, surtout quand celui-ci est pratiqué de façon brusque ou sans lubrifiant.

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Enfin, pour les personnes vivant avec le VIH, Aides rappelle de bien faire attention à ses fesses. "Pendant la période de primo-infection, tu es plus à risque puisque tes défenses immunitaires chutent. Donc, oui, il faut aller chez le proctologue. Mon premier rendez-vous en cabinet, en 2010, a presque été plus traumatisant que le VIH, lâche Fabbio en riant. J’ai été opéré deux fois du canal anal à cause du HPV. Et, pendant un an, entre les douleurs et la crainte de ne plus pouvoir être passif, ce n’était pas simple." Aujourd’hui, grâce à un suivi régulier et à son traitement contre le VIH, qui le rend indétectable, il a repris une vie sexuelle épanouie : "Et mon cul et moi, on va bien !"

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Crédit photo : Unsplash