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Festival de CannesQueer Cannes, jours 7 et 8 : on a vu "Titane" et rencontré une ancienne pornstar

Par Franck Finance-Madureira le 16/07/2021
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Chaque jour, TÊTU revient sur les films et les personnalités queers qui font le festival de Cannes. Aujourd'hui, Titane, et une rencontre avec Simon Rex.

C’était l’événement pré-14 juillet le plus couru de la Croisette : le nouveau film de Julia Ducournau, qui avait saisi le monde du cinéma mondial il y a 5 ans avec Grave, était présenté en compétition et c’est sans nul doute le film qui divise le plus la critique. Grosse machine américanisante vide de sens pour certains, brûlot queer et féministe pour d’autres. Et si c’était un peu tout ça à la fois ?

Queer Cannes, jours 7 et 8 : on a vu "Titane" et rencontré une ancienne pornstar

Flash-back en ouverture, un accident, une plaque de titane. Plan séquence virtuose dans un salon de l’auto près de Marseille : des carrosseries rutilantes, de jeunes danseuses/strip-teaseuses qui aguichent le chaland, et l’une d’entre elles, élue par la caméra qui va virevolter autour de son corps en tension alors qu’elle s’adonne à une chorégraphie très hot avec un capot de bagnole. C’est Alexia (Agathe Rousselle, révélation), héroïne flippante, changeante et fascinante de Titane. Sans dévoiler les dizaines de surprises réjouissantes ou crado que le film réserve, on peut s’en tenir à un constat : Julia Ducournau est une cinéaste qui aime casser les codes, dégenrer et déranger, et qui propose un film qui porte en étendard une forme de non-binarité totale. Alexia est entre le féminin et le masculin, l’être de chair et la machine, le mensonge et la vérité, le bien et le mal, la victime et le bourreau… A la manière d’un Verhoeven, Ducournau interroge toujours le regard, et bien sûr le sien, une forme de « queer gaze » vénère assumé. Tout est conscient, tout fait sens sans jamais renier un goût naturel pour l’image inédite, surprenante, iconique, pour le recul ironique ou même cynique sur les situations qu’elle met en place : un enchaînement de meurtres horrible et drolatique, des corps marqués, suppliciés, maltraités, vénérés, des sentiments brutaux et francs, une relation père-fils chez les pompiers qui vient titiller les fondements de la masculinité. Un cinéma qui n’a pas peur de faire du cinéma, d’exploser dans tous les sens, d’explorer tous les sens en réveillant les inconscients. Un cinéma qui est déjà le monde de demain.  

La rencontre du jour : Simon Rex, acteur de Red Rocket de Sean Becker

Connu pour avoir été l’une des premières stars « gay for pay » du porno américain, Simon Rex, connu aussi sous le nom de Dirt Nasty, a joué quelques rôles dans des comédies populaires comme les Scary Movie (3, 4 et 5). Sean Baker, réalisateur de Tangerine lui offre un rôle sur mesure dans Red Rocket, qui raconte le retour d’une star du porno dans son village du Texas.

Queer Cannes, jours 7 et 8 : on a vu "Titane" et rencontré une ancienne pornstar

TÊTU : Comment avez-vous réagi à la proposition de Sean Baker d’incarner un anti-héros au parcours un peu similaire au vôtre ?

Simon Rex : J’ai dit « ok c’est un peu beaucoup » mais rien ne se passait en pleine pandémie et j’avais envie de travailler.  Je n’avais vraiment rien à perdre à ce moment-là ! Je me suis jeté au fond de la piscine. Je savais que Sean était brillant et je n’ai pas hésité à travailler avec lui. Avec un autre réalisateur, j’aurais peut-être été inquiet mais là je lui ai fait une confiance totale, je savais que cela serait beau et classe même si le sujet tournait autour de l’hypersexualisation. Et cela va être intéressant de voir les réactions aux Etats-Unis où les gens ne sont pas comme en Europe, ils sont toujours crispés quand il s’agit de parler de sexualité. Je viens de Californie et c’est un peu plus ouvert sur ces questions. 

Têtu : C’est un rôle de rêve pour un acteur !

Simon Rex : Sean aime que ses films soient ouverts à toutes les interprétations mais la sexualité et la masculinité toxiques, c’est un vrai sujet pour les Américains, comme cette idée de l’énergie de la grosse bite (big dick energy stuff en VO, ndlr) qui aurait pu faire peur aux acteurs. Et puis grâce à ce rôle je suis à Cannes, assis avec vous, je n’aurais jamais cru que cela me serait arrivé un jour ! Jouer ce rôle c’était pour moi comme rouvrir une porte de mon passé mais tout en mentant et en riant, mais surtout sans jamais me prendre trop au sérieux. J’ai 46 ans et je fais un peu le point sur ma vie mais je me suis dit qu’il fallait le faire même si j’ai eu un peu peur que cela fasse remonter des choses à la surface mais je peux gérer. C’est un rôle à dimensions multiples, le film est drôle, sexy et j’en suis très fier. C’est ce dont je suis le plus fier jusqu’ici ! 

Têtu : Vous êtes une véritable icone gay, comment le vivez-vous ?  

Simon Rex : Cela fait si longtemps que, maintenant, j’y suis habitué ! Rien de nouveau ! Cela fait plus de 25 ans. Parfois, cela peut être un peu gênant d’être vu par la communauté gay ou par les femmes comme un objet sexuel, d’être regardé par des gens qui ne pensent qu’à une chose bien précise mais c’est la vie. Et cela arrive à plein de gens d’être objectivés. Je m’en fous un peu, sans vouloir être sexiste, je pense que cela m’a aidé à comprendre les femmes qui sont plus souvent regardées comme des objets par les hommes hétéros.

 

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