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VIHVivre avec le VIH : "Séropo, je n’arrive pas à répondre à la question 't’es clean ?'"

Par Elodie Hervé le 01/12/2021
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TÉMOIGNAGE. Après avoir longtemps souffert de sa séropositivité, Konstantinos est désormais actif dans la lutte anti-VIH.

"Fin 2019, quand je suis retourné au laboratoire pour connaître mes résultats, mon compagnon d’alors n’était pas avec moi. Les médecins sont venus me chercher et m’ont conduit dans une salle où je me suis retrouvé seul, face à eux. Ils parlaient, mais je ne comprenais pas le français. D’un coup, ils ont dit « HIV », puis « aids » (« VIH » et « sida », en anglais), et, là, j’ai compris, débite rapidement Konstantinos. Je me suis figé, je n’entendais plus rien. Après ça, je suis parti et j’ai marché pendant quatre heures, sans but.”

"Sans elle, je ne serais pas ici"

Ses yeux bleus balaient la terrasse où nous nous sommes assis·es, près de la gare de Lyon. Il a commandé un café, qu’il boit froid. À 34 ans aujourd’hui, il se remémore son parcours avec émotion. Né en Grèce, ce grand brun s’est passionné pour la France et le français après avoir découvert Mylène Farmer : “Sa mélodie, sa voix, sa présence, je n’oublierai jamais ce moment. D’ailleurs, c’est un plan cul qui me l’a fait découvrir et, ce soir-là, on n’a rien fait tellement j’ai chaviré, se souvient-il en riant. Je vous jure, sans elle je ne serais pas ici.”

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Dès le lendemain, il s’inscrit à un cours de français et, trois mois plus tard, en août 2008, part s’installer en France, à Lyon. Là, il rencontre un garçon, tombe amoureux, puis s’installe avec lui. En septembre 2009, il se rend au Stade de France voir son idole : “Je ne comprenais rien, je ne parlais pas français. Je n’ai fait que crier les syllabes que je connaissais. C’était quelque chose !” C’était Mylène.

Contamination au VIH

En hiver, Konstantinos tombe malade : la fièvre s’installe, il a des courbatures et un mauvais pressentiment. Un médecin lui préconise une série de tests ; son compagnon, présent à ses côtés, lui traduit en anglais les démarches qu’il doit accomplir. Après les résultats, où il se rend seul, c’est ensemble qu’ils retournent au cabinet du praticien : “Le médecin m’a demandé si j’avais eu des relations avec d’autres gens. Mon compagnon a traduit, et j’ai répondu « non ». Puis le médecin lui a posé la même question, et lui a dit « oui », donc j’ai compris qu’il avait couché avec quelqu’un d’autre sans se protéger.”

Pour Konstantinos, c’en est trop. Il décide de rompre et finit par emménager dans un studio sous les toits. Avec son job dans la restauration et ses ami·es, qui viennent l’épauler, il tente ensuite de se frayer un chemin dans sa nouvelle vie. “Peu à peu, j’ai réalisé que j’avais vécu dans une relation d’emprise avec cet homme, et que j’étais tout à fait capable de me débrouiller sans lui”, explique-t-il.

Sérophobie ordinaire

Il revit, s’inscrit sur Grindr, fait des rencontres. Mais, sur les applis, la sérophobie est courante : “Je n’arrive toujours pas à répondre à « t’es clean ? ». Je trouve ça très insultant, et je ne comprends pas : je me lave tous les jours, je fais des gommages, je prends soin de moi. Oui, je suis clean. Le VIH n’a rien à voir avec ça, réplique-t-il. J’ai parfois des messages comme « tu n’es qu’une salope, tu as eu ce que tu méritais », auxquels je réponds que j’ai commencé à être salope après avoir été infecté par le VIH.”

Par la suite, Konstantinos se trouve un copain, dont il demande la main en 2013 pour faire un mariage d’amour et de pail- lettes. Wilfrid, séronégatif, va lui permettre de retrouver un équilibre entre son travail, son traitement et sa vie sentimentale. “La plus belle chose qu’il m’ait dite, c’est : « Je t’accepte tel que tu es. » Cette phrase m’a permis de réaliser que j’allais réussir à vivre avec le VIH”, raconte Konstantinos, qui a trouvé à cette époque une trithérapie qui lui correspond. Le couple se sépare néanmoins en août 2017 : “Notre histoire avait fait son temps, et nous nous sommes séparés sans colère, mais avec des projets différents.”

"Et maintenant, ça va?"

En 2018, Konstantinos trouve la force d’annoncer sa séropositivité à sa mère. “Autant mon coming out a été un peu compliqué, autant l’annonce de ma séropositivité s’est très bien passée, note-t-il. Ma mère m’a juste demandé : « Et maintenant, ça va ? » C’est tout. C’était un moment très beau et très touchant.” Après avoir gardé le silence pendant neuf ans par crainte du rejet, il a désormais compris qu’il n’y a rien de honteux à vivre avec le VIH et qu’il peut, à son tour, aider les personnes qui se découvrent séropositives. Il vient d’ailleurs de suivre une formation à Aides pour apprendre à effectuer des dépistages. “En ce moment j’épaule un jeune homme bi qui a besoin de comprendre ce qu’est ce virus”, détaille-t-il.

Quant à savoir s’il ira au prochain concert de Mylène Farmer, Konstantinos sourit. “La question n’est pas de savoir si j’irai, mais avec qui !” Rendez-vous en 2023.

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