Après quatre ans de vie commune avec le VIH, Nina Champs a décidé de prendre la parole en tant que femme trans non-binaire séropositive, aussi bien dans son art que dans le militantisme LGBTQI+ et féministe. Une représentation qui lui a manqué dans sa propre construction… Rencontre.
À seulement 24 ans, elle a déjà écrit une pièce de théâtre et investi des collectifs militants qui changent le monde, et plus particulièrement le paysage militant de Liège. Mais la France a pu la découvrir plus récemment, dans le métro parisien ou sur les réseaux sociaux... Nina Champs, femme trans non-binaire belge, prend la parole sur sa vie avec le VIH dans la campagne du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, de l’association AIDES.
Autrice, danseuse, DJ, metteuse en scène, comédienne, Nina a donné les trois premières représentations de sa pièce qui parle de VIH et de sérophobie, Hurler à la mer, mi-octobre 2021. Sur les planches comme à la ville, c’est avec le collectif pluridisciplinaire queer Les Bastards, qu’elle oeuvre à faire évoluer la vie culturelle et politique liégeoise, avec notamment la création de soirées Transpédégouines et son relai actif des groupes de parole transfem de sa ville. « On ne peut plus nous ignorer, car on fait front ! », nous raconte-t-elle, émue, en parlant de sa famille choisie. Un entretien qui aura nécessité le sacrifice de plusieurs mouchoirs, pour les deux paires d’yeux présentes.
Tu es l'un des cinq visages de la campagne #leVIHnempechepas de AIDES. Qu’est-ce que ça te fait ?
Je suis très honorée. Je suis liégeoise, mais l'impact des campagnes françaises est fort en Belgique. Et quand je me sentais mal vis-à-vis du VIH, elles m’ont fait du bien. Je suis d’autant plus fière de faire partie de cette campagne à visage découvert sur les discriminations faites aux personnes séropositives en tant que femme transgenre non-binaire. Et je suis très contente de ce que AIDES a fait de nos témoignages !
Tu as déjà eu des retours sur cette campagne ?
Oui. Il y a pas mal de personne séropositives, cis ou trans, qui m'écrivent pour me remercier d’être visible.
Tu as découvert ta séropositivité a 20 ans, tu en as 24 aujourd’hui. D’où te vient cette force pour en parler aussi ouvertement, si peu de temps après ?
Quand on m'a diagnostiquée, on m'a expliqué que je pouvais devenir indétectable. Depuis, je n’ai jamais compris la violence des discriminations sérophobes. Indétectable ou non, d’ailleurs, on ne devrait pas être discriminé·e·s, mais le fait est que scientifiquement, il n'y a tout simplement aucun motif valable pour le faire, ni pour que j'en fasse un tabou dans ma vie. Parler a été un exutoire pour moi, puis en voyant le bien que ça faisait à d'autres personnes, j'ai eu envie de continuer. J’ai aussi voulu apporter une représentation, trop rare, de femme trans séropositive.
Tu en as eu, toi, des représentations qui t’ont aidée dans ton parcours ?
La seule représentation positive d'une femme trans vivant avec le VIH que j'ai eue, c'est Blanca dans Pose... Mais l’histoire se passe dans les années nonante ! J'ai souvent l'impression que l'on sous-estime notre importance parmi les populations les plus exposées à l'épidémie. Il faut bien se rappeler que dans les années 80-90, les femmes trans étaient comptées comme ce qu'on appellerait aujourd'hui “HSH”, car pas considérées comme des femmes. Mais nous aussi, avons beaucoup de mortes du sida à pleurer....